Un « bastion » de l’État islamique découvert en Bosnie-Herzégovine

bosnie-20150720Lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine, dans les années 1990, l’unité El-Moudjahid, intégrée à la 7e brigade du 3e corps de l’armée bosniaque, a accueilli dans ses rangs entre 4.000 et 5.000 combattants musulmans venus de l’étranger, dont de nombreux extrémistes.

Après les accords de Dayton signé en 1995, certains d’entre-eux partirent pour continuer le « jihad » sous la bannière d’al-Qaïda tandis que beaucoup d’autres restèrent sur place et obtinrent même la nationalité bosnienne, laquelle leur fut retirée en 2007, quand Sarajevo se décida à réduire cette mouvance radicale. « Nous allons expulser des personnes qui, selon les résultats de l’enquête, mettent en danger la sécurité du pays », avait expliqué, à l’époque, un reponsable gouvernemental.

Seulement, ces mesures sont sans doute arrivées beaucoup trop tard, les intégristes ayant eu le temps de faire leur nid. En septembre 2014, les services de sécurité ont arrêté une dizaine de personnes soupçonnées de recruter des combattants pour l’organisation État islamique (EI), dont un certain Bilal Bosnic, un imam de 42 ans. D’importantes quantités d’armes, de munitions et d’équipements militaires furent saisies par la même occasion.

En février dernier, la police bosnienne a fait une descente dans le village de Gornja Maoca (nord-est), situé près de la ville de Brcko et contrôlé par le mouvement wahhabite local. La cause? Des photographies publiées par la presse montrant des drapeaux de l’EI accrochés aux fenêtres des maisons de cette petite bourgade.

Mais Gornja Maoca n’est apparemment pas un cas isolé. En mai, des médias bosniens ont rapporté que Harun Mehicevic, établi en Australie où il dirigeait le centre islamique Al-Furqan, accusé d’avoir abrité des individus impliqués dans des affaires de terrorisme, avait acquis deux hectares de terrains dans le village de Osve. Mais il ne serait pas le seul : plusieurs personnes, pour certaines enrôlées dans les rangs de l’EI, en aurait fait autant, au point d’inquiéter les services de police bosniens.

L’hebdomadaire britannique The Sunday Mirror a envoyé un binôme de journalistes pour voir ce qu’il en est réellement à Osve. Et il a ainsi publié un reportage ce week-end. Ainsi, il apparaît que ce village, isolé, difficile d’accès et situé à environ 100 km de Sarajevo, est effectivement devenu un « bastion » de l’État islamique, qui y aurait installé un camp d’entraînement pour ses recrues.

Selon les journalistes britanniques, au moins 12 jihadistes formés à Osve sont partis en Syrie et 5 d’entre eux y auraient été tués. Un habitant, qui n’a pas voulu donner son identité, leur a confié entendre « régulièrement des coups de feu provenant de la forêt, pendant de longues périodes. Cela arrive chaque semaine. »

Pour l’EI, la Bosnie-Herzégovine constitue une plaque tournante idéale : sa position géographique en fait un lieu de passage pour les jihadistes souhaitant rejoindre la Syrie via la Serbie, la Grèce et la Turquie et le pays. En outre, ce pays des Balkans frontalier de la Croatie, est relativement proche de l’Italie, de la Hongrie et de l’Autriche. Qui plus est, les armes y circulent relativement facilement.

Et le recrutement de jihadistes y est facilitée en raison de la situation économique désastreuse. Du moins est-ce la théorie d’un rapport publié récemment par des chercheurs du King’s College de Londres, selon lequel ce phénomène ne concerne pas la seule Bosnie-Herzégovine mais d’autres pays des balkans, comme l’Albanie et le Kosovo.

Dans le cas de la Bosnie, l’organisation Atlantic Initiative a estimé, dans un rapport rendu en juin, à 192 le nombre de Bosniens partis en Syrie et en Irak pour rejoindre l’EI, dont 156 hommes et 36 femmes. Au moins 48 seraient retournés chez eux, ce qui, étant donné l’expérience du combat qu’ils ont acquise « posent une menace directe pour la Bosnie Herzégovine mais aussi pour la région et au-delà ».

Au total, selon le rapport du King’s College, au moins 600 personnes originaires des Balkans seraient concernées par les filières jihadistes. Mais il est compliqué d’avoir une idée exacte du nombre d’individus impliqués…

Quoi qu’il en soit, la situation préoccupe au plus haut point les dirigeants kosovars, macédoniens et albanais. Au Kosovo, en mars, 135 personnes faisaient ainsi l’objet de poursuite judiciaires pour des faits de terrorisme. Et en juillet, 5 hommes ont été arrêtés in extremis alors qu’ils s’apprêtaient à s’attaquer au système d’approvisionnement en eau potable de Pristina. Des armes, des munitions et des documents concernant l’EI ont été saisis.

En Macédoine, où vit une minorité musulmane respectant les traditions d’un islam sécularisé, il a été rapporté que des imams salafistes auraient pris le contrôle de plusieurs mosquées. Enfin, en Albanie, le Premier ministre Edi Rama ne cache pas son inquiétude, comme le soulignait, en mars, le quotidien suisse Le Temps. « Si une vague de nationalisme religieux se développait, qui revendiquerait non plus l’unification nationale albanaise mais un Etat albanais islamique, plus aucune frontière ne pourrait tenir dans la région », a-t-il ainsi déclaré.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]