Boko Haram : Le président tchadien critique le manque de coopération du Nigéria

Alors qu’elle perdait inexorablement du terrain face à Boko Haram au cours de ces derniers mois, au point d’être vertement critiquée par les pays frontaliers concernés par les infiltrations du groupe jihadiste, l’armée nigériane a repris le dessus fort opportunément, c’est à dire à quelques jours d’une élection présidentielle à laquelle Goodluck Jonathan est candidat à sa réelection.

Ce dernier avait en effet promis d’éradiquer Boko Haram, désormais lié à l’État islamique (EI)… Et la promesse semblait d’autant moins évidente à tenir que l’organisation extrémiste avait engrangé les victoires militaires sur le terrain, au point d’instaurer un califat sur les territoires dont elle avait pris le contrôle. Cette situation motiva le Tchad à intervenir militairement, afin de protéger l’extrême-nord du Cameroun et le sud du Niger.

Comment l’armée nigériane, même aidée par des mercenaires, comme Abuja l’a admis, a-t-elle pu renverser la tendance? Toujours est-il que son état-major a annoncé, ce 27 mars, la reprise de la ville de Gwoza, la capitale du « califat » établi par Boko Haram. Fin de l’histoire?

Pas vraiment si l’on en juge par les propos tenus à l’hebdomadaire Le Point par le président tchadien, Idriss Déby-Itno. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour critiquer l’attitude des autorités nigérianes face à Boko Haram.

« Deux mois après le début de cette guerre (…) nous n’avons pas pu avoir un contact direct, sur le terrain, avec des unités de l’armée nigériane. L’armée tchadienne mène seule ses combats à l’intérieur du Nigeria, ce qui est un problème », a ainsi déploré M. Déby.

Pour rappel, les forces tchadiennes ont lancé deux offensives dans le nord du Nigéria, l’une depuis Fotokol, au Cameroun, l’autre à partir de Diffa, au Niger, contre Boko Haram. Plusieurs localités ont ainsi été libérées du joug des jihadistes… Mais temporairement car ces derniers sont revenus une fois les militaires tchadiens partis. Ce serait ainsi le cas de Gambaru…

« Nous aurions souhaité qu’il y ait au moins une unité nigériane avec elle [ndlr, l’armée tchadienne]. C’était même une demande expresse auprès du gouvernement nigérian, mais pour des raisons que nous ignorons, jusque-là nous n’avons pas pu travailler ensemble. Certaines villes, nous avons dû les reprendre deux fois. On est obligé d’abandonner et Boko Haram revient, il faut revenir… Cela a un coût humain et matériel », a expliqué le président tchadien.

« Tout le monde se demande pourquoi l’armée nigériane, qui était une très grande armée, qui a résolu des crises en Afrique (…). Pourquoi n’est-elle pas en mesure de faire face à des gamins non formés, armés de kalachnikov? Cette question se pose, mais je ne peux pas vous donner la réponse », a encore demandé Idriss Déby.

Par ailleurs, le 3 mars, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a évoqué la situation dans le nord du Nigéria. La France apporte une assistance aux pays voisins, via une cellule de coordination adossée au PC de l’opération Barkhane et deux détachements de liaison déployés au Niger et au Cameroun.

« Nous attendons avec impatience l’arrivée des Britanniques. J’ai eu l’occasion de rappeler il y a quelques jours à mon homologue britannique les liens historiques de son pays avec le Nigéria », a-t-il toutefois affirmé.

Le Nigeria étant membre du Commonwealth, il est vrai que le Royaume-Uni pourrait se sentir davantage concerné par la situation. « Il serait bon que les Britanniques participent », a insisté M. Le Drian.

« Pourquoi ne le font-ils pas encore? Plusieurs raisons peuvent expliquer leur attitude. Tout d’abord, ils se trouvent dans une période pré-électorale. Ensuite, ils sont confrontés à un précédent : en août 2013, le Parlement britannique a voté contre l’intervention en Syrie. Enfin, ils sont au début d’une révision de l’équivalent de leur Livre blanc et de leur loi de programmation militaire, qui ne sera effective qu’après les élections »,  a expliqué le ministre.

Pour autant, « cela n’empêche pas nos relations d’être bonnes », a-t-il ajouté. « J’ai pu ainsi dire à mon homologue qu’il serait des plus utiles que deux officiers britanniques rejoignent rapidement la cellule précitée », a conclu M. Le Drian.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]