Airbus critiqué pour sa gestion du programme d’avion de transport A400M Atlas

En apparence, tout va bien. La Royal Air Force vient en effet de recevoir son deuxième avion de transport A400M « Atlas ». Et un des six exemplaires livrés à l’armée de l’Air va boucler, ce 6 mars, un tour du monde accompli en 15 jours, 11 escales et 3 jours, 2 heures et 20 minutes de vol cumulé (un Transall C-160 aurait besoin de trois fois plus de temps). Et cela afin d’assurer la promotion commerciale de l’appareil en Australie, de vérifier l’accessibilité des terrains de Faa’a et Tontouta en Nouvelle-Calédonie et de mesurer la fatigue et le niveau de vigilance des équipages sur de longs trajets.

Seulement, comme on le sait, les apparences sont trompeuses. Après avoir été sauvé en 2010 alors que les surcoûts et les retards s’accumulaient, le programme A400M traverse à nouveau une zone de turbulences, ce qui a conduit le remplacement du directeur de la branche aviation militaire chez Airbus, Domingo Ureña-Raso par Fernando Alonso.

Ainsi, le programme a souffert de la restructuration du groupe Airbus, ce qui a provoqué des retards dans les livraisons des appareils, notamment à cause de difficultés rencontrées dans l’approvisionnement des pièces fournies par la sous-traitance, laquelle, selon Marwan Lahoud, le directeur de la stratégie, aurait eu du mal à suivre la cadence de production. En outre, des capacités qui étaient attendues, comme la possibilité de ravitailler en vol des hélicoptères, le largage latéral de parachutistes ou bien encore l’utilisation de terrains sommaires ne sont pas au rendez-vous.

Outre-Rhin, c’est clairement la soupe à la grimace. Sur le premier A400M livré en décembre à l’armée allemande, il aurait été constaté quelques « 875 manquements »… D’où les sévères critiques adressées au constructeur par Berlin, qui veut par ailleurs remplacer au plus vite ses Transall C-160 qui souffrent d’un sérieux problème de disponibilité.

« Il y a plus en jeu que la seule image d’une entreprise industrielle, il est question de la fiabilité de l’Allemagne dans ses alliances » militaires, a même déclaré Mme Ursula von der Leyen, le ministre allemand de la Défense. Et d’estimer qu’Airbus « semblait avoir un problème avec sa compréhension de la qualité d’un produit ».

En décembre dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général Denis Mercier, avait relativisé certains problèmes rencontrés sur les appareils français. « Tout est neuf dans cet avion : moteurs, avionique, gestion du cargo, tout est innovation », avait-il expliqué lors d’une rencontre organisée par l’Association des journalistes de défense (AJD). « Quand qu’on est les premiers à mettre cela en oeuvre, rien n’est facile. Aujourd’hui on essuie les plâtres », avait-il continué.

« Il va falloir encore un peu de temps pour que l’avion ait le niveau de maturité qu’on espère », avait encore ajouté  le CEMAA. Et de conclure : « Aujourd’hui, le taux de disponibilité n’est pas suffisant, mais on a une vision claire de ce qu’on peut faire et on y travaille d’arrache-pied avec Airbus. »

Mais, visiblement, Laurent Collet-Billon, le délégué général à l’armement (DGA), est en train de perdre patience. Par le passé, ce dernier n’avait pas hésité à mettre la pression sur Airbus au sujet du contrat de soutien de l’A400M, alors aux prises avec des problèmes de moteur.

Lors de la visite des chaînes d’assemblage du Rafale par le président Hollande, le 4 mars, le DGA a laissé parler sa colère, d’après ses propos rapportés par l’Usine nouvelle. « Qu’ils viennent voir comment on travaille chez Dassault à Mérignac! », a-t-il lancé au sujet des dirigeants d’Airbus Group.

« Depuis le départ de Domingo Ureña-Raso, nous n’avons plus d’interlocuteur chez Airbus! », a tonné le DGA pour qui le problème de l’A400M ne concerne pas seulement l’approvisionnement des pièces de l’appareil fournis par les sous-traitants mais aussi (et surtout) le « retard dans le développement des fonctions militaires ».

Qui plus est, alors que l’armée de l’Air devait recevoir 4 avions en 2015, elle devra s’en contenter de seulement 2. Et encore, si tout va bien étant donné que la livraison du second avion devrait avoir lieu à la fin de l’année.

« Nos performances sur l’A400M n’ont pas été à la hauteur de ce que nous aurions voulu et je me dois de présenter nos excuses », avait admis, en janvier, Tom Enders, le patron d’Airbus Group, devant  des responsables politiques et militaires britanniques réunis à Londres. « Il y aura des conséquences en termes de gestion et d’organisation du programme et nous en tirerons les leçons », avait-il ajouté.

Lors de la présentation des résultats du groupe, il a été annoncé une provision supplémetaire de 551 millions d’euros, afin de remettre le programme sur les bons rails. « Le planning des améliorations militaires progressives et des livraisons associées est actuellement en cours de négociation avec les clients, pour refléter la situation du programme et le calendrier des livraisons révisés », a également précisé Airbus Group.

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