Le ministre indien de la Défense sème le doute sur le contrat M-MRCA, négocié avec Dassault Aviation depuis 2012

La déclaration franco-indienne publiée à l’issue de la rencontre entre le président Hollande et le Premier ministre indien, Narendra Modi, le 10 avril, laissait entendre que l’intention de New Delhi de commander 36 avions Rafale « clés en main » n’allait pas remettre en cause les négociations du contrat M-MRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft), commencée en janvier 2012 et portant sur la livraison de 126 appareils, dont 108 assemblés par Hindustan Aeronautics (HAL) en Inde.

« Le Président français et le Premier Ministre indien ont souligné la longue tradition de coopération entre la France et l’Inde dans le domaine de la défense et ils ont reconnu le fort attachement des entreprises françaises à la fabrication d’équipements en Inde », peut-on lire dans cette déclaration finale. Ils « ont exprimé la volonté d’intensifier la coopération dans des domaines définis d’un commun accord, notamment la collaboration en matière de technologies appliquée à la défense, de recherche et de développement », poursuit le texte, qui ajoute que les deux reponsables ont « incité leurs entreprises respectives à conclure des contrats de codéveloppement et de coproduction de matériel de défense en Inde, en particulier pour le transfert de savoir-faire et de technologies ».

S’agissant de la commande des 36 Rafale, destinée à répondre à un « besoin opérationnel crucial », la déclaration indique qu’il a été convenu de « conclure un accord intergouvernemental pour la fourniture des aéronefs à de meilleures conditions que dans le cadre d’un processus distinct en cours » [ndlr, du programme M-MRCA], et cela, « dans un délai compatible avec les exigences opérationnelles des forces aériennes indiennes ».

Enfin, le texte précise que les avions et les systèmes connexes « seraient livrés dans la même configuration que celle qui a été testée et approuvée par les forces aériennes indiennes » et que la France assumerait la « la responsabilité de la maintenance à long terme ».

Et, d’après l’AFP, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a affirmé que « les négociations sur l’accord initial continuent ». Ces dernières, selon Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, seraient même finalisées à 95%.

Seulement, de telles discussions sont compliquées car il faut trouver un terrain d’entente sur le montage industriel, les transferts technologiques, les licences, les coûts ou bien encore sur les responsabilités industrielles concernant les avions produits en Inde. Tout cela prend du temps et l’Indian Air Force, qui peine à honorer son contrat opérationnel, n’a plus le temps d’attendre. D’autant plus que, l’assemblage des Rafale par HAL prendrait près de 3 fois plus de temps qu’en France.

D’où les propos tenus le 13 avril au sujet de l’avenir du contrat M-MRCA par le ministre indien de la Défense, Manohar Parrikar. S’il n’a, à aucun moment, parlé officiellement d’annulation, il a revanche utilisé des analogies laissant entendre une telle issue. « Une voiture ne peut pas voyager sur deux routes différentes », a-t-il dit.

Aussi, « au lieu de passer par un appel d’offres, qui a entraîné confusion et chaos, il a été décidé que nous passerions par le G2G », a expliqué M. Parrikar, c’est à dire par une procédure de gouvernement à gouvernement. Selon lui, les négociations portant sur le M-MRCA sont prises dans un « vortex ». Et d’ajouter : « Une décision devait être prise pour briser ce vortex afin de répondre aux exigences opérationnelles de l’IAF. »

Le ministre indien a par ailleurs estimé que la procédure de gré à gré était la plus adaptée pour l’acquisition de matériels militaires haut de gamme. Et de citer les commandes passées sans appels d’offres auprès des États-Unis pour 12 C-130J Hercules et 10 C-17 Globemaster-III.

L’acquisition de Rafale « est un achat stratégique qui n’aurait jamais dû passer par un appel d’offres. Le précédent gouvernement aurait dû passer par un accord de gouvernement à gouvernement », a-t-il insisté.

Reste à voir si les forces aériennes indiennes se contenteront de seulement 36 Rafale (soit l’équivalent de 2 escadrons). Une telle micro-flotte n’a pas beaucoup de sens et, en plus, elle seraît coûteuse à entretenir. L’IAF « a un besoin urgent de bons appareils de quatrième génération car ceux de cinquième génération ne viendront que dans 10 à 15 ans », a affirmé M. Parrikar. « Toutes les options sont maintenant ouvertes », a-t-il poursuivi. Y compris le « Make in India » pour les composants d’éventuels avions supplémentaires. Mais, a-t-il dit, « ce qui a été écrit en petits caractères dans l’accord conclu par MM. Modi et Hollande ne m’est pas encore parvenu ».

Manque de main d’oeuvre qualifiée, délais trop longs, surcoûts… Visiblement, l’assemblage de 108 Rafale est compliqué pour l’industrie aéronautique indienne, à commencer par HAL, qui, par ailleurs, peine déjà à développer son chasseur Tejas.

D’où le pragmatisme de New Delhi, qui pourrait s’appuyer sur ce qui marche déjà, comme la modernisation des 51 Mirage 2000 de l’IAF, essentiellement assurée à Bangalore, sous la responsabilité de HAL.

« Nous savons transférer des savoir-faire en Inde. Et le programme de modernisation est une belle preuve d’un transfert de technologies réussi », avait expliqué Éric Trappier, lors de la livraison des deux premiers Mirage 2000 portés au standard I/TI à l’IAF, en mars dernier. « Partenaires privilégiés des forces armées indiennes, nous avons développé une solide supply chain qui a largement contribué à assurer la réussite du programme de modernisation du Mirage 2000. Et nous sommes bien sûr prêts à poursuivre et renforcer ce travail d’équipe », avait enchéri Pierre-Eric Pommellet, le directeur général adjoint systèmes de mission de défense de Thales.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]