La situation est encore loin de s’améliorer en Afghanistan

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Commandant de la mission Resolute Support et chef des forces américaines déployées en Afghanistan, le général John Campbell, qui s’apprête à passer le relai au général Nicholson, s’est dit « optimiste » sur l’avenir du pays, lors d’une conférence de presse donnée le 13 février à Kaboul.

Depuis le début des opérations militaires en Afghanistan, en 2001, généraux et responsables politiques successifs ont servi quasiment le même discours. Certes, on peut préférer « écouter la forêt qui pousse plutôt que l’arbre qui tombe », comme l’a dit Hegel et même penser, comme le père du mouvement scout, Baden-Powel, que « l’optimisme est une forme de courage qui donne confiance aux autres et mène aux succès ».

Seulement, ce genre d’autosuggestion a ses limites. Bien sûr, tout n’est pas sombre en Afghanistan. Mais, plus d’un an après la fin des opérations de combat de l’Otan dans ce pays, il y a quand même plus de raisons d’être inquiet qu’optimiste.

Ainsi, au cours de ces derniers mois, les forces afghanes ont été sérieusement mises en difficulté dans la province septentrionale de Kunduz. Et les insurgés taliban ont même occupé, pendant quelques jours, la capitale provinciale du même nom. Cette dernière est encore encerclée par les rebelles.

« Je n’ai cessé de demander qu’un opération de grande envergure soit lancée dans les districts qui entourent la ville. Mais personne n’a prêté attention à mes appels. Les insurgés sont devenus encore plus puissants », déplorait, la semaine passée, Hamdullah Daneshi, le gouverneur par intérim de la province de Kunduz.

Dans le sud, ce n’est guère mieux. Ainsi, la situation dans la province du Helmand, haut lieu de la production d’opium, est telle que le Pentagone y a annoncé, le 9 février, l’envoi de renfort pour « conseiller »  le 215e Corps de l’armée nationale afghane. Évidemment, il n’est pas question d’une participation des troupes américaines aux combats. Un officier afghan, rapporte l’AFP, a ainsi admis que « sans l’aide des Américains, Sangin [ndlr, le district] et d’autres zones du Helmand seraient déjà tombées » aux mains des taliban.

Au total, et de l’aveu même du général Campbell, interrogé au début du mois par des parlementaires américains (ce qui oblige à une certaine franchise), 26 districts afghans (sur 404) sont passés sous le contrôle des taliban et de leurs alliés. Et 94 autres sont susceptibles de « basculer ».

« Si nous pensons que nous pouvons tout simplement arrêter et que ça partira, ou que les gens ne vont pas continuer à essayer d’attaquer l’Europe ou attaquer ici sur notre sol, alors nous sommes naïfs, nous nous leurrons », avait affirmé le général Campbell, plaidant pour la poursuite d’un soutien important aux autorités de Kaboul.

En outre, c’est sans compter sur les attentats, commis régulièrement dans les centres urbains, la réinstallation d’al-Qaïda (un raid aérien a été nécessaire pour détruire un camp d’entraînement de l’organisation jihadiste à Kandahar, en octobre dernier), l’émergence de l’État islamique dans la province de Nangarhar ou encore  le surplace des négocations de paix (menées avec le concours du Pakistan) entre le mouvement taleb et le gouvernement afghan. De quoi être très optimiste en effet…

Cette situation se traduit par une nouvelle hausse des victimes civiles des combat constatée en 2015 par la Mission des Nations unies en Afghanistan (UNAMA).

Ainsi, 11.002 civils ont été tués ou blessés l’an passé, soit une hausse de 4% par rapport à l’année précédente. Il s’agit du bilan le plus lourd depuis 2009.

Dans le détail, 3.545 civils ont perdu la vie, du fait des combats. Et 25% des victimes sont des enfants (+14%), 10% sont des femmes (+37%). Ce qui est inacceptable pour l’UNAMA. « Nous appelons ceux qui infligent ces souffrances au peuple afghan à agir concrètement pour protéger les civils et mettre un terme aux tueries et aux mutilations », affirmé Nicholas Haysom, le représentant spéciale des Nations unies.

Dans 37% des cas, les pertes civiles sont dues aux combats au sol. Les engins explosifs improvisés (IED) sont responsables de 21% des tués, suivis par les attentats suicides (17%). Pour une fois, pertes causés les taliban et leurs alliés sont en baisse (-10%) mais elles représentent quand même 62% du total. Les forces pro-gouvernementales sont responsables de 17% des victimes. Il serait temps maintenant d’écouter l’arbre qui pousse et de prêter attention à la forêt qui est sur le point de tomber…

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