Quelles perspectives pour Daesh dans les mois à venir?

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Il a toujours été dit qu’éliminer Daesh (État islamique ou EI) en Syrie et en Irak prendrait du temps. Et cela, en raison de plusieurs difficultés rencontrées par la coalition internationale emmenée par les États-Unis.

Au passage, l’intervention militaire russe en Syrie, n’a, pour le moment, pas eu de conséquence significative pour Daesh, qui n’a été mis en échec que grâce à l’action des milices kurdes (YPG), récemment alliées à d’autres groupes armés arabe au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les États-Unis.

La stratégie suivie par la coalition compte 5 axes, qui ont été rappelés par le général Didier Castres, sous-chef d’état-major « opérations », lors d’une audition au Sénat en décembre (le compte-rendu vient d’être mis en ligne) : assécher les finances de Daesh, tarir le flux de ses combattants étrangers, mener des actions de contre-propagande, en particulier sur Internet, préparer la reconstruction post-conflit et enfin, conduire les opérations militaires, avec l’objectif d’endiguer les jihadistes dans l’attente de la montée en puissance des forces terrestres locales.

Si cela ne pose pas de problème particulier en Irak, où 15.000 soldats ont d’ores et déjà été formés par la coalition, il en va tout autrement en Syrie, où l’opposition dite modérée, soutenue par les Occidentaux, « ne dispose pas de la masse critique, ni des objectifs partagés qui lui permettraient de s’imposer aux autres composantes de l’opposition et de combattre efficacement Daesh », a expliqué le général Castres.

En outre, cette question suscite du « tirage » au sein même de la coalition, car « certains groupes bénéficient d’un soutien puissant d’États tiers, alors même qu’ils ne sont pas considérés comme `’fréquentables’ (…). Dès lors, même si l’on note des progrès dans le dialogue politique, ainsi que dans la cartographie des groupes d’opposition », a confié le sous-chef d’état-major « opérations ».

Au-delà de la difficulté de trouver des alliés locaux fiables en nombre, ce qui limite les actions visant à occuper les territoires laissés par Daesh, cette stratégie militaire, a avancé le général Castres, « souffre de quelques faiblesses pour produire des effets rapides ». À commencer par celle des moyens engagés : le nombre de sorties aériennes effectuées au-dessus de l’Irak et de la Syrie est de l’ordre d’une centaine par jour : c’est 8 fois moins par rapport aux opérations menées au Kosovo en 1999… Et 20 fois moins par rapport à la première guerre du Golfe, en 1991.

À ce propos, s’agissant du stock de munitions des forces aériennes françaises, le général Castres s’est voulu rassurant. Selon lui, ce n’est pas la difficulté principale étant donné que « nos avions embarquant une grande quantité d’armement, ils seraient en mesure de frapper davantage ». Mais, a-t-il continué, la problématique est celle des cibles à traiter pour désorganiser Daesh » car depuis la prise de Mossoul, l’EI « s’est organisé, dissimulé, protégé et ces cibles sont difficiles à détecter ». Et d’insister : « Il n’y aura pas d’interruption des opérations en raison d’une pénurie de munitions ».

Quoi qu’il en soit, en dépit de ces difficultés, Daesh se trouve actuellement sur la défensive. En Syrie, il vient de céder encore du terrain face aux FDS. En Irak, il vient de perdre la ville de Ramadi, qu’il avait conquise en mai 2015 et surtout le contrôle de l’axe logistique (et stratégique) Raqqa-Mossoul, grâce à l’action des combattants kurdes irakiens (Peshmergas). Selon une estimation du Pentagone livrée le 5 janvier, la superficie du territoire contrôlé par les jihadistes a été réduite de 30% l’an passé (40% en Irak, 20% en Syrie).

« En Irak, les indices de l’affaiblissement de Daech s’accumulent. Sur tous les fronts Daech est en défensive. L’organisation terroriste conserve néanmoins un pouvoir de nuisance et de harcèlement important, mais n’est plus capable de mener de grandes offensives. Toutefois, en dépit de pertes très lourdes, son attractivité ne faiblit pas. Chaque semaine, nous estimons qu’une centaine d’hommes et femmes rejoignent le Levant en provenance de l’étranger », a expliqué le général Castres, quelques jours seulement avant la reprise de Ramadi.

Dans ces conditions, quelles sont les perspectives pour l’organisation jihadiste dans les 12 ou 18 mois à venir?

« En réponse à une rupture probable de sa continuité géographique, Daech devrait essayer de défendre une zone qui continue d’incarner le califat, soit dans l’est de la Syrie, où Daech bénéficie de plus de liberté d’action et de circulation, soit du côté de Mossoul, en raison de sa valeur symbolique », a estimé le général Castres.

Dans le cas où la pression militaire venait à être encore plus forte, alors Daesh « devrait essaimer vers de nouveaux territoires, en renvoyant une partie des combattants étrangers dans leurs pays d’origine », comme c’est d’ailleurs déjà le cas en Libye, qui est une « proie idéale » dans la mesure où c’est un « pays sans État, déjà infecté par le terrorisme jihadiste et riche en ressources naturelles ». En outre, le « Yémen, le Sinaï pourraient être également visés », a ajouté le général Castres. « Il faut donc s’attendre à la fois à un déplacement du centre de gravité de Daech et au retour des combattants étrangers dans leurs pays d’origine », a-t-il poursuivi.

Par ailleurs, un autre problème restera à régler : celui de la propagande jihadistes, qui fait l’objet du second volet de la stratégie globale de la coalition. Il y aurait en effet 2.370 sites francophones favorables à l’organisation jihadiste qui génèrent 41.000 messages par jour sur les réseaux sociaux et qui « drainent 2,8 millions de followers », selon les chiffres avancés par le général Castres. « Ce califat ‘immatériel’ sera peut-être plus difficile à combattre que le pseudo califat physique qui s’étend de Mossoul à Raqqa », a-t-il estimé

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