Le processus d’acquisition du futur avion d’entraînement de l’armée de l’Air contesté

Le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général Denis Mercier, attache une importance particulière au  projet Cognac 2016, encore appelé « Formation modernisée et d’entraînement différencié des équipages de combat (FOMEDEC), dans la mesure où il permettrait de générer au moins 110 millions d’euros d’économies par an, après le transfert de l’École de l’aviation de chasse (EAC) en Charente.

« Il s’agit non seulement de remplacer nos appareils d’entraînement, mais aussi de mettre en place un entraînement différencié, qui nous permettra de former cinquante pilotes supplémentaires, lesquels nous aideront à tenir nos contrats opérationnels dans la durée. L’entraînement sera de meilleure qualité tout en étant moins coûteux », avait ainsi expliqué le général Mercier, en avril dernier.

Aussi, la Direction générale de l’armement (DGA) a demandé à plusieurs constructeurs des informations pour trouver l’avion d’entraînement qui correspondrait aux besoins exprimés par l’armée de l’Air, qui, pour cette opération, compte recourir à un leasing de 4 à 5 ans assorti d’une option d’achat.

Plusieurs industriels sont intéressés, dont le suisse Pilatus, avec son turbopropulseur PC-21, l’italien Alenia Aermacchi, avec le mono-réacteur M-345 HET (High Efficiency Trainer) et le tchèque Aero Vodochody avec son L-39 NG.

Seulement, ce dernier a annoncé sa décision de contester la procédure d’acquisition de ces avions d’entraînement destinés à l’armée de l’Air. Et pour cause! À plusieurs reprises, des responsables de l’aviation française, à commencer par le général Mercier, ont en effet laissé entendre leur préférence pour le PC-21.

« Pour le projet ‘Cognac 2016’, un avion répond véritablement à nos besoins, mais, comme il s’agit d’un appel d’offres, nous ne pouvons pas envisager qu’une seule piste », avait même indiqué, en octobre 2014, le CEMAA. « Ce projet s’appuie sur l’acquisition d’avions d’entraînement turbopropulsés de dernière génération », avait-il précisé, un an plus tôt, lors d’une audition au Sénat.

Du coup, pour le constructeur tchèque, les dés sont pipés. D’où sa demande d’une enquête sur la légalité de cette procédure d’acquisition. Et ses griefs sont nombreux.

Le premier porte sur les critères de la prés-selection des industriels « invités à soumettre des offres détaillées ». Pour Aero Vodochody, ils sont « illogiques » car ils « ne sont pas liés au produit destiné à être livré ».

Ainsi, l’avionneur tchèque estime « qu’il est très inhabituel et inutile pour un appel d’offres de restreindre la concurrence » aux propositions qui « remplissent des conditions de navigabilité en conformité avec les règlements de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) ».

Or ces derniers s’appliquent « seulement aux constructeurs d’avions civils » alors que la procédure porte « clairement sur un avion d’entraînement militaire ». Pour Aero Vodochody, cette clause est « clairement discriminatoire envers les avionneurs purement militaires ».

Ensuite, l’industriel tchèque dénonce des ambiguïtés et des incohérences dans ce processus de sélection. Cela n’aurait peut-être pas porté à conséquence si on lui avait donné les précisions qu’il demandait… Sauf qu’il les attend toujours… « Aero n’a reçu aucune réponse à des questions formelles avant les délais prévus dans l’appel d’offres », explique-t-il.

Aussi Aero Vodochody n’hésite pas à parler de « concurrence déloyale », en reprochant aux reponsables français d’avoir exprimé publiquement leurs préférences qui désignent un « fournisseur particulier et ses avions ».

Ces « déclarations publiques minent la concurrence dans ce processus » de sélection, plaide l’industriel qui estime que, pour toutes ces raisons, l’appel d’offres en cours suit des « pratiques non standard ».

« Par conséquent, Aero décidé de prendre les mesures juridiques nécessaires pour demander une révision de l’appel d’offres » ainsi que le soutien des autorités tchèques pour exiger une enquête sur sa légalité.

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