Moscou a proposé à Washington d’établir un dialogue « entre militaires » au sujet de la Syrie

Il est désormais acquis que la Russie est actuellement en train de renforcer sa présence militaire en Syrie, précisément à Lattaquié et à Tartous, où elle dispose déjà d’une base navale. Des photographies prises récemment par satellites et diffusées par le cabinet Stratfor ou encore la revue Foreign Policy ne laissent en effet plus la place au doute.

D’ailleurs, lors du débat sur l’intervention de l’aviation françaises en Syrie, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a confirmé ce renforcement de la présence militaire russe, en y voyant un « signe inquiétant » dans la mesure où il s’accompagne par l’annonce de la tenue prochaine de manoeuvres navales importantes au large du Liban.

« La situation est préoccupante et nous souhaitons que l’implication de la Russie dans la sécurisation du littoral syrien ne ruine pas les chances d’aboutir à un accord pour une transition politique », a ainsi commenté M. Le Drian.

Avec la perte de la province d’Idleb, passée sous le contrôle du front al-Nosra (lié à al-Qaïda) et de ses alliés islamistes, celle de Lattaquié est désormais directement menacée. Or, elle est l’un des derniers bastions de la communauté alaouite (chiite) en Syrie. D’où la présence russe.

Or, pour les Occidentaux, tout ce qui permet à Bachar el-Assad, le président syrien, de se maintenir au pouvoir ne fera que prolonger le conflit en Syrie. Mais comme il n’est pas question non plus de livrer Damas aux jihadistes, l’idée est d’arriver à une transition avec toutes les forces politiques modérées.

« Il nous faut chercher une transition politique en Syrie, c’est une nécessité » et « un dialogue peut être engagé, faut-il en fixer les conditions. La première, c’est la neutralisation de Bachar el-Assad. La seconde, c’est d’offrir des garanties solides à toutes les forces de l’opposition modérée, notamment sunnites et kurdes, et de préserver les structures étatiques et l’unité de la Syrie », a ainsi rappelé le président Hollande, le 7 septembre, lors de sa conférence de presse semestrielle.

Cependant, l’analyse faite à Moscou est différente. S’exprimant le 15 septembre lors du dernier sommet de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), organisé à Douchanbé, le président russe a expliqué sa position.

En premier lieu, la plupart des migrants qui cherchent à se réfugier en Europe « fuient les groupes radicux, notamment le groupe État islamique et non les bombardement de l’armée syrienne », estime-t-il, même si cela reste encore à prouver… Et « si la Russie cessait son soutien à Bachar al-Assad, le flot de réfugiés serait encore plus important », a poursuivi M. Poutine.

« Nous soutenons le gouvernement syrien dans sa lutte contre l’agression terroriste, nous lui avons proposé et nous continuerons de lui offrir une aide militaire technique », a encore indiqué le chef du Kremlin, pour qui « la priorité aujourd’hui est la nécessaire union de nos forces contre le terrorisme » car « sans cela, il est impossible de résoudre d’autres problèmes urgents, comme le problème des réfugiés ».

Soutenir Bachar el-Assad est une chose. Préserver la structure étatique syrienne en est une autre… Et sans doute qu’il est possible de trouver un terrain d’entente… En tout cas, selon John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, a révélé que Moscou avait proposé d’établir un dialogue entre militaires au sujet de la situation en Syrie. Et cela alors que les États-Unis sont à la tête d’une coalition anti-État islamique (EI ou Daesh) et, qu’à ce titre, ils effectuent des frappes contre les jihadistes en territoire syrien.

« Les Russes ont proposé que nous ayons une conversation et une réunion de militaires à militaires sur la guerre en Syrie », a en effet déclaré M. Kerry, le 16 septembre, lors d’une conférence de presse, à l’issue d’un entretien téléphonique avec Sergueï Lavrov, son homologue russe.

Sans préciser si ce dialogue porterait sur l’EI, M. Kerry a expliqué qu’il s’agirait de réduire les risques d’incidents aériens entre les avions de la coalition et les éléments russes envoyés en Syrie et d’avoir « une compréhension claire et complète des intentions de Moscou ».

Pour cela, il a utilisé le terme de « déconfliction », qui désigne un ensemble de mesures prises pour éviter tout risque lié à la présence simultanée de plusieurs acteurs, que ce soit dans les airs ou au sol.

En outre, « j’ai dit clairement que le soutien continu de la Russie à Assad risquait d’intensifier le conflit et de saper notre objectif commun de lutte contre l’extrémisme », a affirmé le responsable américain, en évoquant sa conversation avec Sergueï Lavrov, avant de rappeler que les États-Unis cherchent une « solution politique en Syrie » en même temps qu’ils combattent l’EI. Et d’ajouter que Washington verrait d’un bon oeil que « Moscou joue un rôle constructif en la matière ».

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