Pourquoi le coordonnateur national du renseignement s’attend à d’autres attaques de Daesh contre la France

lebret-20150603Entendu avant les fêtes de fin d’année à l’Assemblée nationale par la commission de la Défense et des Forces armées, Didier Le Bret, le coordonnateur national du renseignement (CNR), dont la mission est de superviser le travail des différents services français, a rappelé que, depuis août 2013, « plusieurs projets d’attentats ont été entravés sur le territoire national, y compris en 2015, certains impliquant des individus revenant de Syrie et d’Irak, d’autres des individus demeurés » en France et « inspirés par la propagande sur Internet ou par des contacts sur zone via les réseaux sociaux ».

S’agissant de Daesh (État islamique ou EI), contre lequel la France intervient militairement en Irak et, plus récemment, en Syrie, M. Le Bret a indiqué que la communauté du renseignement avait « observé une structuration croissante des projets terroristes » de cette organisation terroriste qui, « après plusieurs tentatives d’actions individuelles commanditées entravées, est parvenu à mener à bien les attaques coordonnées du 13 novembre » à Paris et à Saint-Denis.

Mais ces dernières en annoncent très probablement d’autres. Du moins est-ce la crainte exprimée par le CNR devant les députés. Plusieurs raisons expliquent son estimation.

La première, a relevé M. Le Bret, est que « la volonté de l’état-major de Daesh de frapper la France n’a pas faibli, ce qui fait de notre pays un objectif prioritaire pour cette organisation ». Vouloir est un chose et pouvoir en est une autre… Sauf que l’EI ne manque pas de moyens pour arriver à ses fins.

Ainsi, a expliqué M. Le Bret, le « vivier des islamistes radicaux francophones est très important, ce qui multiplie mécaniquement le nombre de participants possibles à une action d’envergure ».

À cela s’ajoute la « porosité croissante entre islamisme radical et petite délinquance », ce qui donne aux terroristes « des facilités logistiques, notamment pour le financement et l’acquisition d’armement ». Puis, a-t-il ajouté, des « cellules sont également implantées dans des pays limitrophes de la France ».

Et, enfin, il y a l’espace Schengen, au sujet duquel le CNR n’a pas dit que du bien, dans la mesure où il « offre aux islamistes radicaux une importante liberté de mouvement, notamment dans le contexte des arrivées massives de migrants à ses marges ».

Répondant à un député, M. Le Bret a dit avoir « malheureusement le sentiment que l’entrée dans l’Union européenne est assez aisée ». Et d’insister : « Cela ne remet pas en question l’Europe conçue par les pères fondateurs mais, en considérant que confier le contrôle des frontières aux États qui forment le limes européen suffirait à notre sécurité, nous nous sommes mépris, on le constate aujourd’hui ».

Ainsi, par exemple, deux terroristes des attaques du 13 novembre, dont les identités ne sont , à ce jour, pas confirmées, avaient des passeports syriens et leur trace avait été repérée sur l’île grecque de Leros, point d’arrivée de migrants. Et Abdelhamid Abaaoud le chef opérationnel de la cellule responsable des attentats, tué à Saint-Denis lors d’un assaut du RAID, était supposé se trouver en Syrie…

Quoi qu’il en soit, le CNR redoute le retour des « combattants islamistes radicaux francophones vers l’Europe et les pays du Maghreb » dans l’hypothèse, probable, d’un « recul militaire de Daesh » en Irak et en Syrie, sous l’effet des frappes aériennes et de l’avancée des forces terrestres locales.

La propagande jihadiste, relayée par Internet, « continue de gagner en efficacité et en audience », a affirmé M. Le Bret. Conséquence : elle « pourrait soutenir le déclenchement d’actions sporadiques, réalisées par des individus ou des cellules endogènes, opérant par effet d’imitation ou à l’incitation de coreligionnaires sur zone ».

Un autre sujet de préoccupation du CNR porte sur les « modes opératoires susceptibles » d’être appliqués par des « combattants islamistes radicaux ». Ces derniers sont « diversifiés » et les « cibles potentielles très variées ».

L’une des tâches des services de renseignement, aidés par « notamment des éléments mis au jour par l’enquête judiciaire », est actuellement de mener une « étude détaillée de l’itinéraire des auteurs de l’attaque et des préparatifs qu’ils avaient mis en œuvre ».

Ce travail, a expliqué M. Le Bret, vise « à entraver une nouvelle opération sur le territoire national et à démanteler les réseaux de soutien dont les combattants infiltrés par Daesh auraient pu bénéficier en France ». Et il est « essentiel pour évaluer le dispositif de lutte contre le terrorisme, face à une menace jihadiste désormais parvenue à sa pleine maturité. »

Cela étant, à lire le compte-rendu de l’audition de M. Le Bret, on a le sentiment que Daesh monopolise l’attention des services. Perception erronnée ou pas, il n’en reste pas moins que cette organisation terroriste n’est pas seule à vouloir s’attaquer à la France. L’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, revendiqué par al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) le rappelle.

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