Sous pression en Irak et en Syrie, Daesh cherche à étendre son influence en Asie

Alors qu’il est sous pression en Irak et en Syrie, où sa marge de manoeuvre est limitée par les frappes aériennes de la coalition et, dans une moindre mesure, par celles de l’aviation russe, l’État islamique (EI ou Daesh) tente d’étendre son influence dans d’autres parties du monde.

C’est ainsi le cas en Afghanistan et au Pakistan, où les chefs taliban ne cessent ne contester la légitimité du « calife » autoproclamé Abu Bakr al-Baghdadi afin d’éviter de voir leurs troupes rejoindre les rangs de la Province de Khorasan, qui est le nom de la « marque » de Daesh dans la région.

Encore récemment, le mouvement taleb pakistanais (TTP) a repris les arguments d’Ayman al-Zawahiri, le chef d’al-Qaïda, pour faire valoir que le « califat » proclamé par al-Baghdadi était « illégitime ». Depuis quelques mois, l’EI tend développer des réseaux au Pakistan. L’organisation jihadiste y a d’ailleurs déjà revendiqué un attentat meutrier, commis en mai dernier contre la communauté ismaélienne.

Cela étant, l’EI semble trouver, a priori, ses sympathisants dans les classes moyennes et supérieures, lesquelles seraient séduites par la perspective d’un « jihad mondial ». Un exemple en a été donné avec la découverte d’un réseau de femmes « aisées », qui, selon la police de Karachi, finance et fait la promotion de Daesh.

En tout cas, plusieurs chefs taliban ainsi que diverses factions, comme le Mouvement islamique d’Ouzbekistan (MIO) ont fait allégeance à l’EI et des combats entre les partisans de cette organisation jihadistes et des groupes affiliés au mouvement taleb ont été rapportés en Afghanistan.

D’ailleurs, en septembre, un comité d’experts des Nations unies a dit constater que « le nombre de groupes et d’individus qui font ouvertement allégeance à l’EI ou s’en déclarent proches continue d’augmenter dans plusieurs provinces d’Afghanistan ». Aussi, la Russie y voit un danger immédiat pour l’Asie centrale.

En Afghanistan, « un certain nombre de centres d’entraînement de l’EI forment des combattants originaires des pays d’Asie centrale et de certaines régions de la Russie », avait en effet expliqué, en octobre, Zamir Kaboulov, le représentant spécial pour ce pays. « La situation est proche du point critique (…). Les terroristes ne cachent pas leur intention de s’emparer de la région centre-asiatique », avait affirmé, à la même époque, Vladimir Poutine à l’occasion d’un sommet de la Communauté des Etats Indépendants (CEI).

Le reste de l’Asie est également concerné par l’extension de l’influence de Daesh. Fin septembre, l’organisation jihadiste a ainsi revendiqué l’assassinat d’un travailleur humanitaire italien, à Dacca, au Bangladesh, plus celui d’un ressortissant japonais. La dernière attaque en date a été menée contre la communauté chiite du pays (un mort, trois blessés).

L’EI est aussi présent en Malaisie, qui est en état d’alerte depuis que les autorités thaïlandaises ont affirmé que 10 ressortissants syriens seraient entrés sur son territoire afin de s’en prendre aux intérêts russes. En janvier, Kuala Lumpur avait indiqué avoir arrêté 120 personnes soupçonnées d’avoir plus que des sympathies à l’égard de Daesh.

Au printemps, 17 suspects furent interpellés car, selon le chef de la police nationale malaisienne, Khalid Abu Bakar, elles comptaient enlever des personnalités et commettre des vols à main armée, attaquer des bases militaires et des commissariats afin d’installer de « créer en Malaisie une organisation sur le modèle de l’État islamique ».

Plus récemment, un cellule de 5 personnes – toutes étrangères, dont un enseignant européen – y a été démantelé au début de ce mois. Enfin, à la mi-novembre, la police malaisienne a arrêté 5 autres individus qui, suspectés d’appartenir à l’EI, préparaient des attaques dans la Klang Valley, près de Kuala Lumpur, à l’approche de la tenue du dernier sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Parmi les suspects figure un ressortissant indonésien.

Justement, l’Indonésie, pays qui compte le plus de musulmans, intéresserait particulièrement Daesh. Et cela préoccupe particulièrement l’Australie.

« L’EI a l’ambition d’accroître sa présence et son niveau d’activité en Indonésie, soit directement soit à travers des substituts », a ainsi affirmé George Brandis, le ministre australien de la Justice, dans les colonnes du quotidien The Australian, estimant que c’est une « menace pour les intérêts de l’Australie et de l’Occident ».

« Avez-vous entendu l’expression ‘califat éloigné’? L’EI a déclaré son intention d’établir des califats au-delà du Proche-Orient, en fait des califats de province. Il a identifié l’Indonésie comme le site de ses ambitions », a-t-il expliqué, au lendemain d’une rencontre avec des ministres et responsables de la police australiens et indonésiens.

Enfin, les Philippines, où le groupe Abu Sayyaf, lié à al-Qaïda et  l’organisation islamiste indonésienne Jemaah Islamiya, a fait parler de lui au début des années 2000, sont également dans la ligne de mire de Daesh.

Ainsi, Abu Sayyaf a déjà prêté serment d’allégeance à Abu Bakr al-Baghdadi, dans une vidéo diffusée en juillet 2014. D’autres groupes ont suivi, comme celui des Combattants pour la liberté du Bangsamoro islamique (BIFF), constitué par plusieurs centaines de dissidents du Front Moro islamique de libération (MILF), encore celui appelé Ansar al Khilafah. Ce dernier a menacé de déployer des kamikazes dans le pays, qu’il veut transformer en « cimetière pour les soldats américains ».

Mais c’est au Yémen que l’EI se développe le plus rapidement. Dans ce pays en proie au chaos, avec, d’un côté, des rebelles houthis (chiites) qui affrontent les autorités légales incarnées par le président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenu par une coalition soutenue par l’Arabie Saoudite, Daesh profite de l’absence de pouvoir dans certaines régions pour y étendre son influence et y établir des points d’appui solides.

Quant à al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), également présente au Yémen, elle semble en perte de vitesse face à la dynamique du recrutement de Daesh. Et cela d’autant plus que cette organisation a subi une série de revers ces derniers mois, avec l’élimination de plusieurs dirigeants de premier plan. Dirigeants qui avaient d’ailleurs revendiqué l’attaque de la rédaction de Charlie Hebdo, à Paris, en janvier.

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