Paris et Washington appellent Moscou à bombarder Daesh et non l’opposition armée syrienne

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Les ministres de la Défense de sept pays engagés dans la coaltion anti-État islamique (EI ou Daesh), à savoir les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, Australie, Allemagne, Pays-Bas et Italie) ont tenu une réunion, ce 20 janvier, à Paris, pour faire le point sur les opérations en Syrie et en Irak et etudier leur éventuelle intensification.

Ces dernière semaines, Daesh a été contraint de céder du terrain face aux combattants kurdes et à des unités des forces de sécurité irakienne (FSI), dont les membres ont été, en grande partie, formés par des instructeurs militaires déployés par la coalition à Erbil et à Bagdad.

Ainsi, l’axe d’approvisionnement utilisé par Daesh et reliant Raqqa, en Syrie, à Mossoul, en Irak, a été coupé grâce à l’action des forces kurdes irakiennes, appuyées par l’aviation de la coalition, dans le secteur de Sinjar.

Plus tard, les Forces démocratiques syriennes (FDS), constituées par les milices kurdes des YPG et des groupes arabes armés, ont progressé dans la province d’Alep, en Syrie, et repris le contrôle du barrage de Tichrine, alors aux mains des jihadistes. Dans le même temps, les FSI ont reconquis la ville de Ramadi, chef-lieu de la province irakienne d’al-Anbar, qu’elles avaient abandonnée à Daesh en mai 2015. Là encore, l’appui aérien de la coalition a joué un rôle primordial.

En outre, depuis octobre, l’opération Tidal Wave II a été lancée pour frapper Daesh au portefeuille, notamment en ciblant ses revenus pétroliers. D’ailleurs, l’aviation française a bombardé, à plusieurs reprises, des centres d’exploitation d’hydrocarbures contrôlés par les jihadistes.

Aussi, lors d’une conférence de presse organisée à l’issue de cette rencontre, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a affirmé que les efforts de la coalition « portent leurs fruits » car, sur le terrain, « Daesh recule » et « nous sommes parvenus à affecter ses ressources ». Et d’ajouter : « C’est le moment d’accroître nos efforts en mettant en oeuvre une stratégie collective cohérente ».

Son homologue américain, Ashton Carter, est allé dans le même sens. S’agissant de l’évolution de la stratégie de la coalition, ce dernier a indiqué qu’elle devrait se concentrer sur 3 objectifs prioritaires : supprimer les centres de pouvoir de Daesh à Raqqa et à Mossoul, lutter contre l’extension de son influence dans le monde (comme par exemple en Libye) et « protéger les populations chez nous ».

A priori, aucune décision n’a été prise lors de cette rencontre. Une autre sera organisée à Bruxelles, dans « trois semaines », avec l’ensemble des 26 membres de la coalition. « Tous les pays doivent venir en étant prêts à discuter de nouvelles contributions », a prévenu M. Carter. Enfin, un nouvelle réunion avec les sept ministres présents à Paris devrait avoir lieu prochainement à Londres.

Par ailleurs, le rôle de la Russie en Syrie a une nouvelle fois été critiqué. Avant la réunion de ce jour, le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, avait donné le ton. « Les bombardements russes nous dérangent de plus en plus (..) Plusieurs centaines de civils ont été tués lors de raids, avec des bombes non guidées, sur des groupes d’opposition qui combattent Assad », a-t-il déploré.

Le reproche fait à la Russie de bombarder davantage l’opposition syrienne que l’État islamique n’est pas nouveau : il a été exprimé dès le début des opérations aériennes russes en Syrie, soit le 30 septembre 2015.

Pour autant, lors d’une audition au Sénat, en décembre, M. Le Drian avait noté une inflexion de la posture militaire de la Russie, surtout après l’attentat contre un avion civil russe au-dessus du Sinaï. « Nous estimons ainsi que les frappes contre Daech représentent entre 20 et 30 % du total des frappes russes ces dernières semaines, contre 5 % auparavant », avait-il affirmé. Et d’ajouter : « La question qui se pose avec la Russie est de savoir comment nous pouvons faire pour éliminer Daesh ensemble dès lors qu’il serait reconnu comme notre principal ennemi commun. »

Visiblement, cette question n’a pas encore obtenu de réponse satisfaisante. « La Russie est un acteur important dans le dossier syrien. Nous considérons cette place en souhaitant que la Russie concentre ses efforts contre Daech (acronyme de l’EI en arabe) et cesse de frapper les groupes de l’insurrection qui eux-mêmes combattent Daech », a en effet affirmé le ministre français lors de la conférence de presse de ce 20 janvier.

« Les Russes sont sur la mauvaise voie stratégique (…) » en Syrie, a renchéri Ashton Carter. Aussi, a-t-il continué, « jusqu’à ce que cela change, il n’y pas assez de base commune pour une coopération ».

Le problème, en Syrie, est de pouvoir identifier les groupes rebelles… Car outre Daesh, il faut aussi compter le front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda, ainsi que sur son allié, la puissante milice salafiste Ahrar al Sham. En outre, ils sont divisés…

« La plupart de ces mouvements pratiquent une politique opportuniste et se reconfigurent en permanence, s’alliant ou s’opposant entre eux, selon les circonstances et les objectifs. Ceci rend difficile une identification et une classification certaine », expliquait récemment le général Didier Castres, soius-chef d’état-major « opérations ».

Comme le souligne un cahier du RETEX (*) du Centre de doctrine et d’emploi des forces (CDEF), « cette division de la rébellion syrienne sert avant tout la stratégie de Assad. La menace jihadiste alimente sa propagande et affaiblit l’opposition. En revanche, ces groupes jihadistes sont devenus puissants et demeurent bien implantés dans le pays. Ils constituent à ce titre un ennemi de poids pour le régume. À moins que ce dernier n’ait convenu d’un partage durable du territoire avec ces groupes [du moins avec Daesh, ndlr], comme l’affirment certains analystes ».

(*) Les évolutions tactiques du conflit en Syrie – 2011/2014

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