La Corée du Nord affirme avoir testé une bombe thermonucléaire

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En septembre dernier, l’agence officielle nord-coréenne KCNA reprenait les propos du directeur de l’Institut de l’énergie atomique (IEA) de Corée du Nord qui annonçait la reprise des activités du complexe nucléaire de Yongbyon, lequel compte un centre d’enrichissement d’uranium et un réacteur de 5 mégawatts fournissant du plutonium de qualité militaire.

Et ce responsable de souligner que les scientifiques et ingénieurs nord-coréens avaient « constamment amélioré » ces installations, tant sur le plan « qualitatif que quantitatif ».

Dans le même temps, et sur la base de photographies prises par satellite, l’Institut pour la science et la sécurité internationale (ISIS), basé à Washington, indiquait avoir repéré la construction, à Yongbyon, d’une « cellule chaude » (ou cellule de haute activité), c’est à dire une enceinte servant au traitement de matières radioactives en assurant une protection contre les rayonnements grâce à des parois blindées.

« Les traces visibles par une analyse historique de l’imagerie satellite sont cohérentes avec une installation de séparation d’isotopes, et notamment de séparation de tritium », avait alors estimé l’ISIS.

Or, comme le deutérium, le tritium est l’un des isotopes de l’hydrogène qui peut être utilisé pour la mise au point soit d’une bombe thermonucléaire (ou bombe H) qui libère de l’énergie par une réaction de fusion, soit pour une arme à fission dopée.

Cependant, avait ajouté l’ISIS, « nous ne savons pas si la Corée du Nord peut effectivement fabriquer des armes nucléaires incluant du tritium mais nous pensons qu’elle doit encore résoudre des problèmes techniques pour en être capable ».

Quelques semaines plus tard, le chef du régime nord-coréen, Kim Jong-un, laissa justement entendre que son pays disposait d’une bombe H. La Corée du Nord est déjà « un puissant État doté de l’arme nucléaire qui est prêt à faire exploser une bombe A et une bombe H afin de défendre sa souveraineté de manière fiable », avait-il en effet déclaré en décembre, lors d’une inspection d’un site militaire.

Fanfaronnade? Réalité? Toujours est-il que de telles déclarations sont toujours difficiles à vérifier et qu’elles sont de nature à rendre sceptique. Jusqu’alors, la Corée du Nord avait procédé à trois essais nucléaires souterrains à Punggye-ri, dont deux avec du plutonium (en 2006 et 2009) et un avec probablement de l’uranium (2013). En clair, il s’était agi de tester des bombes A, dont le fonctionnement repose sur la fission nucléaire.

Toutefois, le commandement de défense chimique, biologique et radiologique (CBR) sud-coréen a averti, le 3 janvier, d’un possible nouvel essai nucléaire nord-coréen.

« Nous ne pouvons pas écarter la possibilité que le creusement d’un nouveau tunnel sur le site de Punggye-ri soit destiné à tester des armes thermonucléaires », a-t-il estimé dans un rapport. Et d’ajouter : « Compte tenu de ses recherches pour des technologies nucléaires, de ses précédents tests nucléaires souterrains et de lanceurs et du temps écoulé depuis le développement nucléaire, la Corée du Nord s’est assuré une base pour des armes thermonucléaires ».

Il n’aura fallu attendre longtemps pour avoir la confirmation des craintes sud-coréennes. En effet, ce 6 janvier, Pyongyang a annoncé avoir procédé avec succès au premier essai d’une bombe H, deux heures après qu’un séisme d’une magnitude de 5,1 a été enregistré par plusieurs pays de la région.

« Le premier essai de bombe à hydrogène de la République a été mené avec succès à 10h00 », a ainsi fait savoir la télévision officielle nord-coréenne, précisant que l’engin testé était « miniaturisé ». « Avec le succès parfait de notre bombe H historique, nous rejoignons les rangs des Etats nucléaires avancés », a-t-elle ajouté.

Seulement, là encore, il y a de quoi être sceptique. La mise au point d’une bombe thermonucléaire est compliquée : les physiciens français n’ont pu trouver une solution que quelques années après le premier essai nucléaire effectué en 1960 par la France (qui n’était pas sous le coup de sanctions internationales, comme la Corée du Nord). Sans le travail décisif de l’ingénieur de l’armement Michel Carayol et d’un léger coup de pouce britannique, la première bombe H française n’aurait sans doute pas été testée en 1968.

« Des pays technologiquement avancés ont testé et développé des armes à fission dopée environ 10 ans après leur premier test nucléaire », a d’ailleurs relevé le CBR sud-coréen, dans son rapport publié il y a quelques jours.

Aussi, si la Corée du Nord s’est engagée sur la voie des armes thermonucléaires, il est probable que l’essai qu’elle vient de mener soit celui d’une bombe à fission dopée, qui utilise quelques grammes de tritium et de deutérium.

D’ailleurs, c’est ce que suggèrent les données sismologiques relevées au moment de l’essai nord-coréen. A priori, l’explosion a été nettement moins forte par rapport à celle d’une bombe H. « Cette arme avait probablement la taille de la bombe américaine d’Hiroshima mais ce n’était pas une bombe à hydrogène. On a affaire à de la fission », a ainsi affirmé Bruce Bennett, analyste à la Rand Corporation.

Quoi qu’il en soit, ce quatrière essai nucléaire nord-coréen n’a pas manqué de faire réagir. Ainsi, la Corée du Sud et le Japon ont dénoncé une « violation » flagrante des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Même chose pour la France et le Royaume-Uni.

Les États-Unis ont évoqué une réaction « appropriée » aux « provocations » de Pyongyang tandis que la Chine, alliée de la Corée du Nord, elle s’est dite « fermement opposée » à ce nouvel essai.

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