Su-24 russe abattu : Les Turcs « vont regretter ce qu’ils ont fait », menace M. Poutine

poutine-20150904Il y a tout juste un an, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, recevait en grande pompe son homologue russe, Vladimir Poutine, à Ankara. À cette occasion, plusieurs accords économiques importants furent signés, notamment dans le domaine de l’énergie. Domaine dans lequel Moscou avait décroché un contrat de 20 milliards de dollars pour la construction d’une centrale nucléaire en Turquie.

La relation entre les deux pays était alors tellement étroite qu’ils tombèrent d’accord pour tripler leurs échanges commerciaux en les portant rapidement à 100 milliards de dollars par an.

« Les relations entre la Turquie et la Russie restent stables, maintiennent leurs cours et ne dépendent pas de la situation actuelle », avait même commenté M. Poutine, en évoquant les tensions internationales du moment. Et même la question syrienne, sur la laquelle Ankara et Moscou ont des vues diamétralement opposées sur l’avenir de Bachar el-Assad, ne posa pas le moindre problème.

Le 23 septembre, M. Poutine rendit la pareille à son homologue turc, à l’occasion de l’inauguration, à Moscou, de la « plus grande mosquée d’Europe ». Les deux hommes eurent un tête-à-tête afin d’évoquer le projet de gazoduc Turkish Stream et l’État islamique (EI ou Daesh). On était alors à 7 jours du début des opérations aériennes russes en Syrie…. Opérations censées viser Daesh mais qui ciblent surtout les groupes hostiles à Bachar el-Assad, dont ceux issus de la minorité turkmène, soutenus par Ankara.

Et puis les choses commencèrent à se gâter. Avec l’intrusion d’avions russes dans l’espace aérien de la Turquie, début octobre. Puis avec l’affaire du bombardier Su-24 « Fencer » russe abattu par l’aviation de chasse turque. Et, depuis, M. Poutine ne décolère pas et ne cesse d’accuser M. Erdogan de tous les maux, à commencer par celui de « tremper » dans la contrebande de pétrole qui sert à remplir les caisses de Daesh.

Après avoir pris des sanctions économiques contre la Turquie, puis lancé une première salve contre M. Erdogan, le 30 novembre, le maître du Kremlin a remis ça, ce 3 décembre, en se voulant encore plus menaçant qu’à l’accoutumé.

« Nous n’oublierons jamais cette complicité avec les terroristes. Nous considèrerons toujours la trahison comme l’un des pires et des plus vils actes. Que ceux en Turquie qui ont tiré dans le dos de nos pilotes le sachent », a ainsi déclaré M. Poutine, lors adresse annuelle devant les parlementaires, le gouvernement et les gouverneurs des régions de Russie.

« Je ne comprends pas pourquoi ils ont fait ça. Seul Allah le sait », a-t-il continué, en parlant du Su-24 abattu. « Il semble qu’Allah ait décidé de punir la clique au pouvoir en Turquie en la privant de la raison et du bon sens », a-t-il poursuivi. « Il ne faut pas attendre de nous une réaction nerveuse, hystérique, dangereuse pour nous et pour le monde entier. Nous n’allons pas brandir les armes » a encore assuré M. Poutine.

Toutefois, a-t-il menacé, « si quelqu’un pense que pour un crime de guerre aussi lâche, le meurtre de nos concitoyens, ils en seront quittes avec des tomates ou des sanctions dans le secteur des travaux publics ou dans d’autres secteurs, ils se trompent lourdement. Ce n’est pas la dernière fois que nous leur rappellerons ce qu’ils ont fait, ni la dernière fois qu’ils vont regretter ce qu’ils ont fait. »

Et M. Poutine a de nouveau mis la question du pétrole de Daesh sur le tapis. « Nous savons qui en Turquie s’en met plein les poches et permet aux terroristes de gagner de l’argent en vendant du pétrole pillé en Syrie », a-t-il dit, avant d’accuser Ankara d’avoir soutenu les séparatistes tchétchénes dans les années 1990 et 2000.

S’agissant de la question du pétrole vendu par Daesh, les États-Unis ont démenti les accusations portées par la Russie contre les autorités turques et le président Erdogan en particulier.

« Nous rejetons entièrement l’hypothèse selon laquelle le gouvernement turc est en cheville avec le groupe Etat islamique pour faire passer du pétrole de contrebande à sa frontière. Et nous ne voyons franchement aucune preuve, aucune, soutenant une telle accusation », a affirmé Mark Toner, un porte-parole du département d’État, le 2 décembre.

Et d’expliquer : « Ce que nous avons vu, c’est que le groupe État islamique (…) vend son pétrole au pied des puits en Syrie et en Irak, à des contrebandiers, intermédiaires ou transporteurs qui se chargent ensuite de l’acheminer. La contrebande de pétrole vers la Turquie est une pratique vieille de plusieurs décennies, qui est antérieure au groupe État islamique. »

En outre, M. Toner a accusé le régime de Bachar el-Assad d’acheter « du pétrole produit sur les territoires » contrôlés par Daesh. La semaine passée, le Trésor américain a pris des sanctions contre un homme d’affaires syrien, proche de Damas, accusé de jouer les intermédiaires.

Après avoir souligné que la Turquie avait récemment pris des mesures pour rendre sa frontière « étanche » avec les territoires sous contrôle de Daesh, le porte-parole de la diplomatie américain a indiqué que Washington travaille « de manière très étroite avec les Turcs ». « Nous dialoguons avec eux et nous sommes leur allié dans l’Otan et leur partenaire de confiance », a-t-il conclu.

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