Quand les propos d’un colonel « sidèrent » un syndicat de policiers

Le colonel Michel Goya, chef du bureau recherche au centre de doctrine et d’emploi des forces de l’armée de Terre, n’a pas l’habitude de se cacher derrière son petit doigt quand il a des choses à dire. Il suffit de lire son blog (La Voie de l’Épée) ou ses livres pour s’en convaincre. Aussi, son audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, pour évoquer les conséquences des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs à la liberté d’association des militaires, n’a pas déçu.

Et elle n’a tellement pas déçu que certains députés en ont même toussé (le compte-rendu officiel parle de « murmure ». Ainsi, insistant sur le problème « conjoncturel majeur » que risque de poser « l’introduction éventuelle de syndicats » au sein des armées, le colonel Goya a mis en avant le fait que les « exigences opérationnelles sont déjà en réalité mises à mal depuis un certain nombre d’années, et plus particulièrement depuis 2008, qui peut apparaître désormais comme une sorte de ‘mai 1940’ administratif ».

Et d’ajouter : « Depuis cette date, la rationalisation des coûts au sein des armées françaises s’est faite au prix d’une profonde désorganisation. Avec des monstres comme les bases de défense et des réductions d’effectifs plus importantes que celles réalisées par le Viet Minh et le FLN réunis, notre structure s’est rendue vulnérable à des catastrophes internes, comme celle du logiciel Louvois, mais peut-être aussi bientôt opérationnelles ».

La conclusion du colonel Goya, qui va prochainement quitter l’uniforme, a suscité d’autres murmures, notamment quand il évoqué ce qu’il « peut y avoir de choquant pour les défenseurs de la France de constater que celle-ci ne semble pas plus maîtriser le fonctionnement de son armée que celui de son économie et ses finances ». Au moins, ça, c’est dit!

Mais s’agissant plus particulièrement de la syndicalisation des militaires, à laquelle il n’est pas favorable pour une multitudes de bonnes raisons, le colonel Goya a fait un parallèle avec les policiers. Et cela n’a pas plu au syndicat Alliance, qui vient de remporter les dernières élections professionnelles.

Pourtant, le colonel Goya n’a fait que rapporter ce qu’il vu et vécu. En clair, c’est un témoignage. « Dans un monde certes différent du monde du combat, qui est celui de la sécurité intérieure, la comparaison entre la police et la gendarmerie est édifiante. On estime généralement qu’il faut un policier et demi, voire deux policiers, pour accomplir le travail d’un gendarme. Pour une efficacité équivalente, la syndicalisation induit un coût supplémentaire », a-t-il commencé par affirmer.

« Ces différences de coût sont essentiellement le fait de différences de traitement qui sont source de frustrations entre proches. Quand on a vu comme moi, pendant les événements en Nouvelle-Calédonie dans les années 1980, des gendarmes mobiles loger sous des tentes à côté de l’hôtel où résidaient les compagnies républicaines de sécurité (CRS) qui remplissaient les mêmes tâches qu’eux, on peut le concevoir. Et il n’est pas étonnant que les militaires se comparent ensuite aux gendarmes, proches par le statut sinon par la fonction », a raconté le colonel Goya.

Pour lui, la « présence de syndicats est souvent synonyme de contraintes supplémentaires, destinées à améliorer les conditions de vie mais bien souvent au détriment de l’efficacité opérationnelle ». Et pour illustrer son propos, le colonel Goya a raconté une nuit passée dans un commissariat, à l’invitation d’un « ami commissaire. « J’avoue avoir été sidéré lorsque j’ai constaté que tous les policiers s’arrêtaient de patrouiller entre une heure à deux heures du matin pour respecter la ‘pause syndicale’. C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’un tel mode de fonctionnement était incompatible avec les exigences que j’ai connues en opérations », a-t-il dit.

Sauf que le syndicat Alliance est aussi sidéré… Mais par les propos du colonel Goya. Dans un communiqué, il parle de « tissu d’inepties » et se « se demande enfin quelle légitimité avait ce colonel de l’armée de terre pour parler devant l’assemblée nationale de sujets que manifestement il ne maitrise absolument pas ». Cachez ce sein que je ne saurais voir », disait Tartuffe… Au passage, cette organisation syndicale aurait mieux fait de consulter les états de service de cet officier, avant de sous-entendre qu’il n’a pas mis « les pieds sous une tente aux côtés de ses hommes » au cours de sa carrière. Sarajevo est loin, il est vrai…

Mieux encore, Alliance, qui n’a manifestement pas compris les contraintes militaires (Vigny parlait de grandeurs et de servitudes), demande au ministre de l’Intérieur de « de réagir fermement et publiquement devant ces propos insultants, dégradants voire outrageants envers la Police Nationale ». Le député UMP Christophe Guilloteau fait aussi parti du lot, lui qui a estimé que « Si on veut faire de la politique, avoir un uniforme et faire la grève, on va à la Poste ou à la SNCF ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]