Les frappes contre l’hôpital de Kunduz causées par un manquement aux règles d’engagement

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La semaine passée, les taliban et leurs alliés ont pris le contrôle de Kunduz, la capitale de la province du même nom, située dans le nord de l’Afghanistan. Lors de l’opération de reconquête menée par les troupes afghanes, soutenues par l’Otan et des éléments des forces spéciales américaines, plusieurs frappes aériennes ont touché, le 3 octobre,  l’hôpital de la ville, géré par l’organisation non gouvernementale (ONG) Médecins sans frontières. Le bilan définitif a fait état de 22 tués et de 37 blessés.

Par la suite, MSF a précisé que l’hôpital a été touché par une « série de bombardements aériens à environ 15 minutes d’intervalle » entre 02h08 et 03h15″ alors que ses coordonnées GPS avaient été transmises à la chaîne de commandement américaine pour éviter ce type d’incident. En outre, l’ONG a indiqué que les frappes ont duré « plus de trente minutes » après avoir signalé que l’établissement venait d’être atteint.

Aussi, étant donné ses éléments, MSF a dénoncé un possible « crime de guerre », estimant que l’hôpital de Kunduz avait été délibérément visé par l’avion américain AC-130 Gunship impliqué dans l’incident.

Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a estimé la même chose sous réserve que ces frappes soient « reconnues comme délibérées ».

« Les stratèges militaires internationaux et afghans ont une obligation de respecter et protéger les populations civiles à tout moment, et les établissements médicaux et leur personnel font l’objet d’une protection spéciale. Ces obligations s’appliquent quelle que soit la force aérienne impliquée, et indépendamment de l’emplacement », a-t-il dit.

Selon les Conventions de Genève, « la protection due aux hôpitaux civils ne pourra cesser que s’il en est fait usage pour commettre, en dehors des devoirs humanitaires, des actes nuisibles à l’ennemi. Toutefois, la protection ne cessera qu’après une sommation fixant, dans tous les cas opportuns, un délai raisonnable et demeurée sans effet ».

D’après MSF, il n’y avait d’attaque en cours menée par des insurgés depuis l’hôpital. Ce que contestent les autorités afghanes. Ainsi, le gouverneur de Kunduz, Hamdullah Danishi, a affirmé que l’établissement « était occupé à 100 % par les talibans, ce qui a justifié ces frappes ». Même chose pour le ministère afghan de l’Intérieur, qui précisé qu’entre 10 et 15 insurgés y avaient été tués.

Cela étant, trois enquêtes ont été ouvertes : la première par le Pentagone, la seconde par l’Otan et la dernière par les autorités afghanes. Le président Obama a dit attendre leurs conclusions pour « porter un jugement définitif sur les circonstances de cette tragédie ». De son côté, MSF en a demandé une quatrième, menée par un « organisme international independant ».

Quoi qu’il en soit, lors d’une audition devant le comité des Forces armées du Sénat américain, le général  John Campbell, le commandant de Resolute Support, la mission de l’Otan en Afghanistan, a admis une erreur de la chaîne de commandement.

Ainsi, et contrairement à ce qui avait été initialement avancé, les frappes ont été ordonnées non pas en appui à des soldats américains pris sous le feu ennemi mais à la demande des forces afghanes, alors accrochées par les insurgés.

Le général Campbell a également admis un non respect des règles d’engagement, lesquelles autorisent à « neutraliser des terroristes », à « protéger les troupes américaines » et à « appuyer les forces afghanes » lors de combats majeurs.

En outre, aucun soldat américain n’était présent sur place pour guider les frappes et confirmer une possible activité ennemie dans l’enceinte de l’hôpital de Kunduz. Et la demande des forces afghanes pour un appui aérien, aurait dû être rigoureusement examinée par le commandement américain avant d’être autorisée. Ce qui, manifestement, n’a pas été le cas.

Ces frappes sont le résultat d’une « décision américaine prise par la chaîne de commandement américaine », a ainsi reconnu le général Campbell, sans donner davantage de précisions sur la nature de dysfonctionnement.

Cela étant, l’usage d’un AC-130 Gunship explique en partie le drame dans la mesure où les règles d’engagement de cet appareil, doté d’une grande puissance de feu, ne sont pas aussi strictes que les chasseurs bombardiers de l’aviation américaine.

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