L’exploit des chars « Mistral » et « Tunisie » à Landrecies

charb1b1-20150508Alors que l’on commémore, ce 8 mai, le 70e anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie, il est naturel de se souvenir des combats menés pour la Libération de la France et de rendre hommage aux Forces françaises libres ainsi qu’à la Résistance. Pour autant, il ne faudrait pas oublier ceux qui ont résisté dès la première heure aux forces allemandes…

Il est en effet peu souvent question des soldats français engagés dans les combats de mai-juin 1940. Déroute, débandade, débâcle… Toujours utilisés pour qualifier la campagne de France, ces mots cachent en réalité leur courage et leur sacrifice face à l’ennemi d’alors.

Sait-on que la première bataille de chars de la Seconde Guerre Mondiale, menée à Hannut (Belgique), a été une victoire française, remportée par les 380 chars du corps de cavalerie mécanisée du général Prioux, face au 16e Panzerkorps du général Hoepner, appuyé par les redoutables Stuka de la Luftwaffe? Se souvient-on de la percée à Abbeville, de la  4e Division cuirassée, commandée par un certain général de Gaulle? De la mise en échec des troupes allemandes par la 14e Division d’Infanterie à Rethel? Des combats acharnés de Stonne (le Verdun de 1940 pour les Allemands), de Ham, de Tannay? De la conduite héroïque des cadets de Saumur? De la défense désespérée de Xertigny par le 23e Groupe de reconnaissance face à un adversaire 10 fois supérieur en nombre? Et que dire de l’attitude des aviateurs, qui infligèrent de lourdes pertes à la Luftwaffe?

Ces soldats français de 1940 ne doivent pas être oubliés. En tout cas, ils n’ont pas à être tenus pour responsables de la débâcle, en grande partie due aux erreurs du commandement de l’époque et aux turpitudes politiques. D’autant que certains accomplirent des exploits qu’il serait dommage de passer sous silence.

Ainsi, le 17 mai 1940, la 3e compagnie du 15e Bataillon de chars de combat (BCC) reçoit l’ordre d’envoyer une patrouille de reconnaissance à hauteur de Landrecies (Nord). Trois chars B1 Bis sont désignés : le « Tornade » (sous-lieutenant Rival), le « Mistral » (Lieutenant Pompier) et le « Tunisie » (sous-lieutenant Gaudet).

En cours de route, le « Tornade » est contraint de s’arrêter, en raison d’une avarie. Les deux autres B1 Bis poursuivent leur chemin. Arrivés à l’entrée de Landrecies, le « Mistral », suivi par le « Tunisie », tombent sur un convoi automobile français abandonné de part et d’autre de la route. Le village a l’air calme.

Après s’être arrêté, le lieutenant Pompier décide de repartir et s’ouvre un passage dans le convoi laissé à l’abandon. À bord du « Tunisie », le sous-lieutenant Gaudet raconte :

« Nous parcourons quelques rues, longeons une grande place sans relever d’indices intéressants. Subitement, le ‘Mistral’ marque un arrêt et ouvre le feu de ses deux canons. Je me décale aussitôt sur sa gauche, mais la fumée de ses coups m’empêche de distinguer un objectif. Il repart, tirant de temps en temps, rejoint la route d’Avesnes et la suit sans la direction du Cateau, s’engageant franchement parmi les voitures abandonnées vers le centre de Landrecies, je suis à une distance de 100 mètres. Rien n’apparaît. Subitement, après avoir dépassé deux camionnettes abandonnées qui bouchaient la vue, mon pilote et moi découvrons un parc d’automitrailleuses légères sur roues allemandes, rangées, serrées à se toucher, de chaque côté de la rue ».

Les coups tirés par le « Mistral » venaient de toucher ces véhicules allemands, dont quelques uns sont en feu. Le sous-lieutenant Gaudet va finir le « travail ». Il dit : « J’attaque au canon, entreprenant la démolition systèmatique des files d’automitrailleuses. J’ai parcouru deux fois la partie Est de Landrecies ».

Par la suite, le « Tunisie » cherche à rejoindre le « Mistral ». Ce qu’il réussit à faire après avoir détruit, au passage, 2 canons antichars de 37 mm installés sur un pont.

Où étaient les Allemands? Selon le sous-lieutenant Gaudet, le « personnel avait abandonné ses automitrailleuses et ses voitures et se réfugiait dans les maisons ». Et d’ajouter : « Les traces relevées sur ma tourelle prouvent qu’ils étaient armés de fusils antichars à grande pénétration, mais qui ne nous ont fait aucun dommage. En revanche, les tirs de ma mitrailleuse de tourelle dans les réservoirs traversaient les tôles des automitrailleuses et les mettaient en flammes ».

En tout, le sous-lieutenant Gaudet estime qu’il y avait « 100 automitrailleuses inutilisables ou en flammes » après le départ des deux B1 Bis. Ce coup de force n’aura duré que 25 minutes. Par la suite, le « Tunisie » retrouvera le « Mistral », ainsi que le « Tornade », le « Vosges » et le « Nantes » à hauteur d’Ors. Il apprendra alors, de la bouche du lieutenant Pompier, que le « Mistral » a également détruit 2 canons antichars qui l’avaient pris à partie et attaqué « des automitrailleuses et du personnel, notamment sur la rive est du canal à Landrecies. »

Dans son livre « Comme des lions« , Dominique Lormier rapporte, en citant les travaux de Stéphane Bonnaud au sujet du 15e BCC (*), que des chars Panzer I et II se trouvaient également parmi les véhicules allemands détruits ou endommagés

Chars B au combat. : Hommes et matériels du 15e BCC – Stéphane Bonnaud, en collaboration avec François Vauvillier – Histoire&Collections

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