Des députés font un constat sévère au sujet de la Brigade franco-allemande

Les régiments et bataillons qui constituent la Brigade franco-allemande (BFA), créée en 1989, peuvent être déployés en opérations extérieures. Mais « pour le compte de la France ou de l’Allemagne, jamais ensemble ». Et si « la BFA n’est pas utilisée en tant que brigade, c’est parce que les ordres venaient de deux pays et que c’est très compliqué ». C’est ce qu’a déploré Mme Patrica Adam, la présidente de la commission « Défense » de l’Assemblée nationale, après avoir rendu visite, avec une délégation de députés, à l’état-major de cette formation, basé à Müllheim.

« Cette visite nous a permis de découvrir de façon complète une unité binationale unique en Europe, véritable outil politique et opérationnel disposant de ses propres appuis et soutiens, une des réalisations les plus emblématiques de la coopération bilatérale en matière de défense et de sécurité », a commencé par dire Mme Adam, lors d’une communication au sujet de ce déplacement en Allemagne.

Puis, la présidente de la commission a donné le détail des « limites et difficultés » de la BFA. « Nous avons été particulièrement surpris devant le faible niveau d’interopérabilité humaine, technique et procédurale d’une brigade binationale qui vient pourtant de fêter ses vingt-cinq ans d’existence », a-t-elle affirmé, avant de déplorer que la langue de travail soit l’anglais.

Pour le député Francis Hillmeyer, c’est un vrai sujet : « jadis, les Allemands s’adressaient aux soldats français en français, et vice versa ; désormais, seul l’anglais permet de se débrouiller, ce qui représente une dégradation de l’esprit originel de la BFA ».

Outre le fait que les personnels de la BFA « relèvent respectivement de leur service de santé national, ce qui limite les engagements communs », Mme Adam a également déploré le manque d’interopérabilité technique entre les unités françaises et allemandes.

« Chaque pays met en œuvre des systèmes d’information aux standards différents, qui ne peuvent pour l’instant échanger qu’avec les plus grandes difficultés », a fait valoir Mme Adam, avant de souligner « la différence entre les matériels allemands modernes mis à disposition de la BFA et ceux plus anciens, voire vétustes, de l’armée française, celle-ci préférant logiquement affecter ses équipements les plus opérationnels aux opérations extérieures ».

Par ailleurs, a encore relevé Mme Adam, les militaires français et allemands « s’entraînent selon des cycles opérationnels propres à chaque pays ». Qui plus est, mais c’est un problème connu depuis longtemps, les règles d’engagement sont radicalement différentes. « Les règles juridiques étant distinctes, il demeure impossible d’emmener des unités mixtes au combat et la BFA semble donc pour l’instant condamnée à juxtaposer ses unités », a-t-elle admis.

Aussi, a encore indiqué Mme Adam, les « parlementaires tant français qu’allemands estiment indispensable de procéder rapidement à un état des lieux de la BFA afin de donner une nouvelle impulsion politique au développement d’une brigade réellement binationale, interopérable, qui puisse être utilisée par nos deux pays ».

« Pourquoi continuer si la brigade ne sert à rien? », s’est demandé le député Hillmeyer. Car, a-t-il continué, « lorsqu’on l’a créée, on évoquait les prémices d’une armée européenne » or « aujourd’hui, on est malheureusement toujours au même point ».

« Les militaires de la BFA ont déjà été engagés conjointement dans des conflits (…) mais les Français prenaient surtout en charge le volet offensif, et les Allemands, la ‘popote’… », a affirmé le député. Et d’insister : « Dans les conflits actuels, l’armée française assure les missions véritablement militaires, nos homologues allemands, moins combatifs, se cantonnant à celles d’enseignement aux autochtones. Cette situation s’explique par la différence des doctrines d’engagement des forces de nos deux pays ».

« La vraie solution n’est pas militaire, mais bel et bien politique : les militaires s’entendent bien et travaillent ensemble ; à nous de donner à cette initiative nouvelle une chance d’aboutir à quelque chose de constructif », a conclu M. Hillmeyer.

Aussi, pour Mma Adam, compte-tenu des différences dans les doctrines d’emploi des forces, il faudrait sans doute « limiter dans un premier temps les interventions communes de la BFA à des actions de maintien de la paix ou de sécurité ». Ce qui serait « parfaitement réalisable, pour peu qu’on en ait la volonté », a-t-elle estimé.

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