L’Otan va envoyer des avions AWACS en Turquie

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Alors qu’un bombardier tactique Su-24 « Fencer » russe venait d’être abattu par l’aviation turque, le 24 novembre dernier, deux éditoriaux publiés l’un par le Wall Street Journal, l’autre par le New York Times, ont exprimé des points de vue différents sur l’attitude que devait avoir l’Otan à l’égard de la Turquie.

Ainsi, pour le Wall Street Journal, il était probable que le président russe, Vladimir Poutine, allait mettre à l’épreuve la cohésion de l’Otan. Et cela d’autant plus, avait-il souligné, que les relations entre Ankara et les membres de l’Alliance sont souvent compliquées…

Et d’estimer alors que « si la Russie continue de provoquer la Turquie et que l’Otan ne soutient pas Ankara, cela montrera la vacuité des obligations collectives de défense formulées dans l’article 5 de l’Alliance » atlantique.

Cette position n’était alors pas partagée par le New York Times. « Il faut absolument éviter que la situation ne dégénère » car « le seul gagnant d’une confrontation entre la Russie et l’Occident est l’Etat islamique », avait-il fait valoir.

Finalement, l’Otan a pris le parti de soutenir la Turquie, comme l’avait d’ailleurs annoncé son secrétaire général, Jens Stoltenberg, au début de ce mois.

« Comme la Turquie est à la frontière d’un instabilité régionale au sud, les Alliés cherchent des mesures d’assurance supplémentaires en sa faveur qui seront finalisées dans les prochaines semaines », avait en effet affirmé M. Stoltenberg, à

l’issue d’une réunion, à Bruxelles, des ministres des Affaires étrangères des États membres.

En réalité, ce n’était pas en semaines qu’il fallait compter mais en jours… Car les mesures évoquées par le secrétaire général ont été discrétement prises le 18 décembre dernier. Il aura fallu des révélations de la presse allemande pour les connaître.

Sans grande surprise, l’Espagne maintiendra ses batteries antimissile Patriot PAC-2 déployées dans le cadre de l’opération Active Fence à Adana, ville située à une soixantaine de kilomètres de la frontière syrienne. La mission de ce détachement espagnol, qui avait succédé, l’an passé, à celui envoyé par les Pays-Bas, devrait durer au moins jusqu’au 31 décembre 2016.

Par ailleurs, les batteries Patriot américaines et allemandes, également envoyées en Turquie au titre de l’opération Active Fence, ayant été retirées, il est question de solliciter l’Italie pour le déploiement du système antimissile de théâtre SAMP/T « Mamba ». Il est aussi envisagé d’envoyer un destroyer Arleigh Burke de l’US Navy patrouiller en mer Noire.

Selon un responsable de l’Otan interrogé par l’agence Belga, ces options sont encore à l’étude. « Nous réexaminons aussi les plans de défense en place pour la Turquie. Et nous continuerons à renforcer les défenses aériennes turques avec des systèmes de missiles anti-missile défensifs », a-t-il dit. « Et nous attendons prochainement d’autres annonces », a-t-il ajouté, après avoir évoqué le mantien des batteries Patriot espagnole. Il est possible que cela se traduise par le déploiement d’avions de combat sur « une base bilatérale ».

En revanche, il a été décidé, toujours selon ce responsable de l’Otan, un renforcement de la police aérienne et de la présence navale au large des côtes turques ainsi que l’engagement d’avions de patrouille maritime en Méditerranée orientale et la tenue d’exercices militaires.

Et cela passe notamment par l’envoi, sur la base aérienne de Konya, d’avions radar E-3A Sentry de la NATO Airborne Early Warning & Control Force (Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle de l’OTAN), basée à Geilenkirchen, en Allemagne. Ces appareils appartiennent en propre à l’Otan, qui en a achetés 18 exemplaires dans les années 1980.

Seulement, la mission des ces E-3A Sentry pose problème en… Allemagne. En effet, l’armée allemande fournit 30% des personnels servant à bord des 16 appareils encore en service de la NAEW&C.

Pour autant, Berlin n’a pas l’intention de solliciter le Bundestag (chambre basse du Parlement d’outre-Rhin) pour obtenir l’autorisation de déployer des militaires allemands supplémentaires en Turquie dans la mesure où il ne s’agit que d’une mission de surveillance de l’espace aérien turc et non d’une participation à une opération militaire impliquant des actions de combat.

D’où la polémique… les députés de la gauche allemande exigeant un vote sur ce sujet. La vice-président du parti Die Linke, Sahra Wagenknecht, a ainsi estimé que l’envoi de ces AWACS en Turquie est « hautement dangeureux », avant de déplorer l’appui donné aux forces turques « qui tuent de nombreux Kurdes ».

« Le gouvernement doit immédiatement informer le Parlement des détails de ce déploiement, en particulier concernant les missions précises assignées à ces avions et la destination des données recueillies sur l’espace aérien », a exigé Tobias Lindner, chargé des affaires miliaires au sein des Verts.

Quant au président de la commission de la Défense au Bundestag, le social-démocrate Wolfgang Hellmich, il a trouvé « un peu curieux » le moment choisi pour faire une telle annonce, dans la mesure om les députés, actuellement en vacances, n’ont pas eu l’occasion d’en discuter.

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