L’Inde ne prendra pas de décision sur le contrat Rafale avant la remise d’un rapport technique attendu en mars

Quand on vend du matériel militaire à l’Inde, il faut s’armer de beaucoup de patience. En 2010, New Delhi sélectionna l’avion ravitailleur A330 MRTT d’Airbus à l’issue d’un appel d’offres lancé quatre ans plus tôt… avant de l’annuler en raison du prix jugé trop coûteux de l’appareil. Et cela, contre l’avis de l’Indian Air Force (IAF).

Pour autant, l’affaire n’était pas terminée : en 2013, l’A330 MRTT fut de nouveau sélectionné par l’Inde, toujours aux dépens de l’avion russe IL-78, qui avait été écarté lors du premier appel d’offres… Depuis, Airbus attend la signature du contrat.

Il n’est donc pas toujours facile d’exporter de l’armement en Inde… Même si les États-Unis et les Russes (voire Israël) semblent mieux s’en tirer. Les premiers, d’ailleurs, voient leurs parts de marché progresser sur ce marché depuis quelques années (vente d’avions de transport C-130 Hercules, hélicoptères, etc…).

Aussi, il ne faut guère s’étonner que les négociations exclusives portant sur l’achat de 126 avions Rafale dans le cadre du programme MMRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft) prennent du temps. D’autant plus le contrat est particulièrement compliqué dans la mesure où il faut se mettre d’accord sur les transferts de technologie, le montage industriel (108 appareils seront assemblés en Inde) et les responsabilités diverses.

Qui plus est, étant donné les enjeux financiers, certains concurrents éconduits tentent de revenir par la fenêtre. Les Britanniques ne perdent pas une occasion de signaler aux autorités indiennes que l’Eurofighter Typhoon est toujours là en cas d’échec dans les négociations avec Dassault Aviation. Les Russes en font de même. Il s’agit pour eux de placer des Sukhoï Su-30 MKI supplémentaires et de ne pas compromettre le programme d’avion dit de 5e génération T-50 PAK FA, mené en collaboration avec l’Inde. Enfin, collaboration est sans doute un grand mot… Et là, tous les arguments sont bons.

Mais les arguments russes font mouche chez quelques responsables du ministère indien de la Défense ou de journalistes spécialisés. D’après Patrick de Jacquelot, le correspondant des Échos en Inde, « l’hypothèse d’un recours aux chasseurs russes ne sort pas de nulle part : il y a en Inde dans les milieux de la défense un courant qui défend cette thèse depuis le début. Car les Soukhoï reviendraient nettement moins cher ».

Justement, l’hypothèse d’acquérir plus de SU-30 MKI a été récemment avancée par le ministre indien de la Défense, Manohar Parrikar. Mais dans le cas où les négociations avec Dassault Aviation venaient à échouer… Car le problème principal de l’IAF est le manque d’avions opérationnels : cette dernière ne compte plus qu’une vingtaine d’escadrons alors qu’elle doit en disposer au moins 45. D’où cette sortie du responsable indien, histoire de rappeler que New Delhi pouvait avoir une alternative.

Car, à plusieurs reprises, New Delhi a fait part de sa volonté de voir les discussions sur le Rafale aboutir rapidement. Et comme la France avait besoin, jusqu’à la signature du contrat égyptien, d’exporter cet appareil, il était alors tentant d’exiger toujours plus, comme par exemple l’entière responsabilité de Dassault Aviation pour les 108 avions produits par HAL en Inde. Une clause qui n’est évidemment pas acceptable, chacun devant être responsable de ce qu’il fait et pas de ce que les autres font.

« Ce serait de la folie furieuse pour Dassault de garantir les appareils construits par HAL. la seule façon de progresser sur ce programme est de renoncer à cette idée stupide », a d’ailleurs estimé Richard Aboulafia, consultant au sein du cabinet Teal Group, selon l’agence Reuters.

Alors que le salon Aero India vient d’ouvrir ses portes, le ministre indien de la Défense n’a pas pu échapper à une question sur le contrat Rafale. L’année fiscale indienne commençant le 1er avril, une décision est attendue dans le courant du mois de mars. Et visiblement, on devrait être définitivement fixé (du moins, a priori…).

« Je ne ferai pas de commentaire jusqu’à ce que le Contract Negotiations Committee (CNC) rende son rapport final, qui est attendu d’ici à la fin du mois ou début mars », a en effet affirmé Manohar Parrikar, ce 17 février. « J’ai demandé au CNC d’accélerer l’achèvement de ce rapport pour nous permettre de prendre une décision sur l’acquisition du Rafale. Le CNC est en train de revoir les coûts à long terme ou coûts sur le cycle de vie » de l’avion, a-t-il ajouté.

Cependant, un indice sur les intentions de New Delhi pourrait être donné à l’occasion de la présentation par le ministre des Finances, d’ici la fin février, du budget pour l’année fiscale 2015-2016 : une forte hausse des crédits alloués à l’équipement des forces armées indiennes serait un bon signe pour la commande des Rafale.

Pour sa part, le ministre indien délégué à la Défense, Rao Inderjit Singh, a expliqué que le gouvernement veut « un engagement de leur part (Dassault) sur le transfert de technologies à l’Inde et l’assurance qu’il n’y aura pas de compromis sur la qualité et les caractéristiques » de l’avion.

Quoi qu’il en soit, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est attendu la semaine prochaine en Inde. Sans doute que les négociations concernant le contrat Rafale seront évoquées lors de sa visite.

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