Selon le Sénat, la non-livraison des BPC à la Russie coûtera au moins 200 millions d’euros

Selon l’accord conclu le 5 août dernier au sujet de la non-livraison des deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral à la marine russe, la France a remboursé 949,7 millions d’euros à la Russie. Soit le montant que cette dernière avait déjà avancé pour l’acquision de ces navires commandés en 2011 pour 1,2 milliards d’euros.

La semaine passée, l’on apprenait que ces deux BPC allaient prendre la direction de l’Égypte, Le Caire les ayant achetés pour 950 millions d’euros environ. Ce qui a fait dire au porte-parole du gouvernement et ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, que la non-livraison des bateau à la Russie ne se traduirait finalement par aucune perte pour les finances publiques.

Le fait est, 949,7 millions remboursés d’un côté… et 950 millions de recettes de l’autre… La balance est, à première vue, à l’équilibre. Sauf pour la commission des Finances du Sénat, pour qui cette opération se soldera par une perte évaluée entre 200 et 250 millions d’euros pour le contribuable.

« Il est faux de soutenir, comme le fait le Gouvernement, que la France et ses industriels ne subiront ‘aucune perte’ du fait de ces accords grâce la revente des BPC à l’Égypte », a-t-elle affirmé dans un communiqué publié ce 29 septembre, à l’issue de l’examen du rapport pour avis de M. Dominique de Legge [.pdf] concernant le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord du 5 août.

« Hors revente des BPC, l’État supportera une perte financière d’environ 1,1 milliard d’euros, qui se traduira en 2015 par un effet négatif sur le solde budgétaire de 556,7 millions d’euros » et « si l’accord de principe trouvé avec l’Égypte se concrétise effectivement, le reversement au budget général d’une fraction du produit de la vente des BPC pourrait finalement ramener le coût pour l’État à un montant compris entre 200 millions d’euros et 250 millions d’euros », est-il avancé dans le texte.

Dans son rapport, le sénateur Dominique de Legge (Les Républicains) donne le détail des calculs faits pour arriver à ces montants :

« L’État a certes versé 949,7 millions d’euros à la Russie, mais a reçu 893 millions d’euros de DCNS et supportera sur son patrimoine propre une perte d’un peu plus d’un milliard d’euros au titre de l’indemnisation des industriels français, soit un coût total provisoirement estimé à 1,1 milliard d’euros. Or, si l’accord avec l’Égypte se concrétise, l’État récupérera via Coface une fraction du produit de la vente des BPC dont on peut provisoirement estimer qu’elle se situera entre 850 millions d’euro et 900 millions d’euros, le prix de la formation des marins et des quatre années de soutien prévues au contrat revenant à DCNS. La perte totale pour l’État pourrait donc être comprise entre 200 millions d’euros et 250 millions d’euros ».

Quant à DCNS, sa perte pourrait s’établir à environ 150 millions d’euros. Cette somme dépend en fait des modalités d’indemnisation proposées par la Coface. Elle correspond « à la perte de marge sur le contrat russe ».

Par ailleurs, la commission des Finances, présidées par Mme le sénateur Michèle André (Socialiste et républicain), a dénoncé la procédure suivie par le gouvernement dans cette affaire. L’entrée en vigueur de l’accord dès sa signature et la décision de procéder au remboursement immédiat des sommes avancées par la Russie « constituent une entorse aux règles constitutionnelles et une atteinte aux droits du Parlement », car, estime-t-elle, « ce dernier se trouve en effet placé devant le fait accompli alors que la Constitution prévoit qu’un accord engageant les finances de l’État lui soit soumis avant de pouvoir entrer en vigueur ».

Pour autant, et compte tenu que ces accords ont permis de mettre un terme à « une affaire au coût diplomatique certain » susceptible de présenter « des risques finances importants », la commission des Finances a décidé de s’en « remettre à la sagesse du Sénat », alors qu’elle « n’a pas souhaité donner un avis favorable au projet de loi ».

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