Le général de Villiers n’a aucun état d’âme sur la légalité des frappes françaises en Syrie

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Le raid aérien français contre un camp d’entraînement de l’État islamique (EI ou Daesh) dans les environs de Raqqa, en Syrie, le 9 octobre, a mis en avant la question de la légalité de possibles frappes ciblées contre des ressortissants français ayant rejoint les rangs jihadistes pour combattre leur pays d’origne via des actions terroristes.

Curieusement, ce point n’avait pas été soulevé au moment du lancement de l’opération Chammal, en septembre 2014, laquelle, à l’époque, ne concernait que le nord de l’Irak, région où des jihadistes d’origine française peuvent tout aussi bien être tués par les frappes des Rafale et des Mirage 2000D/N.

Cela étant, s’agissant du raid de l’aviation française dans la région de Raqqa, le quotidien Le Monde a avancé qu’un certain Salim Benghalem, présenté comme étant le « responsable de l’accueil des Français et des francophones » au sein de Daesh, en fut la cible. D’où des interrogations d’ordre juridique, notamment au sujet sur les « exécutions extra-judiciaires ».

La peine de mort ayant été abolie en France et le terrorisme relevant du droit pénal, ce type d’action ne serait donc pas légal, car effectué en dehors de tout cadre judiciaire. « Il est envisageable que des familles (…) portent plainte pour assassinat en invoquant l’absence de fondement légal », a ainsi récemment estimé Me Patrick, le président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme.

Ce débat n’est pas nouveau : il a eu lieu aux États-Unis, au moment de l’élimination de l’imam Anwar al-Aulaqui, au Yémen, en 2011 et plus récemment au Royaume-Uni, quand on a appris qu’un drone de la Royal Air Force avait effectué une frappe ciblée contre deux ressortissants britanniques accusés de préparer des attentats depuis la Syrie. Ce qui a suscité les protestions d’organisations de défense des droits de l’Homme.

« Si nous laissons ces actions devenir la norme, nous pourrions voir des pays du monde entier exécuter depuis les airs ceux qu’ils perçoivent comme leurs ennemis, sur la base du secret et d’informations impossibles à contester », a ainsi fait valoir Amnesty International.

Aussi, le gouvernement français marche sur des oeufs quand il s’agit d’évoquer le raid de Raqqa. Ainsi, le Premier ministre, Manuel Valls, reste dans le flou quand il affirme que « nous continuerons [à frapper Daesh], quelle que soit la nationalité de ceux qui sont dans ces centres qui préparent des attentats ».

Interrogé sur ce point lors de son audition par les députés de la commission de la Défense, le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA) a botté en touche au sujet de l’article 51  de la Charte des Nations unies, qui, autorisant la légitime défense, sert de fondement légal aux frappes françaises en Syrie. « Je ne souhaite pas entrer dans ce débat politique et juridique », a-t-il dit.

S’agissant des ressortissants français pouvant être tués en Syrie par des raids français, le CEMA a dit les choses clairement. « Entre nous, je vais vous le dire franchement : ces frappes visent des terroristes. On tire sur des gens qui s’entraînent dans des camps, quelle que soit leur nationalité. On ne leur demande pas leur passeport », a-t-il affirmé.

« Quand nous préparons un dossier d’objectifs – ce n’est pas simple, croyez-moi ! – nous prenons toutes les précautions, notamment pour éviter les pertes civiles. Nous le faisons de façon extrêmement professionnelle », a souligné le général de Villiers.

Aussi, a-t-il poursuivi, « ces gens n’étaient pas par hasard dans ce camp; ils ne faisaient pas leurs courses ». Et d’ajouter : « J’essaie de répondre sans langue de bois et avec sincérité pour que vous compreniez bien mon état d’esprit. Moi, je suis un soldat français, responsable, et je vous réponds comme tel ».

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