Général Paloméros : L’Otan a joué « un rôle essentiel pour le maintien de la paix en Europe depuis 70 ans »

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Dans un récent éditorial vidéo au sujet d’un éventuel « grexit », le directeur de L’Express, Christophe Barbier, estimait que la fin de la monnaie unique allait provoquer celle de l’Europe [ndlr, de l’Union européenne]. « On retournera aux nations, au nationalisme et à la guerre », a-t-il dit, en justifiant l’idée qu’il faudrait plus de fédéralisme au niveau européen, oubliant sans doute que 19 pays de l’UE sur 28 ont adopté l’euro.

Donc, l’idée généralement avancée est que la construction européenne aurait évité au Vieux Continent de se déchirer à nouveau après deux guerres mondiales. Mais ce serait omettre d’autres facteurs. Ainsi, pour le général Jean-Paul Paloméros, le commandant suprême allié Transformation (SACT), l’Alliance atlantique, qui « mérite d’être mieux connue » selon lui, a joué un « rôle essentiel pour le maintien de la paix et la stabilité en Europe depuis 70 ans ». Du moins depuis sa création, en 1949.

« Elle a porté la renaissance de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale et largement contribué à sa prospérité depuis près de 70 ans. Elle a fait ses preuves pendant la guerre froide comme à l’occasion des crises dites ‘chaudes’ qui ont suivi en Bosnie, dans les Balkans, en Afghanistan ou en Libye, où elle a tenu la place que ses vingt-huit membres ont voulu lui donner », a encore insisté le général Paloméros, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense, le 23 juin dernier [ndlr, le compte-rendu n’a été rendu public que la semaine dernière].

Et cela a été possible parce qu’il s’agit « d’une alliance des nations, pour les nations, bâtie sur des valeurs et des objectifs communs », a expliqué l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air. « Si, évidemment, le consensus n’est pas toujours facile à construire, elle a développé une aptitude à le faire naître – sur des bases non minimalistes, mais assez élevées, à la hauteur de ce qu’exige la situation actuelle », a-t-il continué.

Pour rappel, la France est un des membres fondateurs de l’Alliance atlantique dont elle a seulement quitté le commandement militaire intégré en 1966 (il s’agissait de « modifier la forme de notre Alliance sans en altérer le fond » selon le général de Gaulle) avant de le retrouver en 2009… Ce qui a suscité quelques débats passionnés alors que l’armée française a toujours été parmi les premiers contributeurs aux opérations de l’Otan.

Quant à la situation actuelle évoquée par le général Paloméros, elle se caractérise par une « combinaison de risques et de menaces » qui sont, selon lui, « sans précédent ». Et d’ajouter : « La simultanéité des crises, leur complexité et leur interconnexion appellent une stratégie d’ensemble, fondée sur la solidarité et qui doit prendre en compte les différentes sensibilités nationales de ses membres, du nord au sud et de l’est à l’ouest ».

En premier lieu, il y a la crise ukrainienne, qui a fait resurgir les menaces dites de « la force ». Le général Paloméros a ainsi souligné que « l’action russe en Crimée remet aussi en cause certains des principes de base établis à Helsinki s’agissant du respect des frontières et de l’intégrité territoriale des différentes nations ». Et d’y voir le besoin « d’une défense collective moderne, crédible, nucléaire et conventionnelle » pour dissuader toute agression contre un pays allié, « y compris dans le cadre de stratégies dites hybrides ».

« La situation à l’Est appelle une vigilance particulière vis-à-vis de l’évolution préoccupante de la posture nucléaire russe et du recours de plus en plus fréquent, de la part de ses responsables politiques et militaires, à une rhétorique belliqueuse, évoquant explicitement le déploiement de vecteurs nucléaires tactiques aux frontières de l’Alliance », a dit le SACT.

En outre, le général Paloméros a estimé qu’il est « excessif de dire  que l’Otan encercle la Russie car ce n’est pas l’esprit de l’organisation » et « personne n’a forcé aucun Allié à intégrer l’Alliance » étant donné que les 28 pays membres ne l’ont rejointe que de leur propre volonté ».

Toujours au sujet de crise en Ukraine, il a également précisé que les actions de réassurances de l’Otan dans les États baltes sont « totalement transparentes et nous nous efforçons d’éviter, contrairement aux Russes, les manœuvres agressives en désignant l’adversaire ».

Et d’enfoncer le clou : « Les preuves de l’aide de la Russie aux séparatistes pro-russes ont été clairement établies. La violation de la souveraineté ukrainienne contrevient également à un important traité international de dénucléarisation en Ukraine. La Russie a pris une lourde responsabilité en la matière ».

Au sud, la menace vient de la faiblesse d’États dont des régions entières sont déstabilisées, ce qui donne lieu à des zones de non-droit qui « émergent à la périphérie de l’Europe » et « favorisent l’établissement de bases d’appui pour des groupes extrémistes et terroristes, capables de menacer l’Alliance, y compris sur son propre territoire ». Pour le SACT, cette situation va durer.

Enfin, plus généralement, le général Paloméros a fait le constat d’un « contournement progressif des fondements de la puissance occidentale, d’une certaine remise en cause de la suprématie de nos forces, que l’on pouvait considérer comme acquise au fil des 30 dernières années ».

« Les espaces dans lesquels nous nous déployons et opérons sont de plus en plus contestés. Plusieurs grands États disséminent de façon extensive des armes dites de déni d’accès, combinant des systèmes intégrés de défense antiaérienne ainsi que d’autres capacités balistiques, antinavires et anti-sous-marines. Ces armes peuvent désormais menacer nos principales lignes de communication, d’approvisionnement énergétique et de logistique. Elles peuvent également avoir un effet dissuasif sur la volonté de certains Alliés de projeter leurs forces », a expliqué le SACT.

Aussi, avec tous ces évènements, « ce serait de la folie de se séparer d’une alliance » de la qualité de l’Otan, « unissant les deux cotés de l’Atlantique, avec une forte présence européenne » (22 alliés sont aussi membres de l’UE) , a affirmé le général Paloméros.

Ce dernier a en outre plaidé pour davantage de coopération entre l’Otan et l’UE. Car, avec le pivot américain vers la région Asie-Pacique, il y a un « moment européen que les Alliés européens devraient saisir », selon lui. Ainsi, aussi bien le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, que la Haute Représentate de l’Union pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, et les chefs d’États et de gouvernement soutiennent « fermement la recherche d’une meilleure synergie entre les deux organisations.

« C’est dans cette perspective que mon état-major a fourni des propositions très concrètes afin de pousser plus en avant des coopérations qui existent déjà de facto dans le cadre agréé en 2003. Ainsi, les axes de progrès sont importants, en particulier dans les domaines du cyber, de la lutte contre le terrorisme, de la sécurité énergétique, de la sûreté maritime, ou encore pour contrer les menaces hybrides », a fait valoir le général Paloméros.

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