Le chef des opérations spéciales de l’US Navy lance un avertissement aux bavards

Qu’un militaire ayant participé à un conflit armé publie un livre pour raconter ce qu’il a vécu quelques années plus tôt, et après avoir quitté l’uniforme, n’est pas nouveau. Par le passé, Pierre Clostermann, le général Bigeard et bien d’autres se livrèrent à cet exercice…

D’autres, qui ont pris part à des opérations récentes, en ont fait tout autant. Et cela de manière remarquable, comme le capitaine Brice Erbland et le lieutenant-colonel Marc Scheffler, pour ne citer qu’eux. Généralement, avant de publier leur témoignage, ils ont reçu l’aval de leur hiérarchie. Et quand on suit l’actualité militaire de près, et en particulier les engagements de l’armée française, l’on ne peut être qu’être très intéréssé par ce genre de récits.

De plus en plus, le temps entre le déroulement d’une intervention et les témoignages de quelques un de ses acteurs se raccourcit. Et si, en plus, une opération – qui plus est spéciale ou clandestine – a reçu un énorme écho médiatique comme celle qui a conduit à l’élimination d’Oussama Ben Laden, en mai 2011, à Abbottabad, au Pakistan, les premiers récits sortent alors que les moteurs des hélicoptères sont à peine refroidis. Et là, ça peut poser problème.

Ce n’est pas la presse qui est en cause : elle fait son travail en cherchant à connaître les dessous d’une opération. En revanche, quand les membres d’un commando, en l’occurrence ceux du Navy Seal Team 6, celui qui fut engagé dans le raid contre Ben Laden, devancent eux-mêmes les souhaits des journalistes et des cinéastes sans la moindre autorisation de leurs supérieurs, c’est autre chose. Et, depuis 2011, l’on assiste à une compétition, outre-Atlantique, entre ceux qui donneront le plus de détails, quitte à tirer la couverture à soi.

« No Easy Day », le film « Zero Dark Thirty », témoignage dans les colonnes d’Esquire, informations sur les modes opératoires dévoilés à Electronic Arts pour un jeu vidéo… Ceux qui ont pris part à l’opération « Geronimo » ne cessent de parler, avec, pour certains, l’idée d’en tirer profit.

En 2013, le magazine Mother Jones avait compté 6 versions du raid d’Abbottabad, avec des différences minimes mais toujours avec les mêmes « acteurs ». Aussi, il est désormais assez facile de reconstituer le fil des événements et d’avoir une idée précise des capacités et des façons d’opérer des Navy Seal.

Mais pour le contre-amiral Brian Losey, le patron du commandement des opérations spéciales de la marine américaine, trop, c’est trop. Car le grand déballage n’est pas terminé : Fox News a ainsi promis de diffuser un documentaire dans lequel le nom de celui qui a tué Ben Laden sera dévoilé et l’auteur du best-seller  « No Easy Day », Matt Bissonnette, actuellement en procès avec le Pentagone, a annoncé la sortie d’un autre livre, intitulé « No Hero: The Evolution of a Navy Seal ».

Dans un lettre évoquée par l’AFP, l’officier rappelle qu’une « disposition essentielle de notre Code de conduite est ‘je ne rends pas publique la nature de mon activité, et je ne cherche pas à obtenir de la reconnaissance pour mes actions ».

« Nous ne tolérons pas le non-respect délibéré ou égoïste de nos valeurs fondamentales en échange de la notoriété ou du gain financier », écrit le contre-amiral Losey, qui souligne par ailleurs que « l’exigence d’anonymat et de confidentialité est un engagement et une obligation pour la vie ».

Aussi, le contre-amiral Losey menace de « conséquences judiciaires » les Navy Seals qui « violeraient délibérément la loi » en révélant des informations sensibles.

S’agissant de la diffusion du documentaire de Fox News, prévue les 11 et 12 novembre, le Pentagone a indiqué ne pas être en mesure d’affirmer si le commando qui en fera l’objet est bel et bien celui qui a abattu Ben Laden. Mais quoi qu’il en soit, il a précisé que ce dernier est toujours tenu par son engagement de confidentialité, même s’il est revenu à la vie civile, et « particulièrement dans un entretien diffusé nationalement ».

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