Pour le général Didier Castres, nous sommes à l’ère du champ de bataille 3.0

castres-20150713Sous-chef d’état-major « opérations », le général Didier Castres a donné un long (mais intéressant) entretien au quotidien Les Échos en cette veille du 14 juillet. Le constat qu’il a livré est que les crises actuelles sont « mondialisées » et qu’elles peuvent être comparées à un « organisme vivant qui se développe, se rétracte, qui s’embrase ou s’éteint ».

Du coup, pour y faire face, il faut d’abord les regarder dans « leur globalité et pas au microscope » et y apporter une réponse adaptée, l’erreur étant d’appliquer des solutions toutes faites qui ne régleront rien.

« Chaque crise nécessite que la réponse se modèle sur la courbe des évènements » laquelle dessine actuellement un « cadre nouveau » que le général Castres appelle « standard 3.0 », définis par « plusieurs éléments de contexte ».

Le premier est « une forme d’inversion des modèles traditionnels de nos adversaires ». Ainsi, à l’image de l’organisation État islamique (EI ou Daesh), l’on voit des groupes terroristes prétendre s’ériger en État, avec la mise en place d’une armée, d’une administration et d’une monnaie. A contrario, des États « agissent par l’intermédiaire de bandes », ce qui leur permet de nier toute responsabilité dans les crises dans lesquelles ils poussent leurs pions. D’où la question que se pose le général Castres : « la finalité de l’emploi de la force est-elle toujours le prolongement de la politique par d’autres moyens? »

Le second élément de contexte est la continuité entre crise extérieure et sécurité intérieure, ce qui suppose une meilleure coordination entre les armées et les autres services de l’État. Ainsi, le général Castres a indiqué que tous les services français de renseignement sont désormais réunis au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). « C’est un énorme pas en avant », a-t-il commenté.

Troisième élément à prendre en compte : l’érosion du droit international, qui « ne constitue plus systématiquement une référence commune dans la résolution des crises ». Et pour cause! L’EI ou al-Qaïda l’ignorent quand des États le contestent ou le contournent.

Enfin, le dernier point est ce que le général Castres appelle la « war fatigue », c’est à dire la lassitude, surtout du côté occidental, des opérations longues et coûteuses, tant au niveau humain qu’en termes financiers et politiques. Conséquence : il y a désormais une réticence à mener de nouvelles interventions. A priori, si l’on en croit le sous-chef d’état-major « opérations », les armées françaises « ne souffrent pas de ce syndrome ».

Une autre singularité de ce « standard 3.0 » est que des armées traditionnelles doivent affronter des adversaires « asymétriques » aux capacités « nivelantes » (engins explosifs improvisés, cyberattaques, armes chimiques, etc…) qui, explique le général Castres, « réduisent sensiblement l’écart technologique » avec les forces occidentales.

D’où une autre question qu’il se pose : « Devons-nous, pouvons-nous poursuivre une course technologique pour creuser cet écart? » Et d’apporter un début de réponse : « Je ne nie évidemment pas les atouts de la technologie dans la conduite de nos opérations mais nous devons également développer une grande agilité de nos organisations, une grande adaptabilité opérationnelle et une grande réactivité tant industrielle, en matière d’innovation qu’intellectuelle, en matière de modes d’action ».

Ainsi, il s’agit d’adapter capacités, concepts et modes d’actions à « quelques principes simples mais exigeants », ce qui implique « d’inverser le principe d’incertitude car souvent, en raison de l’empreinte de nos matériels, nous sommes lents, lourds et prévisibles » ainsi que d’être capable « d’ubiquité » afin de pouvoir agir partout dans une zone d’opérations donnée et de « foudroyance » pour intervenir dès que l’adversaire se découvre.

Pour le général Castres, les armées françaises ont quelques arguments à faire valoir. En premier lieu, leurs soldats peuvent « combiner une très grande rusticité avec le recours à une très haute technologie », elles ont une grande culture opérationnelle en raison de leur histoire ainsi qu’une « acceptation du risque ». Enfin, le militaire français sait aller au contact des populations et faire preuve de sens de l’initiative. « Nos jeunes chefs ne cherchent pas leurs manuels », a-t-il conclu.

Lire l’entretien du général Didier Castres : « Nous faisons face à des crises mondialisées » – Les Echos du 13 juillet 2015

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