Comment les gendarmes ripostent-ils face à des manifestants violents

moblot-20141029Dans la nuit du 25 au 26 octobre, à l’issue d’affrontements violents avec des gendarmes mobiles, le corps sans vie de Rémi Fraisse, 21 ans, a été découvert aux abords du chantier contesté du barrage de Sivens (Tarn).

Le lendemain, le procureur de la République d’Albi, Claude Dérens, a précisé que « la plaie importante située en haut du dos de Rémi Fraisse a été causée, selon toute vraisemblance, par une explosion ». Et d’ajouter : « La déflagration a été forte puisque le jeune homme a été projeté au sol de façon violente » et « selon le médecin légiste, la mort a été instantanée ».

Et, le 28 octobre, le procureur a affirmé que les enquêteurs avaient trouvé des « traces de TNT » sur les vêtements de cet étudiant,  ce qui « oriente donc l’enquête, puisque la mise en oeuvre d’un explosif militaire de type ‘grenade offensive’ semble acquise au dossier ». Le magistrat a en outre souligné que « le TNT figure dans la composition des charges des grenades lacrymogènes ou offensives utilisées par les gendarmes ».

Dans le même temps, la mort de Rémi Fraisse a donné lieu à plusieurs commentaires. D’abord, sa famille a annoncé son intention de porter plainte pour « homicide volontair par une ou plusieurs personnes dépositaires de l’autorité publique ». Des camarades du jeune homme ont manifesté en brandissant des pancartes sur lesquelles il était écrit « Rémi, ni oubli, ni pardon, État assassin ».

Au niveau politique, Cécile Duflot, ancien ministre écologiste du Logement au sein du gouvernement Ayrault, a parlé de « bavure ». Et de s’interroger : « Pourquoi y-a-t-il eu des forces de l’ordre qui se sont installées sur la zone, dans la nuit de samedi à dimanche, alors même qu’il n’y avait pas de motif légitime d’intervention sur ce site? ». Pour elle, « il faut une totale transparence sur les causes du décès de ce jeune homme et sur les méthodes d’intervention qui ont conduit à ce drame ». Pour son collègue Noël Mamère, qui parle d’affaire d’État, il n’est pas admissible que « armes de guerre soient utilisées contre des manifestants. C’est une régression terrible. Et c’est encore plus terrible lorsque cela vient d’un gouvernement de gauche ».

Le défenseur des droits, Jacques Toubon, a fait savoir qu’il va se saisir de cette affaire. « Le défenseur des droits exerce un contrôle sur les forces de police et de gendarmerie. Dans ce genre de drame (…) soit il est saisi par une personne concernée, comme la famille d’une victime, soit il peut se saisir d’office. Ce soir, j’ai décidé de le faire », a-t-il expliqué. Et l’on passe sur les appels à la démission de Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur.

Toutes ces déclarations omettent toutefois de préciser le contexte dans lequel les gendarmes ou les CRS sont amenés à intervenir. Comme pour l’affaire de l’aéroport de Notre Dame des Landes, les forces de l’ordre doivent faire face à des individus particulièrement violents. En témoigne le nombre de blessés dans leurs rangs.

Pour le cas de Sivens, la gendarmerie a précisé que, depuis le 1er septembre, 56 policiers et gendarmes ont été blessés. Ces derniers sont aux prises avec des individus masqués et casqués qui ont manifestement l’envie d’en découdre et de, passez l’expression, de « casser du flic ou du bleu ».

Lors de la nuit au cours de laquelle Rémi Fraisse a trouvé la mort, 70 gendarmes mobiles, qualifiés, par, des esprits peu éclairés, de « mercenaires », avaient la mission de protéger l’aire de stockage des engins de chantier. Retranchés dans une redoute, ils ont été « attaqués en règle par le groupe de manifestants violents, approximativement une centaine, qui jetaient des cocktails Molotov, des engins pyrotechniques et des pierres sur le grillage et à l’intérieur, depuis l’extérieur ». Le ministère de l’Intérieur a parlé d’un « groupe extrémiste » de « 200 personnes environs ».

Maintenant, les moblots [ndlr, gendarmes mobiles] ont-ils utilisé des « armes de guerre », comme le prétend, sans trop savoir de quoi parle, Noël Mamère? Pour le maintien de l’ordre, les gendarmes disposent de trois types de grenade : lacrymogène, lacrymogène à effet immédiat et offensive (OF). Cette dernière ne porte pas bien son nom – d’où la confusion dans les esprits – et elle n’a rien à voir avec un engin de guerre, fait pour tuer. Ce type de munitions, en explosant, provoque un effet assourdissant afin de calmer les manifestants trop agressifs. Elles peuvent toutefois blesser si on la ramasse une fois qu’elle est tombée, dans la mesure où elle risque d’exploser dans les mains.

Maintenant, ces grenades offensives ne peuvent être utilisées que dans deux cas (et donc, jamais par hasard) : soit lors de violences fortes contre les gendarmes, soit pour garder le terrain que ces derniers défendent quand ils n’ont pas d’autres solutions. La décision d’employer ces munitions revient au chef du détachement. Et elles sont toujours lancées à la main.

Par ailleurs, les gendarmes mobiles doivent riposter de manière graduée et proportionnelle. Ilse se défendent en fonction de la violence de l’attaque dont ils sont la cible. En outre, ils effectuent toujours des sommations avant d’utiliser des grenades offensive (ou tout autre moyen). En clair, ils n’ont jamais recours à la force sans avoir prévenu, de façon répétée, les manifestants.

Maintenant, que s’est-il passé dans le cas de Rémi Fraisse? Pour le moment, faire des commentaires ou en faire une exploitation politique est quelque peu hasardeux, pour ne pas dire autre chose. Seule l’enquête le dira.

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