L’État impose finalement son candidat à la tête de Thales

Il n’est pas simple de trouver un patron pour Thales. Il faut en effet qu’il y ait un accord entre l’État et Dassault, lesquels sont liés par un pacte d’actionnaire, les deux détenant respectivement 26,4% et 25,3% du capital de l’électronicien français.

Aussi, à la suite du départ de Jean-Bernard Lévy, nommé à la tête d’EDF, l’État et Dassault s’étaient mis d’accord pour mettre en place une direction bicéphale, avec Henri Proglio pour président non exécutif et Patrice Caine pour assurer la direction générale opérationnelle de Thales. Et cela passait également par un subtil jeu de chaise musicale parmi les administrateurs du groupe.

En décembre, cet accord fut difficilement validé lors d’un conseil d’administration. Seulement, l’affaire n’en est pas restée là. En effet, le ministère de l’Économie a demandé à Henri Proglio, ancien Pdg de Véolia et d’EDF et par ailleurs proche de l’ancien président Sarkozy, de choisir entre la présidence non exécutive de Thales et ses liens avec l’agence russe de l’énergie atomique Rosatom et la société d’investissement ABR Management, créée par des dirigeants de Bank Rossiya, une banque proche du pouvoir russe. Et cela, afin d’éviter de possibles conflits d’intérêt.

Jusqu’alors soutenu par Dassault, Henri Proglio a finalement choisi… de renoncer à la présidence non exécutive de Thales. « J’en ai assez du soupçon, de l’humiliation », a-t-il expliqué dans les colonnes du quotidien Le Monde. « Il faut arrêter de me prendre pour un guignol, un espion, un goinfre, un traître… », a-t-il ajouté, en se disant la cible d’une campagne « politicienne ».

« Il était normal que nous demandions à Henri Proglio de choisir entre des fonctions éminentes de dirigeant même non exécutif à la tête de Thales et des engagements réels, rémunérés auprès de grands acteurs du secteur militaire et civil, en particulier nucléaire, russe », a répondu Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie. « Cela ne nous paraissait pas compatible. C’est un problème d’éthique et de conflit d’intérêt », a-t-il continué, avant d’asssurer qu’il n’avait nullement alimenté une quelconque campagne contre l’ex-Pdg d’EDF, pour lequel il a « respect ».

De son côté, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, s’est dit « pas très heureux » de la  décision de M. Proglio de jeter l’éponge. « Nous avions confiance en l’homme, en sa loyauté. Il a quand même été PDG d’EDF! », a-t-il confié à l’Express.

« Avec l’Etat nous nous étions mis d’accord, en un mois, sur le couple Caine-Proglio pour diriger l’entreprise. Nous avions un tandem équilibré, un jeune dirigeant issu des rangs de l’entreprise et un patron avec une grande expérience, y compris internationale. Il y avait un accord, l’arrivée d’Henri Proglio était validée. Aujourd’hui l’accord est rompu de façon unilatérale. De notre côté, nous n’avons pas changé d’un millimètre », a encore fait valoir M. Trappier, pour qui il « ne faut pas déstabiliser Thales ».

Quoi qu’il en soit, le conseil d’admnistration, qui s’est réuni ce 13 mai avant l’assemblée générale du groupe d’électronique, a pris acte de la nouvelle situation. Du coup, Patrice Caine se retrouve seul aux commandes.

Lors de l’assemblée générale des actionnaires, ce dernier a affirmé que « le projet de gouvernance dissociée qui avait été annoncé en décembre de l’année dernière ne sera pas mis en oeuvre » suite au renoncement de M. Proglio. Quant à savoir si cela est définitif, il a répondu : « La gouvernance dissociée n’est pas mise en place, point final. Ma présence répond implicitement » à cette question.

Passé par X-Mines, conseiller technique en charge de l’énergie au cabinet de Christian Pierret, alors secrétaire d’État à l’industrie du gouvernement Jospin (2000-2002), Patrice Caine connaît bien Thales puisqu’il a été pendant 12 ans à la direction de la stratégie du groupe. En 2012, il avait été nommé directeur général des opérations et de la performance par Jean-Bernard Lévy.

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