Bras de fer en vue entre Bercy et la Défense au sujet du financement de l’opération Sentinelle

Afin de renforcer le plan Vigipirate après les attaques terroristes des 7 et 9 janvier, plus de 10.000 militaires ont été déployés sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle. Et cela afin de surveiller et de protéger les lieux sensibles.

Le 11 mars, le président Hollande, estimant la menace terroriste « élevée », a annoncé la poursuite de « l’engagement des armées sur le territoire nationale à hauteur de 10.000 militaires en soutien des forces de sécurité du ministère de l’Intérieur » au moins jusqu’à l’été prochain.

Outre le fait que cette mobilisation dans la durée va au-delà du contrat opérationnel des armées, la question du financement de cette opération intérieure (OPINT) se pose. Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 3 mars dernier, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a une nouvelle fois indiqué que son coût est de 1 million d’euros par jour. Ce qui, sur 6 mois, revient à 180 millions d’euros au minimum.

Le budget de la Défense prévoit une enveloppe pour financer les OPINT. Son montant est modeste puisqu’il s’élève à 11 millions d’euros par an. Il s’agit essentiellement de couvrir les frais liés à Vigipirate en temps normal. D’où la question de savoir qui va combler la différence.

La semaine passée, le ministre du Budget, Michel Sapin, a estimé que c’était au ministère de la Défense de mettre la main à la poche. Il « a, en 2015, les moyens de faire face à des dépenses supplémentaires, qui ont été annoncées depuis le 1er janvier, je pense en particulier à la nécessité de maintenir à un haut niveau la mobilisation de nos armées. Ce qu’elles font dans des conditions exceptionnelles pour la protection de notre territoire indépendamment, bien sûr, de ce qui concerne les interventions extérieures. Donc de ce point de vue, s’il y a des dépenses supplémentaires en 2015, elles pourront être gagées par des économies », a-t-il affirmé, lors d’une audition devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

On aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait un financement interministériel pour financer les surcoûts générés par l’opération Sentinelle, comme c’est le cas quand ceux des opérations extérieures (OPEX) dépassent les 450 millions prévus dans le budget des armées.

En Belgique, où les militaires ont été sollicités de la même manière, quoique à une échelle moindre, la Défense a envoyé la facture au ministère de l’Intérieur…

Mais manifestement, ce n’est pas l’option envisagée par Bercy. Or, pour le ministre de la Défense, il faut voir l’opération Sentinelle comme une OPEX. Ce qui suppose que ses surcoûts soient pris en charge de la même manière que les interventions extérieures.

« Je vous confirme que son coût est bien d’environ un million par jour, compte tenu des dépenses liées aux primes, à l’alimentation, à l’hébergement et au MCO », a ainsi affirmé M. Le Drian aux députés. « Son statut d’opération militaire intérieure, OPINT, l’a fait rentrer dans la catégorie des OPEX +. Elle constitue selon moi une forme d’OPEX », a-t-il continué. « Je serai amené à mettre ces questions sur la table à la faveur de l’actualisation de la LPM [ndlr, Loi de programmation militaire] », a-t-il conclu.

Si le ministre des Finances pense que la Défense peut prendre à sa charge les surcoûts de l’opération Sentinelle, c’est qu’il estime que la baisse du prix du pétrole lui donne la marge de manoeuvre nécessaire. Or, pour M. Le Drian, les sommes économisées doivent servir… à financer le maintien des 1.500 postes qui devaient être supprimés au sein des armées en 2015.

« La charge supplémentaire induite par les 1 500 postes que le mouvement de moindre déflation préserve pour 2015 peut être intégrée dans le budget, compte tenu des baisses du coût du carburant et de certains effets déflateurs », a-t-il ainsi fait valoir.

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