Comment la directive européenne sur le temps de travail va-t-elle s’appliquer aux militaires?
Dans son dernier rapport annuel, le Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire (HCECM) souligne plusieurs points à surveiller car ils sont suceptibles d’affecter « l’identité militaire ». Parmi ces derniers figure la possible application aux forces armées de la directive européenne 2003/88/CE relative au temps de travail, laquelle prescrit un repos journalier de 11 heures consécutives au moins par période 24 heures ainsi qu’un repos hebdomadaire de 24 heures au cours de chaque période de 7 jours.
Ce texte s’applique « à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE », à l’exception de « certaines activités spécifiques dans la fonction publique », comme par exemple dans les forces armées ou la police. Aussi, a-t-on considéré que les militaires n’étaient pas concernés par ce réglement, par ailleurs incompatible avec l’obligation de disponibilité de ces derniers.
Sauf que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) y a mis son grain de sel, en affirmant, comme le souligne le rapport du HCECM, que « les dérogations ne sont pas applicables à des corps ou à des secteurs dans leur globalité, comme les forces armées ou la police, mais seulement à certaines des missions qu’ils assument », notamment dans le cas « d’évènements exceptionnels à l’occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel (…) accorde une priorité absolue à l’objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint ».
Aussi, pour le HCECM, une application indifférenciée de cette directive « relativiserait pour l’amoindrir la portée du principe de disponibilité ». Sur le plan pratique, elle rendrait plus compliquées les périodes de formation initiale, les stages d’aguerrissement et la préparation opérationnelle. « On imagine mal qu’il soit raisonnable de prévoir des repos journaliers de 11 heures consécutives pendant (…) les stages commandos », souligne le rapport.
Enfin, il y aurait également des conséquences budgétaires, « la fixation de périodes minimales de repos à l’occasion d’activités ordinaires entraînerait inévitablement, à charge de travail constante, des besoins supplémentaires en personnels et donc un accroissement de la dépense », prévient le HCECM.
En Allemagne, la directive 2003/88/CE entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2016 étant donné qu’elle vient d’être transposée dans la « loi relative à l’augmentation de l’attractivité de la Bundeswehr ». Mais les forces armées allemandes n’ont pas les mêmes exigences et contraintes que leurs homologues françaises.
Aussi, le HCECM plaide pour que la transposition de cette directive dans le Code de la Défense soit « soigneusement » préparée avec les « adaptations qui s’imposent ». C’est à dire qu’il s’agira d’identifier « de manière limitative les activités opérationnelles présumées entrer dans le champ dérogatoire » et de prévoir « un ensemble de critères qui, une fois remplis, permettraient aussi à toute autre activité d’être dérogatoire ».