Pourquoi le Rafale Marine pourrait intéresser la marine indienne
L’Inde est l’une des rares puissances à mettre en oeuvre au moins un porte-avions depuis plusieurs dizaines d’années. C’est en 1961, en effet, que l’INS Vikrant (ex-HMS Hercules) a été cédé par la Royal Navy à son homologue indienne.
Actuellement, l’Inde dispose de deux porte-avions, à savoir l’INS Viraat (ex-HMS Hermes), acquis dans les mêmes conditions que l’INS Vikrant, et l’INS Vikramaditya, construit pendant l’époque soviétique sous le nom de Baku, rebaptisé ensuite Admiral Gorshkov avant d’être proposé à New Delhi par Moscou, en 2004.
Gravement endommagé en 1994 par un incendie, ce navire a fait l’objet de lourds travaux de modernisation réalisés par le chantier Sevmach de Severodvinsk avant d’être remis à la marine indienne en 2013, après 5 ans de retard et d’importants surcoûts, la facture ayant atteint les 2 milliards de dollars, alors que le prix de vente était de 980 millions…
Cela étant, l’Inde entend concevoir ses propres porte-avions. C’est ainsi qu’un nouvel INS Vikrant a été officiellement lancée en août 2013, dans le cadre du programme « Indigenous Aircraft Carrier » (projet 71).
D’un déplacement de 40.000 tonnes pour une longueur de 262 mètres, l’INS Vikrant seconde version aura une configuration STOBAR (Short Take-Off But Arrested Recovery), c’est à dire qu’il aura un pont d’envol incliné afin de faire décoller ses appareils, qui seront des MiG-29K et des HAL Tejas Mk2 navalisé (du moins en théorie).
Mais le projet 71 prévoit la construction d’au moins 2 porte-avions. Et rien n’était définitivement arrêté au sujet de la configuration du second… La semaine dernière, la marine indienne a levé le voile sur ses intentions.
Ainsi, selon les spécifications révélées par la presse indienne, le 2e porte-avions construit localement affichera 65.000 tonnes pour une longueur de 300 mètres et devra pouvoir atteindre une vitesse maximale de 30 noeuds. Rien, en revanche, n’a été dit que le système de propulsion (nucléaire ou classique). Il aura en outre la capacité d’emporter 30 à 35 avions ainsi qu’environ 20 hélicoptères.
Quant à sa configuration, la marine indienne a opté pour un changement radical par rapport à ses capacités actuelles puisque ce porte-avions disposera de catapultes et de brins d’arrêt, c’est à dire il sera « CATOBAR » (Catapult Assisted Take Off But Arrested Recovery), comme les navires du même type américains et français.
La marine indienne a sollicité 4 industriels étrangers pour la mise au point de ce navire : Lockheed-Martin (alors que les porte-avions de l’US Navy sont construits par Huntington Ingalls Industries), BAE Systems, Rosoboronexport et DCNS. Ces derniers devront remettre leurs proposition le 22 juillet, c’est à dire dans un délai extrêmement court.
L’information a été confirmée par IHS Janes, qui a contacté un cadre de BAE Systems
Les industriels russes et britanniques n’ayant aucune expérience dans la construction de porte-avions en configuration CATOBAR, Américains et Français paraissent donc les mieux placés. Surtout les seconds… Car DCNS a déjà dans ses cartons un navire qui correspondrait presque aux exigences indiennes avec le PA2 (70.000 tonnes pour 283 m de long), c’est à dire le bâtiment qui aurait dû épauler le Charles de Gaulle…
À moins que la marine indienne souhaite doter son porte-avions de catapultes électromagnétiques EMALS, conçues par General Atomics. Si elle ne l’a pas précisé dans ses spécifications, cela peut toujours être une éventualité…
Quoi qu’il en soit, il se posera la question des avions qui seront mis en oeuvre par ce navire, futur INS Vishal mais pour l’instant appelé « Indigenous Aircraft Carrier-2 » (IAC-2).
Lors d’un catapultage, l’avion, dont le (ou les) réacteur(s) sont à plein régime, est emporté par un sabot fixé sur le train avant qui lui donne une accélération pouvant atteindre les 5G et une vitesse de 90 à 120 noeuds. Le MiG-29K est-il adapté à cet exercice?
Aussi, le choix des avions possibles se limite au F/A-18 Super Hornet de Boeing, au F-35C de Lockheed-Martin et au Rafale Marine de Dassault Aviation. Et cela même si le consortium Eurofighter et Saab ont indiqué avoir l’idée de « navaliser » le Typhoon et le Gripen. Seulement, il ne suffit pas d’ajouter une crosse d’appontage pour qu’un avion puisse opérer depuis un porte-avions!
En mars dernier, Dassault Aviation a en outre fait savoir que la marine indienne l’avait interrogé « sur la capacité du Rafale à aller sur un porte-avions ». La réponse, elle l’a eu lors de l’édition 2015 de l’exercice Varuna, lequel a vu la participation du groupe aéronaval constitué autour du Charles de Gaulle, en avril.
En outre, deux autres éléments plaident en faveur du Rafale Marine. D’abord, il y a le contrat portant sur l’acquisition d’un première tranche de 36 exemplaires de la version « classique » de cet avion destinés à l’Indian Air Force [ndlr, qui ne devrait pas tarder à être finalisé]. Ensuite, selon des études et des simulations effectuées par Dassault Aviation, il serait en mesure de décoller de porte-avions dotés de tremplin, comme ceux en service dans la marine indienne. Mais encore faudrait-il réaliser des essais pour être catégorique.