Pour être efficace, l’opération européenne de lutte contre les passeurs de migrants devra intervenir en Libye

courbet-20151007Depuis qu’elle a été lancée, le 7 octobre, la phase 2 de l’opération Sophia, menée par l’Union européenne (UE) contre les passeurs de migrants installés sur les côtes libyennes, n’a donné aucun résultat tangible.

Alors que les forces navales européennes engagées dans cette opération ont l’autorisation de recourir à la force dans les eaux internationales pour arraisonner les bateaux utilisés par les trafiquants – bateaux pourtant identifiés, selon Federica Mogherini, Mme le Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité -, aucune interpellation n’est à mettre au crédit de cette opération européenne. Du moins pour le moment

Car en effet, les seuls trafiquants arrêtés l’ont été par la marine italienne, dans le cadre de son opération « Mare Sicuro ».

Aussi, l’amiral français Hervé Bléjean, le commandant en second de l’opération Sophia, a estimé qu’il n’y aura « d’effet final que lorsque nous pourrons travailler au plus près des réseaux eux-mêmes, aller appréhender les gros poissons, et pas les petits qui vont en mer ». C’est dire qu’à un moment, il « falloir travailler dans l’espace de souveraineté libyen », a-t-il expliqué en marge d’un colloque à Rome.

Or, l’intervention dans les eaux territoriales libyennes correspond à la phase 3 de l’opération Sophia. Pour qu’elle puisse être lancée, il faut une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies… Ce qui paraît, à l’heure actuelle, bien improbable.

Selon l’amiral Bléjean, l’objectif de l’opération Sophia est d’éviter les morts en mer. Mais se pose alors un autre problème : si les migrants, dont le nombre estimé entre 500.000 et 1 million, sont bloqués en Libye, le « résultat sera de créer une situation encore pire », a-t-il prévenu.

Qui plus est, l’économie libyenne repose désormais en partie sur les trafics liés aux migrants. Et pour cause : un canot pneumatique embarquant 100 personnes rapporter 67.000 euros. Le profit peut même être jusqu’à 5 fois supérieur pour une embarcation en bois avec 400 personnes à bord.

« Dans certaines zones côtières, on estime que 50% des revenus proviennent des migrations clandestines », a indiqué l’amiral Bléjean, pour qui il faudrait, par conséquent, prévoir une reconversion économique de ces régions.

Enfin, pour le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA), un autre risque est à prendre en considération. « Nous sommes en effet confrontés à l’augmentation du nombre de réfugiés et de migrants. Une telle situation risque de profiter à certains terroristes qui pourraient utiliser ces mouvements à leurs propres fins. Nous ne pouvons pas l’exclure, c’est l’une de mes craintes », a-t-il dit lors de son intervention devant les députés de la commission de la Défense.

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