Les groupes jihadistes ont fait plus de 5.000 victimes en novembre

Le 17 décembre 2010, un jeune tunisien s’immolait devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid. Ce que l’on allait appeler le printemps arabe allait commencer. Après la Tunisie, l’Égypte fut frappée à son tour par une vague de révoltes. Puis la Libye, le Yémen, Bahreïn et, bien évidemment la Syrie.

À l’époque, certains estimèrent que ce mouvement, qui cherchait à se défaire de l’emprise de pouvoir autoritaires, signait la fin d’al-Qaïda. Et la mort de Ben Laden, tué lors d’une opération américaine au Pakistan, ne pouvait que les conforter dans leur analyse.

D’autres, en revanche, furent beaucoup plus prudents. Et, visiblement, ils ont eu raison. Quatre an après le printemps arabe, qu’en reste-t-il? La Syrie est toujours à feu et à sang, avec une partie de son territoire contrôlée par l’État islamique (EI ou Daesh), l’Égypte a effacé l’épisode Morsi (et celui des Frères musulmans) et Hosni Moubarak, hier honni, a été « blanchi » par la justice, la Tunisie doit composer avec un parti islamiste important et connaît  une agitation jihadiste dans le sud (ndlr, au mont Chaambi). Quant à la Libye, elle est devenu un champ de bataille entre libéraux et islamistes, avec une présence de groupes terroristes et d’extrémistes dans le sud et dans l’est.

D’une certaine manière, il est vrai qu’al-Qaïda a perdu du terrain. Mais pas son idéologie. L’organisation fondée par Ben Laden « a contribué à la croissance du jihadisme. Elle l’incarne désormais, symboliquement, tandis que la réalité de la menace est portée par près d’une dizaine de mouvements majeurs imaginatifs, patients, résolus, tirant profit des hésitations ou des incohérences de leurs adversaires, auxquels aucune réponse politique, à supposer qu’il en existe une, n’est apportée », estimait Yves Trottignon, analyste de Rick&Co, dans une note publiée par Centre de doctrine et d’emploi des forces (CDEF).

Ce constat avait été aussi fait par des responsables militaires américains. « Les félicitations qui avaient été échangées il y a deux ans à la suite de l’annonce de la mort d’al-Qaïda étaient prématurées et sont aujourd’hui discréditées. (…) Al-Qaïda est résiliente, elle s’adapte. Ses dirigeants ont été frappés très dur mais le mouvement est toujours en expansion. Il profite d’un nombre croissant de sanctuaires », avait affirmé, l’an passé, le général James Mattis, ancien chef du commandement militaire pour l’Asie centrale et le Moyen Orient.

Et pour le Centre de recherche sur la radicalisation (ICSR) du King’s College de Londres, le bilan des victimes des groupes jihadistes confirment ces estimations. « Tout le monde pensait que le printemps arabe allait aboutir à la liberté et la démocratie. Or nous avons un mouvement djihadiste dans des parties du monde où nous n’aurions jamais imaginé qu’il apparaîtrait

« Tout le monde pensait que le printemps arabe allait aboutir à la liberté et la démocratie. Or nous avons un mouvement jihadiste dans des parties du monde où nous n’aurions jamais imaginé qu’il apparaîtrait », a déclaré Peter Neuman, un chercheur de l’ISCR, qui vient de rendre une étude sur l’activité des groupes terroristes pour le mois de novembre [.pdf]. Et pour lui, il est même « raisonnable de dire que ce mouvement jihadiste est plus fort qu’il n’a jamais été ».

Au total, donc, rien que pour le mois de novembre, les groupes jihadistes ont tué 5.042 personnes lors de 664 attaques, selon cette étude de l’ISCR. Sans surprise, au regard de la sitation en Syrie et en Irak, l’EI est impliqué dans 44% de ces attentats qui ont fait 2.206 tués. Ce taux monte à 54% si l’on inclut les mouvements qui ont fait allégeance à Daesh (notamment dans la Cyrénaïque, en Libye)

Le second groupe le plus meurtrier est Boko Haram. La secte jihadiste nigériane, qui menace l’extrême-nord du Cameroun et déstabilise le sud du Niger par le flux de réfugiés que ses actions provoquent, est responsable de la mort de 801 personnes au cours de 30 attaques.

Le mouvement taleb et ses associés (réseau Haqqani notamment) sont à l’origine de 152 attaques en Afghanistan et de la mort de 782 personnes. Au Pakistan, les différents groupes jihadistes actifs (TTP, c’est à dire les taliban pakistanais, le Lashkar-e-Taïba, Jamaat ul Ahrar, Jundallah…) ont fait 212 tués en perpétrant 35 attentats.

Enfin, 11% des attaques ont été commises par al-Qaïda et ses satellites, comme au Yémen (AQPA), avec 410 tués, en Syrie et au Liban, avec le Front al-Nosra (257 tués) ou encore les shebab somaliens, qui lui ont prêté allégeance (266 tués dont 50 au Kénya). À noter que le rapport en question ne mentionne pas al-Qaïda au Maghreb islamiqe (AQMI) et Ansar Dine, mis sous pression dans la bande sahélo-saharienne (BSS) par les forces françaises de l’opération Barkhane. Seul le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) a été cité pour une action commise au Niger (un militaire nigérien tué).

Les principales victimes sont les civils (51% des tués), notamment au Nigéria, en Irak et en Syrie. En revanche, en Afghanistan, en Syrie, en Somalie et en Libye, ce sont les forces de sécurité qui sont principalement visées.

Le rapport de l’ISCR estime que la mouvance jihadistes est à la fois plus ambitieuse, complexe et sophistiquée tout en étant d’une grande ampleur. Quant aux tactiques utilisées par les terroristes, elles sont variées, allant du terrorisme classique à la planification d’opérations plus ou moins classiques. Le document indique ainsi que le nombre d’attentats a été dépassé par celui des embuscades et des bombardements, ce qui « reflète l’importance accrue donnée au contrôle d’un territoire et à l’affrontement avec les forces conventionnelles ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]