Jebsheim devient la ville marraine du 1er Régiment de chasseurs parachutistes
En janvier 1945, la bataille de Colmar fait rage, dans des conditions météorologiques épouvantables. C’est que l’état-major allemand a mis les moyens pour bloquer l’avancée des forces alliés, américaines et françaises en particulier. Une localité va symboliser l’âpreté des combats : celle de Jebsheim.
Le 26 janvier, le 254e Régiment d’Infanterie de l’US Army (RIUS) fonce sur Jebsheim, qui un des verrous de la poche de Colmar. Là, il se heurte à une forte résistance du 136e régiment de Gerbirgsjäger et à l’artillerie allemande. Il est alors appuyé par des chars du Combat Command 6 (CC6) de la 5e Division blindée (DB) française ainsi que du 1er Régiment de chasseurs parachutistes (RCP), formé au Maroc et qui vient de se relever de lourdes pertes subies lors des combats précédents menés dans les Vosges.
Le chef de corps du 1er RCP de l’époque, le général Jacques Faure, écrit (*) : « Jebsheim est la clé de défense de Colmar et l’Allemand apporte la même âpreté à le défendre que l’Allié à le prendre. La lutte est impitoyable , chaque maison est une redoute, chaque soupirail cache un Panzerfaust. À peine avons-nous pris un îlot qu’un reflux de la vague nous le fait perdre. Pourtant , à la grenade, au poignard, au pistolet mitrailleur, l’avance se poursuit , lente et meurtrière ».
Plus loin, il poursuit : « Les rues sont jonchées de cadavres écrasés par les chars. Les artilleries allemandes et alliées pilonnent sans arrêt les parties du village tenues par l’ennemi. On se fusille d’une maison à l’autre, tandis que les mitrailleuses interdisent les rues et les carrefours par de longues rafales qui balaient les chaussées. Les chars nous apportent une aide efficace en pratiquant dans les maisons des brèches par où s’engouffrent nos groupes d’assaut. Les panzerfaust abandonnés par les Allemands sont immédiatement utilisés par les parachutistes. Des attaques en crochet sont menées par des sections sur les lisières Est du village. Elles permettent de prendre pied dans les maisons dont les défenseurs sont fixés par les attaques frontales des chars. Petit à petit l’ennemi lâche pied. Nous le refoulons dans la partie Sud du village et nous faisons de nombreux prisonniers ».
Mais, le 29 janvier au soir, et malgré une dernière contre-attaque allemande, le village est libéré. « Rien ne donne une idée de ce qu’est alors ce malheureux village de Jebsheim. 500 cadavres allemands en transforment les rues en un véritable charnier. Nous mêmes y avons 300 hommes hors de combat et les Américains au moins autant. Mais nous avons fait 750 prisonniers, et le 254ème R.I.U.S plus de 300. Jebsheim est bien le symbole de la fraternité franco-américaine. Il est aussi le symbole de l’héroïsme dépensé pour enfoncer le front allemand et atteindre la ligne d’où va , maintenant partir l’exploitation décisive », écrira le général de Lattre.
Depuis, les liens entre le 1er RCP et Jebsheim ont toujours été forts. Tous les ans, le régiment envoie un détachement dans cette commune alsacienne à l’occasion de la commémoration des violents combats qui y ont eu lieu.
Mais cette année sera particulière puisque Jebsheim va officiellement devenir la « ville marraine » du 1er RCP à l’occasion des cérémonies commémoratives prévues ce 31 janvier marquant les 70 ans de sa libération.
Il faut dire que, pour le 1er RCP, ces combats de la poche de Colmar prennent une place particulière dans son histoire. Son chef de corps, le colonel Bruno Helluy, dira même, en 2013, qu’elle a « gravé dans l’âme du régiment (…) l’humilité et la foi dans l’avenir » et qu’elle lui a appris « l’abnégation, le courage et le refus de la défaite quelles qu’en soient les conséquences » et que la « victoire était toujours collective, que l’action individuelle, l’héroïsme de certains n’avaient de valeur que par la force du groupe, par la cohésion de la section et l’allant de la compagnie ».
(*) Un hiver en Alsace
Photo : Jebhseim en 1945 (c) 1er RCP