Le destin hors du commun de Diego Brosset, le général anticonformiste

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« Souvenez-vous qu’on ne gagne pas une guerre en mourant pour sa patrie ; on gagne une guerre en faisant ce qu’il faut pour que ce soit le type d’en face qui crève pour la sienne! »

Cela faisait 70 ans, le 21 décembre, que le général américain George Patton, à qui l’on doit cette citation, trouvait la mort dans un accident de voiture. Cette figure de l’armée américaine qui passait pour un inconformiste, un « guerrier » infatigable et une « grande gueule » a inspiré un film qui, en 1971, reçut pas moins de 7 Oscars.

L’armée française a également eu des généraux anticonformistes dans ses rangs. Et tout aussi infatigables que le général Patton. Mais ils n’ont pas fait l’objet de films alors que, pourtant, le cinéma hexagonal s’est beaucoup penché – et se penche encore – sur la Seconde Guerre Mondiale. Hélas, trop souvent pour raconter le même type d’histoires.

L’un d’eux a connu la même fin tragique que le général Patton : il s’agit du général Diego Brosset. Son destin aurait pu inspirer bien des scénaristes… Finalement, c’est un de ses livres, « Sahara : Un homme sans l’Occident« , qui sera adapté en 2002 au cinéma par le réalisateur Raymond Depardon.

Issu d’une famille originaire de région lyonnaise expatriée à Buenos Aires au moment de sa naissance, le 3 octobre 1898, Diego Brosset n’a pas encore 18 ans lorsqu’il s’engage « pour la durée de la guerre » au 28e Bataillon de Chasseurs à pieds. Faisant preuve de grandes qualités militaires, il est rapidement promu caporal et terminera la guerre avec les galons de sergent et 4 citations. L’une d’elles donne une idée du personnage : « Brillant gradé, aussi peu soucieux du danger que plein d’entrain dans le combat ».

Pour autant, il n’est pas question pour lui de retrouver la vie civile. Admis dans un premier à suivre le cours des aspirants officiers à Issoudun, il sort de l’École de Saint-Maixent avec le grade de sous-lieutenant en 1921. Puis il part pour le Sahara en tant que méhariste au Soudan français (Mali), en Mauritanie, dans le sud de l’Algérie et au Maroc.

Il est « le prototype de la culture vaste et variée, il travaille dix heures par jour, six heures la nuit. Il étudie l’arabe, l’espagnol, la langue azer [une vieille langue du Sahara occidental]… Il s’intéresse à l’astronomie et aux procédés topographiques, etc. La littérature européenne moderne, les questions sahariennes, islamiques, de la race jaune, n’ont plus que de rares secrets pour lui. On tremblerait si le lieutenant Brosset n’était doué d’une puissance de travail qui ne connaît pas ses limites, ce qui, par ce côté, l’apparente aux grands hommes », dira, à son sujet, le lieutenant Magré, un de ses camarades.

Et d’ajouter : « Mais ne croyez pas que Brosset soit uniquement un homme de pensée ou d’action vaine ; ce serait oublier que le lieutenant Brosset est un soldat. Admirablement doué physiquement, capable de tous les efforts, il possède toutes les vertus guerrières ». D’ailleurs, il obtiendra 5 citations au cours de ses différentes affectations dans le désert.

En 1937, devenu gendre du général Charles Mangin, romancier à ses heures perdues,  il est admis à l’École de Guerre après avoir obtenu un diplôme de Langues-Orientales. Promu chef de bataillon deux ans plus tard, il est affecté à l’État-major du Corps d’Armée colonial. Mais, visiblement, son mode de pensée, teinté d’anticonformiste, fait quelques vagues : en avril 1940, il est envoyé à l’École supérieure de guerre de Bogota (Colombie) pour y donner des cours de stratégie et de tactique. Mais il n’y restera pas longtemps…

Car, alors que la France connaît l’humiliation de « l’étrange défaite » pour reprendre le titre du livre de Marc Bloch, le commandant Brosset n’hésite pas une seule seconde : il quitte Bogota pour Londres, où il rallie le général de Gaulle. Cela lui vaudra d’être condamné à mort par contumace par un tribunal militaire du régime de Vichy.

D’abord affecté à l’état-major du général de Gaulle, Diego Brosset, promu lieutenant-colonel en décembre 1940, devient chef d’état-major du général Catroux quelques mois plus tard. Nommé colonel à titre temporaire, il prend le commandement de l’est-syrien à Deir-ez-Zor à la fin de l’année 1941, puis, un an plus tard, celui de la 2ème brigade de la 1ère DFL.

On retrouve le colonel Brosset en Libye (Cyrénaïque, Tripolitaine) ou encore en Tunisie, où sa brigade de distingue au Djebel Takrouna en s’emparant de positions ennemies défendues avec acharnement.

En juin 1943, Diego Brosset est nommé général de brigade à titre temporaire et prend le commandement de la 1ère DFL peu après.

Le colonel Bernard Saint-Hillier, qui était alors son chef d’état-major, témoigne : « À 4 heures, il est debout. Il fait sa culture physique, galope à cheval. Il parle, ordonne, écrit, enseigne. Il accorde tout juste vingt minutes de tranquillité à son état-major pour faire une courte sieste, qu’il pratique n’importe où. Pour son 45e anniversaire, il saute à pieds joints sur une table devant son état-major rassemblé pour cette démonstration. »

Puis, en avril de l’année suivante, son unité est engagée dans la campagne d’Italie, au sein du Corps Expéditionnaire Français du Général Juin. C’est ainsi qu’il participe aux combats de la boucle du Liri (11-16 mai), à la bataille du Garigliano et de Pontecorvo ainsi qu’à la libération de Rome.

Toujours à la tête de la 1ère DFL, intégrée cette fois à la 1ère Armée du général de Lattre, le général Brosset prend part au débarquement en Provence du août 1944. Commence alors une nouvelle campagne de France.

Les villes de Toulon et d’Hyères ne tardent pas à être libérées. Puis c’est au tour de la Vallée du Rhône, avec la reconquête de Lyon (où Diego Brosset sera promus général de division), Autun et Dijon. La 1ère DFL fait sa jonction avec la 2ème DB du général Leclerc à Châtillon sur Seine.

En septembre, la Bataille des Vosges s’annonce. Malheureusement, le général Brosset, très apprécié et respecté de ses soldats (ce qui, au passage, n’était pas toujours  le cas pour le général Patton) n’en connaîtra pas l’issue. Le 20 novembre 1944, à Champagney en Haute-Saône, au volant de sa Jeep, conduisant à vive allure pour aller à la rencontre de ses hommes avançant vers Belfort, il prend un virage trop vite et dérape avant de tomber dans un torrent… Son corps ne sera retrouvé que deux jours plus tard.

« La mort qu’il narguait chaque jour depuis des années saisit par traîtrise ce magnifique soldat dans une heure de victoire – de cette victoire dont il n’avait jamais douté – et qu’il avait hâtée de toute la force de son caractère intrépide », écrira, à son sujet, le général de Lattre.

Pour Jacques Chaban Delmas, ce Compagnon de la Libération qu’était « Diego Brosset appartient à cette catégorie de généraux non classiques, pour ne pas dire en marge, comme les guerres de la Révolution et de l’Empire en ont produit quelques-uns en France ».

Pour en savoir plus : Général Diego Brosset. De Buenos Aires à Champigney via l’Afrique et la France libre

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