Pas de pénurie de bombes à moyen terme pour l’aviation française

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Récemment, la presse s’est fait l’écho de préoccupations au sujet du stock de bombes utilisées par les forces aériennes françaises lors des opérations dans lesquelles elles sont actuellement engagées. Et cela d’autant plus que, depuis les attentats du 13 novembre, commis à Paris et à Saint-Denis, l’armée de l’Air et l’Aéronautique navale ont intensifié leurs frappes contre Daesh (États islamique ou EI) en Syrie et en Irak.

Qu’en est-il exactement? Certes, étant donné que le niveau d’engagement de l’armée de l’Air (mais c’est aussi vrai pour la Marine nationale) est supérieur au contrat opérationnel qui lui avait été fixé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013, sa consommation de munitions, en particulier de bombes, est bien évidemment plus élevé que prévu.

Or, les besoins en matière de munitions sont définis justement en fonction des contrats opérationnels avancés par le LBDSN. À partir de là, et à l’issue de calculs relativement compliqués, il est déterminé un stock correspondant au « volume de munitions estimé nécessaire à la réalisation des missions des armées », a expliqué le député Nicolas Bays, co-rapporteur avec son collègue Nicolas Dhuicq, d’un rapport relatif à cette question.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de connaître l’état des stocks de munitions étant donné que cette information – stratégique – est classée « secret défense ». Toutefois, lors de la présentation de leur rapport en commission, les deux parlementaires ont affirmé avoir reçu l’assurance que l’aviation française « ne manque pas de bombes  à l’heure actuelle » et qu’elle « n’en manquera pas à moyen terme ».

« Un marché a été lancé en début d’année par la DGA [ndlr, Direction générale de l’armement], afin de couvrir les besoins prévisibles à échéance de quelques années. Un achat, dûment anticipé, aura donc lieu. Si d’aventure la situation devenait critique en raison d’une intensité d’engagement dépassant les prévisions les plus hautes, le recours aux ressources de nos alliés s’imposeraient alors », a expliqué M. Bays.

Cela étant, les rapporteurs ont toutefois soulevé trois préoccupations. La première concerne l’approvisionnement, en raison d’une forte demande.

« Une tension sur le marché des bombes est observée car de nombreux pays réarment. Les  États-Unis disent avoir du mal à renouveler rapidement le stock de munitions de leurs alliés du Golf Cooperation Council (GCC), composé de Bahrein, du Koweit, du Qatar, de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis, qui sont tous impliqués à des degrés divers dans des opérations en Syrie, en Irak ou au Yémen. La faute en serait le délai exigé par la procédure de Foreign Military Sale (FMS), estimée trop lente », peut-on lire dans le rapport.

« Il n’est, semble-t-il, pas illégitime de penser que, nonobstant les capacités de production américaines sans commune mesure avec celles des pays européens, les États-Unis ne pourront peut-être pas fournir tous leurs clients potentiels simultanément », préviennent MM. Bays et Dhuicq.

Outre des fabricants américains, le marché compte des producteurs européens comme RWM Italia Munitions S.r.l, filiale italienne de Rheinmetall, l’espagnol Expal ou encore le suédois Saab.

Aussi, et c’est leur seconde préoccupation, les rapporteurs craignent que l’approvisionnement de la France soit entravé pour des raisons politiques. « Le leader européen est (…) RWM Italia Munitions S.r.l, filiale de Rheinmetall. La société mère est donc allemande. Il est, dans ce cas, nécessaire de s’interroger sur l’indépendance de cette société au regard des freins administratifs que pourrait mettre l’Allemagne à l’exportation de matériel de guerre. Par ailleurs, la position prudente de l’Italie quant aux frappes au Levant pourrait, elle aussi, influencer sa position en matière d’exportations d’armements », ont-il expliqué dans leur rapport.

« La circonspection serait également de mise avec l’Espagne et la Suède, dans des considérations du même ordre. De plus, si un fabricant étranger était choisi et devenait intégrateur des munitions, il devrait avoir accès à des informations stratégiques confidentielles », ont-ils ajouté, après avoir rappelé que, comme le souligne le LBDSN, « le maintien de notre autonomie stratégique, gage de liberté de décision et d’action, s’impose comme le premier principe de notre stratégie. »

La dernière préoccupation exprimée par les rapporteurs concerne la capacité française à produire des corps de bombes. C’est un « sujet d’inquiétude concernant notre souveraineté et notre sécurité d’approvisionnements », ont-ils écrit. Et cela d’autant plus que le seul fabricant français, la Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP), se trouve actuellement dans une situation extrêmement délicate.

Aussi, une « perte de savoir-faire rare » dans ce domaine est « à craindre » et cela peut affecter « la souveraineté et l’indépendance » de la France, ont fait valoir les rapporteurs devant la commission de la Défense. Car, ont-ils expliqué dans leur rapport, « si les corps de bombes semblent à l’œil du profane de simples tôles remplies d’explosif, il s’agit en réalité d’objets en acier forgé ne tolérant que peu d’écarts de poids et de gravité, faute de représenter un danger pour le vecteur au moment du largage. Ce savoir-faire est précieux pour une capacité critique, on le constate aujourd’hui, car les bombes sont les premières munitions utilisées en grand nombre lors des conflits ».

Étant donné que la SAMP disposerait, selon eux, « 900 corps de bombes en voie d’achèvement » et qu’elle « a conservé une capacité de production réduite lui permettant de mener ce travail à bien », les deux rapporteurs souhaitent « que l’option d’une acquisition des corps de bombes disponibles soit étudiée, et qu’à tout le moins ait lieu une expertise afin d’en établir l’état » et « déplorent (…) que cette activité ne semble intéresser aucun grand groupe qui pourrait se l’adjoindre afin de diversifier son offre et de produire des bombes françaises à un coût raisonnable ».

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