Syrie : La France veut éviter un face à face entre le régime d’Assad et Daesh

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Depuis le 29 janvier, des discussions ont été ouvertes entre le régime syrien et les groupes d’oppositions rassemblés au sein du « Haut Comité des négociations » (HCN), constitué en décembre sous l’égide de l’Arabie Saoudite.

Ce HCN – qui ne représente par les Kurdes de Syrie – est présidé par Riyad Hijab, éphémère chef du gouvernement syrien (entre juin et août 2012) et partisan d’une Syrie « démocratique » et « non sectaire ». Seulement, cette structure compte dans ses rangs des groupes armés dont la présence est discutable en raison de leur idéologie salafiste.

C’est ainsi le cas de Jaish al-Islam, dont un des cadres, Mohammed Allouche, a été désigné « négociateur en chef » du HCN, ou encore de celui de Ahrar al-Sham, allié, sur le terrain, au front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda.

Mais il ne faut pas s’y tromper : les ficelles de ces négociations organisées à Genève et auxquelles, faut-il le préciser, al-Nosra et l’État islamique (EI ou Daesh) ne sont évidemment pas conviés, sont en réalité tirées par des pays qui ont des intérêts en Syrie, comme la Russie, l’Arabie Saoudite, qui cherche à contrer l’Iran et l’influence chiite partout où elle le peut, ou encore la Turquie.

Cela étant, pour Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, souhaite que ces discussions finissent par donner lieu à une transition politique en Syrie. Mais rien n’est moins sûr (et il serait très osé de parier sa solde sur une telle issue…).

En attendant, comme il l’a souligné lors du Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro, le 31 janvier, l’aviation russe continue de frapper « des groupes insurgés qui eux-mêmes frappent Daesh », ce qui est loin de le « réjouir » car l’organisation jihadiste « est notre ennemi » qu’il faut « totalement éradiquer » tandis que « Bachar [el-Assad] est l’ennemi de son peuple. »

En janvier, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, avait indiqué à la commission des Affaires étrangères, à l’Assemblée nationale, que selon les estimations, les frappes russes visent « pour 50 % l’opposition modérée, pour 35 % l’opposition ‘dure’ et Daech pour 15 % ».

Aussi, l’issue redoutée par le M. Le Drian est d’arriver, in fine, à un face à face entre le régime syrien actuel et l’État islamique. Ainsi, Bachar el-Assad obtiendrait ce qu’il a toujours cherché, c’est à dire passer pour un « rempart » face aux jihadistes, qu’il a d’ailleurs fait sortir de ses prisons en 2011.

« Le régime syrien a apporté son soutien aux combattants étrangers en Irak lors de l’insurrection irakienne de 2013. De même, en février 2012, le régime relâche Abu Musab al-Suri, idéologue jihadiste et opérateur de haut rang d’al-Qaïda, (…) ainsi que des dizaines d’autres militants de premier ordre. Ces groupes disposent alors d’un stock d’armes reçues par l’armée syrienne durant les décennies précédentes. (…) La stratégie d’Assad apparaît alors clairement : favoriser l’émergence de groupe jihadiste au sein de la rébellion pour la diviser mais aussi afin de dissuader les puissances occidentales d’intervenir en Syrie. Cela a également galvanisé la base de soutien à Assad », peut-on lire dans un cahier du RETEX, publié par le Centre de doctrine et d’emploi des forces (CDEF) (*).

« Il ne faudrait pas que l’évolution des combats aboutisse à ce qu’il y ait Bachar d’un côté et Daesh de l’autre parce que si c’est ça, à ce moment-là, ce sera très attractif pour Daesh et donc ce serait contre nos propres intérêts », a expliqué M. Le Drian.

Cependant, le ministre aurait pu aussi évoquer le front al-Nosra et généraliser en parler d’un face à face entre Bachar et les jihadistes dans leur ensemble. Si la branche syrienne d’al-Qaïda se pose en rivale de Daesh, elle est tout aussi dangereuse. Dans un récent rapport [.pdf], l’Institue for the Study of War va même jusqu’à la considérer comme étant la « plus grande menace pour la sécurité des États-Unis ». Et d’estimer que la stratégie visant à concentrer les efforts sur l’EI est « erronée ».

« Des attaques conjointes des deux organisations terroristes pourraient menacer l’économie mondiale et provoquer les sociétés occidentales à instaurer des restrictions intransigeantes en termes de libertés et de droits civils, créant ainsi un risque pour les valeurs et le mode de vie américains », fait valoir le document.

« Même si l’EI est plus ‘à la mode’, les deux groupes sont une menace pour les Etats-Unis. Al-Nosra tente également de monter la communauté musulmane contre l’Occident », a insisté Kimberly Kagan, ancienne conseillère du général David Petraeus. « Al-Nosra se fond tranquillement au sein de la population et de l’opposition syrienne. Il adopte une position attentiste et attend la défaite de Daesh pour prendre le contrôle du jihad mondial », a-t-elle ajouté.

(*) Les évolutions tactiques du conflit en Syrie 2011-2014 – CDEF

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