A priori, M. Sarkozy n’a aucun regret sur la politique de défense menée durant son mandat

sarkozy-20160102Le 25 janvier, Nicolas Sarkozy a publié, aux éditions Plon, un livre intitulé « La France pour la vie« , dans lequel il revient sur ses 5 années passées à l’Élysée. Un moyen, comme il l’explique en 4e de couverture, de faire le bilan de ses « erreurs » et de ses « réussites » de son mandat présidentiel.

Au total, et le Figaro les a comptées, M. Sarkozy admet 27 erreurs, notamment sur le plan économique ou encore sur quelques attitudes à l’égard de certaines professions (comparer les juges à des petits pois a été plutôt malheureux, confesse-t-il).

Battre sa coulpe n’est pas un exercice aisé. Cependant, l’on aurait pu s’attendre à trouver, dans ce livre, des regrets, à défaut des explications, sur la politique de défense menée entre 2007 et 2012, tant les sujets de friction avec la communauté militaire ne  manquèrent pas durant cette période. En outre, faut-il le rappeler, s’il y a un domaine régalien par excellence, c’est bel et bien celui des armées.

Dans son livre, M. Sarkozy admet qu’il lui aura fallu du temps pour « être immédiatement président », et donc chef des armées. Sur ce point, on sera pas trop étonné.

Lors de son duel avec Ségolène Royal, en 2007, il s’était mélangé les pinceaux sur le nombre de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de la Marine nationale en répondant à une question du journaliste Jean-Jacques Bourdin (qui n’avait pas été capable, non plus, de donner la réponse exacte). En mai 2008, soit un an après son élection, M. Sarkozy s’était étonné de voir des bases aériennes sans aucun avion, oubliant (ou ignorant) que toutes n’ont pas vocation à en accueillir (écoles, entrepôts, radar, etc).

Cette année 2008 aura été difficile sur le plan des relations entre le président Sarkozy et les armées. Que l’on se souvienne de la « traque » des officiers du collectif « Surcouf », coupables d’avoir publié dans les colonnes du Figaro une tribune très critique sur les conclusions du Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale, dont l’encre était à peine sèche. Enquête de la nouvelle Direction de la sûreté du territoire (DST), doublant celle de la DPSD, perquisitions au Collège interarmées de défense (CID, École de guerre aujourd’hui), etc… Un éclairage de l’ancien président sur cet épisode aurait été le bienvenu.

Comme aussi pour expliquer le mot « amateur » qu’il avait lancé au lendemain de la « fusillade de Carcassonne », lors d’une présentation dynamique organisée au cours d’une journée portes ouvertes au 3e RPIMa. Suite à cette affaire, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Bruno Cuche, démissionna.

Beaucoup de choses ont été écrites sur ce sujet. La colère présidentielle était-elle adressée à l’encontre de l’ensemble des militaires ou bien aux seuls responsables du drame? Jamais, dans son livre, le président Sarkozy ne revient sur cet épisode et laisse donc ainsi le soin à d’autres de parler à sa place. Quoi qu’il en soit, le mot est resté et nombreux sont les militaires qui ne l’ont pas avalé.

Un autre impair commis en 2008 aura été la présence de Bachar el-Assad dans la tribune officielle lors du défilé du 14-Juillet, alors que la promotion « Lieutenant de la Bâtie » (du nom d’un jeune officier tué dans l’attentat contre le Drakkar, au Liban) de l’École militaire interarmes (EMIA) devait descendre les Champs-Élysées et incliner son drapeau devant les autorités. La couleuvre fut dure à avaler pour certains….

Et puis, il y a eu les réformes du ministère de la Défense… marquées par les déflations importantes d’effectifs, la refonte de la carte militaire et la création de « bases de défense ». Et là, les rapports qui s’empilent, rédigés par des personnalités de droite comme de gauche, vont dans le même sens : elles ont eu pour conséquence une dégradation du soutien administratif des unités, alors que c’était jusqu’alors un point fort des armées.

En outre, les années Sarkozy ont été marquées par l’affaire des dysfonctionnements de Louvois, ce logiciel de paiement des soldes totalement fou qui a plongé de nombreux militaires dans de grandes difficultés financières. Le sentiment que l’on peut avoir est que ce problème a été minimisé… Car il faudra attendre la rentrée 2012 pour que le nouveau ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le prenne à bras le corps. L’ancien président n’a eu aucun mot, dans son livre, sur ce désastre. Ou alors peut-être indirectement.

« Interventionniste? La vérité, c’est que je ne l’ai jamais, en fait, pas été assez! Je me reproche aujourd’hui de pas m’être suffisamment impliqué afin de voir les choses étaient mises en oeuvre jusqu’au bout, si on agissait bien en profondeur, si l’Administration avait obéi, si la réforme était engagée avec la rigueur nécessaire, si les ministres ne biaisaient pas avec les écueils rencontrés sur leur route », écrit-il, page 135.

La seule fois où M. Sarkozy évoque la réforme des armées, c’est pour se féliciter d’avoir « promis » à Metz, qui devait alors perdre un tiers de ses militaires, un musée qui « générera beaucoup plus de richesses, de touristes et de bonheur »  [et qui était alors en construction depuis 2006, ndlr] que l’implantation d’une « administration décentralisée ».

Si M. Sarkozy consacre un chapitre entier sur la politique culturelle, les relations internationales en général et les interventions militaires en particulier, ne bénéficient pas d’un pareil traitement. Ce qui ne veut pas dire qu’elles soient totalement absentes de son livre.

Toutefois, les opérations en Afghanistan ne sont pas évoquées, alors que, pendant le mandat de M. Sarkozy, 72 militaires français y ont laissé la vie. Quant à celle menée en Libye, en 2011, l’ancien président ne la regrette pas… Et reproche à son successeur d’avoir abandonné les nouvelles autorités libyennes. Mais la France ne fut pas la seule à intervenir… Aussi, cette critique peut tout aussi bien être adressée au Royaume-Uni de David Cameron ou aux États-Unis de Barack Obama.

Par ailleurs, M. Sarkozy critique la non-livraison à la Russie des deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral, dont le contrat fut signé en juin 2011, et parle d’une « profonde erreur » qui coûtera 1 milliard d’euros aux contribuables [ce qui est faux : le coût est d’au moins 200 millions d’euros].

Sur ce sujet, il a été dit que l’état-major français s’était opposé à la vente de ces navires à Moscou. Il aurait été intéressant, là encore, d’avoir quelques explications sur ce dossier, en particulier sur la raison qui a motivé cette vente. Et cela, alors que la France venait de réintégrer le comité militaire de l’Otan, vue à l’époque (et même encore ajourd’hui) comme une menace par la Russie. Il y a là une contradiction qui mériterait d’être éclairée.

Mais M. Sarkozy ne donne pas que dans l’autocritique. Il donne également son sentiment sur les crises actuelles. Comme par exemple sur l’affaire syrienne et l’émergence de l’EI. Si la décision de « faire la guerre » à cette organisation jihadiste a été « la bonne », l’ex-président déplore le manque de moyen et de détermination.

« Il aurait fallu que l’un des pays de la coalition assume un leadership indispensable à la réussite de toute opération. Or, personne ne l’a souhaité, chacun essayant de laisser à l’autre la responsabilité de régler la crise », écrit-il. Visiblement, il semble feindre d’ignorer que les opérations contre Daesh se font sous commandement américain et selon une stratégie en 5 points… Ou alors il ne maîtrise absolument pas ce dossier.

« En vérité, si on choisit de faire la guerre, il faut la faire totalement sans autre but que celui de l’emporter, et en outre le plus rapidement possible », estime M. Sarkozy. Seulement, cela va à l’encontre de ce qu’a encore dit récemment le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées, qui dénonce la « tyrannie de l’urgence » étant donné que « la force a besoin de temps pour produire ses effets ».

Sur le plan économique, M. Sarkozy estime qu’il faudra revenir à la politique de non remplacement de un fonctionnaire sur deux…. Mais à l’exception des « forces de sécurité » (page 221). Cela englobe-t-il les armées dans son esprit? A priori, non. Page 186, il écrit : « S’agissant des effectifs de policiers et de gendarmes, je souhaite qu’il soit tenu compte de la particulière gravité de notre situation sécuritaire pour décider d’exonérer ces deux administrations de tout effort de réduction de dépense de personnel ».

En conclusion, M. Sarkozy parle de faire jouer à la France un « rôle décisif en matière de politique étrangère », estimant que la « crédibilité économique nourrit la crédibilité politique ». Mais c’est oublier la fameuse citation de Bismarck : « La diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ».

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