Vers un retour de la piraterie maritime au large de la Somalie?

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Au moins trois facteurs ont favorisé l’essor de la piraterie au large des côtes somaliennes et dans l’océan Indien à partir du milieu des années 2000 : l’absence d’État en Somalie, qui a empêché d’apporter une réponse à cette forme de criminalité, l’existence d’une voie maritime particulièrement fréquentée et la surpêche dans cette partie du monde, qui a privé les pêcheurs locaux de leurs moyens de subsistance.

Devant la hausse spéctaculaire des attaques de navires civils, les compagnies maritimes ont fait appel à des gardes armés tandis que des forces navales ont été déployées au large de la corne de l’Afrique ainsi que dans l’océan Indien. Ces mesures ont permis de réduire considérablement ce phénomène, au point que, désormais, les incidents liés à la piraterie dans cette région sont devenus anecdotiques. Mais cela est-il durable?

Spécialisée dans la prévention des conflits, la fondation américaine One Earth Future, craint que cela ne soit pas le cas. Selon un rapport établi dans le cadre de son programme « Secure Fisheries » (Protéger la pêche), la pêche industrielle intensive dans les eaux de la corne de l’Afrique menée par des navires étrangers a provoqué « un épuisement des stocks, une perte de revenus pour les Somaliens et des violences contre les pêcheurs locaux », ce qui « menace de provoquer un soutien local à un retour de la piraterie ».

Ainsi, s’appuyant sur de nombreux témoignagnes ainsi que sur des photos prises par satellite, les chalutiers étrangers préleveraient, chaque année, environ 132.000 tonnes de poissons, c’est à dire trois fois plus que les pêcheurs somaliens (40.000 tonnes).

« La valeur des prises étrangères est cinq fois supérieure à celle des pêcheurs somaliens (306 millions de dollars contre 58 millions). Surtout la pêche étrangère illégale met en danger la pérennité des stocks de poissons dans les eaux somaliennes », affirme le rapport.

« Les stocks halieutiques des eaux somaliennes, d’une grande importance économique, sont exploités à des niveaux insupportables », prévient encore le document, qui note que les navires de pêche étrangers – Iraniens et Yéménites en tête, suivis par les Asiatiques et les Européens – « prélèvent à leur capacité maximum les stocks de thon, d’une haute valeur commerciale, ne laissant aucune place aux Somaliens pour tirer profit de leurs riches eaux maritimes ». Et en toute illégalité… les autorités somaliennes n’ayant pas les moyens de défendre l’intégrité de leurs eaux territoriales.

« La pêche illégale a servi de prétexte aux bandes criminelles pour passer d’une posture défensive aux attaques armées et à la piraterie », a commenté John Steed, chargé du programme Secure Fisheries dans la Corne de l’Afrique. « Désormais la situation est revenue à ce qu’elle était, avec un grand nombre de navires étrangers pêchant à nouveau dans les eaux somaliennes, et le danger est réel que le cycle complet de piraterie reprenne », a-t-il ajouté.

Ce constat rejoint celui qu’avait fait Alan Cole, de l’office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en mars dernier, alors que venait d’être rapporté l’attaque d’un navire de pêche iranien par des pirates. Les « conditions qui ont favorisé l’émergence de la piraterie sont à nouveau réunies », avait-il affirmé.

Cela étant, les dernières attaques recensées par le Bureau Maritime Internationale (BMI) concernent presque toutes l’Asie du Sud-Est. Et les forces navales anti-piraterie (Ocean Shield pour l’Otan, Atalante pour l’UE, sans compter la présence chinoise, iranienne ou russe) restent encore actives de même que les propriétaires de navires civils n’ont pas renoncé aux gardes armés, ce qui limite un possible retour des pirates.

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