Trois moteurs de l’A400M accidenté à Séville ont été affectés par un « gel de puissance »
Lors de son audition devant les députés de la commission de la Défense dans le cadre des débats portant sur l’actualisation de la Loi de programmation militaire (LPM), Laurent Collet-Billon, le délégué général pour l’armement (DGA), a indiqué, au sujet de l’accident d’un A400M « Atlas » à Séville, le 9 mai dernier, que « trois des quatre moteurs de l’appareil » étaient « tombés en panne ». Et d’ajouter que « les causes de l’accident pourraient être à chercher dans une modification ma conçue du FADEC (Full authority digital engine control), et, probablement, dans une erreur de production ».
Pour rappel, chaque turbopropulseur de l’A400M est géré par deux calculateurs, qui sont l’ECU (Engine Control Unit) et l’Engine Protection and Monitoring Unit (EPMU).
Dans un communiqué publié ce 3 juin, Airbus Defence and Space a confirmé le scénario avancé par le DGA en s’appuyant sur les analyses préliminaires du Digital Flight Data Recorder (DFDR) et du Cockpit Voice Recorder (CVR), c’est à dire les « boîtes noires » de l’appareil accidenté, effectuées par les experts de la Commission d’enquête sur les accidents d’aéronefs militaires (CITAAM) espagnole.
Ainsi, « les moteurs 1,2 et 3 ont subi un ‘gel’ de puissance après le décollage et n’ont pas répondu aux tentatives entreprises par l’équipage pour contrôler normalement la puissance, tandis que le quatrième moteur a répondu normalement », a expliqué Airbus.
En clair, quand l’équipage a actionné la manette des gaz sur « flight idle » (ralenti), la puissance de l’A400M [le MSN23] a effectivement été reduite mais il ne lui pas été possible de l’augmenter à nouveau.
Cela étant, cette analyse explique comment et pourquoi l’avion s’est écrasé mais elle n’en donne pas la cause, c’est à dire la raison pour laquelle 3 des 4 turbopropulseurs n’ont plus répondu aux sollicitations de l’équipage. La semaine passé, Marwan Lahoud, le directeur de la stratégie d’Airbus, avait évoqué un « sérieux problème de qualité dans l’assemblage final ». A priori, un logiciel aurait été mal installé lors de la phase « prévol » du MSN23.
« Les premières analyses ont montré que les autres systèmes de l’avion ont fonctionné normalement et qu’il n’y a pas eu d’autre anomalie identifiée durant le vol », a encore indiqué Airbus Defence and Space.
L’industriel avait précédemment demandé à ses clients d’effectuer des vérifications « spécifiques » et « régulières » portant sur l’ECU de chaque moteur des avions déjà livrés. Suite à l’accident de Séville, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Turquie et la Malaisie ont suspendu leurs A400M de vol. La France, qui en met 6 en oeuvre, a seulement décidé de limiter les missions.
À ce sujet, au cours son audition à l’Assemblée nationale, M. Laurent Collet-Billon a expliqué que l’A400M accidenté « avait un FADEC du même type que celui développé en Malaisie et en Turquie, donc différent de celui des 6 avions français, lesquels ont accumulé plus de 10.000 heures de vol ». « On peut donc dire qu’ils sont sûrs », a-t-il estimé.
Également entendu par la commission de la Défense le même jour, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général Denis Mercier, s’est dit « plutôt critique à l’égard des pays qui ont décidé » de clouer leurs A400M au sol. « Un avion vole toujours en vertu d’un certificat de navigabilité. Ce certificat est différent selon que l’avion est en essai-réception ou utilisé en ligne. Le certificat de l’avion qui s’est écrasé à Séville était un certificat de vol en essai-réception et non de vol en ligne », a-t-il expliqué aux députés.