Les préoccupations du Conseil supérieur de la fonction militaire… et les réponses du ministre

La 92e session du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), qui permet aux militaires d’exprimer au ministre leurs préoccupations et les questions relatives à leur statut, a pris fin le 12 décembre dernier.

Condition du personnel, infrastructures, avenir du fonds de prévoyance militaire, civilianisation du ministère de la Défense, soldes, restructurations, syndicats dans les armées… Le menu était donc copieux… Comme il l’est à chaque session… Et les plats sont souvent les mêmes. D’ailleurs, le Conseil n’a pas manqué de le souligner puisqu’il a « fait part de sa lassitude face aux difficultés persistantes qu’il constate sur les sujets de préoccupations déjà abordés lors des précédentes sessions ».

Pour commencer, le CSFM a exprimé son inquiétude au sujet de l’avenir des Fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique, alimentés par des cotisations obligatoires prélevées sur la rémunération des personnels concernés. Selon lui, il y aurait un risque de « spoliation » par Bercy de ces fonds (852 M€ dont 795 M€ de réserves financières), lesquels sont actuellement géré par l’Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique (EPFP).

Au sujet de préoccupation : la « civilianisation croissante » et « ses incidences sur les parcours professionnels des militaires et sur la place de ces derniers au sein du ministère ». Si une inquiétude a été exprimée sur ce sujet, c’est qu’il y a forcément un problème. Pour rappel, la dernière Loi de programmation militaire 2014-2019 a pour objectif de rééquiliber le ratio militaires/civils, notamment dans les activités de soutiens, celles-là même où les suppressions de postes sont les plus nombreuses, étant donné que l’opérationnel doit être préservé au maximum…

Une autre explication de cette inquiétude a sans doute été donné en octobre 2013 par le général Ract-Madoux, l’ancien chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT). « J’observe que le titre 2 du BOP ‘Terre’ a diminué de 10 % entre 2010 et 2012. S’agissant du ‘dépyramidage’, je constate que, au sein du ministère, entre 2008 et 2013, le nombre d’officiers a diminué de l’ordre de 5%, tandis que celui du personnel civil de catégorie A a augmenté d’environ 25% », avait-il affirmé.

S’agissant des soldes, le CSFM a fait part de son impatience sur la revalorisation de la grille indiciaire, notamment sur la finalisation du NES B (nouvel espace statutaire) et la mise en application du NES C. Et, bien évidemment, le système de paiement des salaires Louvois a une nouvelle fois été pointé du doigt à cause de ses dysfonctionnements récurrents.

Par ailleurs, le Conseil a critiqué la méthode utilisée pour annoncer les restructurations à venir. Faites au dernier moment, elles ne sont pas sans poser de problèmes aux militaires ainsi qu’à leurs familles quand il s’agit de déménager. Le chef d’état-major des armées (CEMA), le général de Villiers, a également demandé que les annonces de dissolution d’unités se fassent plus tôt afin d’avoir une meilleure visibilité.

Enfin, le CSFM a souligné l’incertitude créée par les deux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme susceptibles d’aboutir à des syndicats au sein des armées.

Face à l’expression de ces inquiétudes, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a beaucoup relativisé. Les conditions de vie? Un plan d’urgence pour les bases de défense a été lancé en 2013 (30 millions d’euros), de même qu’un « plan d’urgence infrastructures de vie » (il fait partie de la loi de finances pour 2015).

S’agissant Fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique, M. Le Drian s’est voulu rassurant en annonçant avoir obtenu la garantie du Premier ministre, Manuel Valls, un « arbitrage favorable sur le texte du décret renforçant la présence du CSFM au sein de l’EPFP », ce qui, selon lui, « écarte de facto la captation des fonds par Bercy ».

Sur la question de la civilianisation, le ministre s’est dit « supris » par la préoccupation « infondée » exprimée par le CSFM, qu’il considère comme une « incompréhension ». En 2006, le ratio militaires/civils était de 75/25. Actuellement, il est de 78/22… En 2008, indique le communiqué de la 92e session, les militaires occupaient 2% des postes fonctionnels, contre 32% aujourd’hui. « La politique RH [ndlr, ressources humaines] comme annoncée dans le Livre blanc, vise à rééquilibrer cette situation dans l’intérêt du service, de l’optimisation des compétences et de la préservation du statut militaire », a-t-il été expliqué. Pas sûr que cela soit convaincant…

Quant aux annonces des restructurations à venir, le ministre a réaffirmé le « besoin d’une approche pragmatique du sujet » qui nécessite « en amont une analyse fonctionnelle, laquelle ménera à des choix éclairés » en la matière qui « feront l’objet d’une communication à destination de la communauté militaire ».

Enfin, concernant les deux arrêts de la CEDH, M. Le Drian a répété son refus de toute syndicalisation des armées et mis en avant le fait qu’il existe un consensus pour « préserver le principe de concertation existant, le rendre plus robuste et créer et encadrer un droit d’association ». Les Conseils de la fonction militaire (CFM) et le CSFM devraient être saisis de cette question lors d’une session extraordinaire avant le printemps 2015.

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