2015, une année pleine de défis

D’ici quelques heures, la page « 2014 » sera tournée. C’est le moment de faire le bilan des douze mois passés, qui, et c’est moins que l’on puisse dire, ont été riches en événements et de tracer quelques perspectives pour l’avenir. Ce n’est pas la peine d’avoir une boule de cristal pour avoir une idée de ce qui nous attend en 2015, étant donné que les crises qui ont éclaté cette année (voire même bien avant) sont encore loin d’être réglées.

1- L’heure de vérité pour l’Afghanistan

Le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) est désormais terminé. Une autre mission de l’Otan, appelée Resolute Support, et une nouvelle opération américaine (Freedom’s Sentinel, qui remplace « Enduring Freedom ») vont donc prendre le relai, avec des effectifs bien moindre qu’auparavant, l’objectif étant de continuer à apporter un appui aux forces de sécurité afghanes, voire à ponctuellement du contre-terrorisme.

Dans le même temps, les taliban n’ont aucunement renoncé à leur combat. Mais il est peu probable de les voir prendre le pouvoir à Kaboul dans l’immédiat étant donné que les forces afghanes tiennent encore les principaux centres urbains et leurs environs. Mais ces dernières ont des faiblesses… Et il est toujours plus facile de détruire que de construire un État. Faut-il être optimiste ou pessimiste? Sans doute que 2015 apportera quelques éléments de réponse. En attendant, al-Qaïda paraît bien affaiblie dans cette partie du monde. Ce qui ne veut pas dire que son idéologie soit en perte de vitesse. Bien au contraire.

2- La menace de l’État islamiste en Irak, en Syrie et ailleurs

Depuis bientôt 4 ans, la guerre civile en Syrie n’en finit pas de déstabiliser l’ensemble de la région. Avec tous les risques que cela suppose… Ainsi, l’année 2013 s’était terminée avec la prise de Falloujah par les jihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (ISIS). Six mois plus tard, cette organisation, rebaptisée « État islamique », a pris le contrôle de Mossoul et a proclamé un « califat » sur un territoire à cheval entre la Syrie et l’Irak. Elle est concurrencée par la branche syrienne d’al-Qaïda, le front al-Nosra, qui menace l’intégrité du Liban.

Comment les choses vont évoluer en 2015? Pour le moment, la progression de l’EI est stoppée, grâce en partie à la coalition internationale emmenée par les États-Unis et à laquelle la France participe (opération Chammal). Mais l’adversaire est coriace et la plus grande erreur à faire serait de le sous-estimer. En outre, plusieurs organisations jihadistes lui ont prêté allégeance, comme en Algérie, en Egypte ou encore en Libye.

3- La situation préoccupante de la Libye

Deux gouvernements, deux Parlements. Des affrontements quotidiens entre forces loyalistes, proches des milieux libéraux, et milices islamistes. Une prolifération de groupes jihadistes dans l’est. Une bataille pour s’assurer du contrôle des installations pétrolières. Une base arrière pour les organisations terroristes actives dans la bande sahélo-saharienne… Pour utiliser une expression triviale, la Libye est devenue un « pot de pue ». Et la situation n’est pas prête de s’arranger si rien n’est fait, justement, pour y mettre bon ordre. Et pourtant, il faudra bien s’y résoudre : l’Égypte (qui a déjà à faire au Sinaï), la Tunisie et le Sahel sont aux premières loges. Et le risque est de voir, comme l’a affirmé Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, des connexions entre ce petit monde et l’État islamique.

4- Mali : remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier

L’opération Serval a été un indéniable succès : en quelques semaines, les groupes jihadistes qui contrôlaient le nord du Mali en ont été chassés et leurs sanctuaires ont été détruits. Une mission des Nations unies, la MINUSMA, a été mise en place. Seulement, les groupes armés terroristes (GAT) profitent du moindre espace qui leur est laissé pour revenir… Les forces françaises, dont les effectifs ont été réduits au Mali, saisissent régulièrement des quantités importantes d’armes, de munitions et de matériels tandis que les casques bleus doivent faire face à la menace d’attaques : au moins 24 y ont perdu la vie en 2014.

En outre, la situation dans le nord du Mali est suspendue à un accord politique entre Bamako et les groupes indépendantistes (MNLA, notamment). Accord qui peine à arriver…

Quoi qu’il en soit, il est à craindre, pour certains pays, comme le Niger par exemple, qu’il y ait des connexions entre le groupe jihadiste sahélien al-Mourabitoune et la secte Boko Haram, active dans le nord du Nigéria

5- La menace Boko Haram

En mai 2013, l’état d’urgence a été prononcé pour les provinces du nord du Nigéria, en proie aux attaques de Boko Haram. Seulement, l’armée nigériane n’est jamais parvenue à mettre en échec ce groupe jihadiste, qui a multiplié les exactions et les meutres de masse en 2014. Ayant proclamé un « califat » sur les territoires passés sous son contrôle, il étend maintenant ses opérations dans le nord du Cameroun et déstabilise le Niger avec l’afflux de réfugiés qu’il provoque.

La France a proposé ses services au pays de la commission du Lac Tchad afin de coordonner les efforts militaires dans la région contre Boko Haram. Cela sera-t-il suffisant pour réduire ce groupe jihadiste?

6- Des jihadistes somaliens sur la défensive mais toujours dangereux

En 2014, l’AMISOM, la force de l’Union africaine déployée en Somalie, a poursuivi ses actions contre les shebab somaliens, liés à al-Qaïda. Et avec succès puisque leurs derniers bastions ont fini par tomber. En outre, ces derniers ont perdu leur chef, Ahmed Abdi Godane, tué par une frappe américaine.

Malgré ces lourds revers, les shebabs restent dangereux dans la mesure où ils continuent à lancer des attaques au Kenya voisin et même à Mogadiscio, où, selon toute vraisemblance, ils disposent encore de « relais » au sein des institutions somaliennes.

Cela étant, la situation sécuritaire de la Somalie s’améliore. Le problème de la piraterie maritime, par exemple, ayant été en grande partie jugulé.

7-La piraterie dans le golfe de Guinée progresse

Si les pirates somaliens sont désormais moins actifs, en raison notamment de la présence de forces navales internationales dans l’océan Indien, leurs homologues d’Afrique de l’Ouest ont pris la suite. « Dans le golfe de Guinée, la recrudescence de la piraterie a atteint une dimension inquiétante », a récemment admis le président nigérian Goodluck Jonathan. Selon le Bureau Maritime International (BMI), 33 attaques ont été constatées sur les 9 premiers mois de 2014. Souvent très violentes, elles concernent en particulier les pétroliers. En outre, les marines ouest-africaines doivent faire face à un autre problème : le pillage de leurs ressources halieutiques par des pêcheurs souvent venus de Chine.

8- Toujours en Afrique de l’Ouest, la progression du virus Ebola continue

Apparue en mars 2014, l’épidémie causée par le virus Ebola a fait, au 24 décembre, 7.708 morts sur un total de 19.729 cas, principalement en Sierra Leone, au Liberia et en Guinée. Pour ces pays, les conséquences sont lourdes, avec une activité économique qui tourne au ralenti. Les États-Unis et le Royaume-Uni (de même que la France, mais à un niveau d’engagement moindre) ont déployé des moyens militaires pour combattre ce fléau.

9- Des différends territoriaux qui persistent dans la région Asie-Pacifique

Les contestations territoriales ne manquent pas dans la région Asie-Pacifique. Que l’on songe au Cachemire (Inde et Pakistan), aux confins de l’Himalaya (Chine et Inde), aux archipels Spratleys et Paracel (Chine, Vietnam, Philippine, Malaisie) ou encore aux îles Senkaku (Japon, Chine, Taïwan), etc. À force de provocations, le risque est d’en voir une dégénérer… Et nul ne sait ce qu’il arrivera par la suite…

10- Ukraine : est-ce parti pour durer?

L’année 2014 aura été marqué par la réapparition de la menace dite de la force en Europe, avec l’annexion de la Crimée par la Russie et le conflit dans l’est de l’Ukraine. « La crise ukrainienne est venue nous rappeler que l’emploi de la force armée, et pas seulement sa menace d’emploi, peut devenir à tout moment une réalité. Cette situation touche aujourd’hui un pays frontalier de l’Union européenne et de l’Otan. Ce ‘retour’ à une réalité que d’aucuns pensaient révolue doit nous conduire, nous Français, mais aussi nous Européens, à actualiser notre approche des questions de sécurité en Europe », a estimé M. Le Drian, en novembre dernier.

Depuis, les pays voisins de la Russie ne cachent pas leurs inquiétudes de subir le même sort que l’Ukraine et des « incidents » entre les forces russes et celles de l’Otan sont régulièrement signalés. Jusqu’à présent, ils n’ont pas eu de conséquences irrémédiables. Mais quand on joue avec des allumettes, on prend toujours le risques de se brûler.

Voilà 10 points qui seront à suivre en 2015. Et il y en a d’autres, la liste n’étant pas exhaustive. Que l’on songe à la Centrafrique et à l’opération Sangaris (qui devait être courte mais qui dure encore), à la Corée du Nord, qui pourrait procéder à un nouvel essai nucléaire, au risque d’une cyber-attaque de grande ampleur, au dossier du nucléaire iranien, au conflit israélo-palestinien, à la menace d’une nouvelle guerre entre Israël et le Hezbollah, à la situation au Yémen, pays déchiré par une rébellion chiite et l’activisme d’al-Qaïda dans la péninsule arabique, aux violences persistances en République démocratique du Congo et au Sud-Soudan… Et encore, on n’est pas à l’abri d’une autre « surprise stratégique »…

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