Pourquoi les Rafale ne frappent-ils pas plus souvent en Irak?

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Le 19 octobre, deux avions Rafale ont détruit deux véhicules jihadistes dans la région de Tikrit, au cours d’un vol de reconnaissance armée. Il s’est agi de la troisième frappe aérienne française depuis le lancement de l’opération Chammal, nom donné à la participation française à la coalition anti-État islamique (EI ou Daesh) emmenée par les États-Unis.

Trois raids en un mois… alors que l’aviation américaine, par exemple, a tapé beaucoup plus fort depuis qu’elle a commencé ses opérations dans le nord de l’Irak, le 8 août dernier.

Lors de son audition par les députés de la commission de la Défense, menée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2015 et avant la dernière frappe française, le général Denis Mercier, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), en a donné les raisons.

« Nous sommes là-bas pour pouvoir assurer, au sein d’une coalition, la liberté de mouvement, sur leurs espaces terrestres, des forces irakiennes qui se reconstruisent et essaient de s’entraîner pour repartir à l’attaque et garantir la souveraineté de l’État [irakien] », a ainsi expliqué le CEMAA.

« Le fait d’avoir en permanence, sur un grand pays comme l’Irak, un ou plusieurs appareils capables de détecter et de frapper des troupes de Daech a un effet militaire plus important que l’attaque d’un pick-up. Il est nécessaire pour cela de multiplier le nombre d’appareils et d’assurer une présence jour et nuit », a encore expliqué le général Mercier.

Pour rappel, le dispositif militaire français, basé à al-Dhafra, aux Émirats arabes unis, compte 9 Rafale fournis par les escadrons 3/30 Lorraine, 2/30 Normandie-Niémen et 1/7 Provence, un avion ravitailleur C-135 FR et un appareil de patrouille maritime Atlantique 2. En outre, il est complété par la frégate anti-aérienne Jean Bart dont la mission est de contribuer au « contrôle aérien de l’ensemble des moyens présents sur zone » (cela vaut-il pour les avions de la coalition qui vont frapper l’EI en Syrie?).

Interrogé sur l’opération Chammal par le député Gwendal Rouillard, le général Mercier est allé encore plus loin dans ses explications. « En Irak, nous menons 2 types de mission au sein de la coalition (…). D’une part, nous poursuivons des missions de reconnaissance, (intelligence, surveillance, reconnaissance ou ISR), car les Américains ont d’emblée accepté que nous ayons notre propre appréciation de la situation pour ensuite la partager avec eux. D’autre part, nous effectuons des missions d’appui-feu rapproché – Close Air Support – mais avec la contrainte d’éviter tout dommage collatéral lorsque des troupes de Daech sont détectées », a-t-il avancé.

Ensuite, a poursuivi le CEMAA, « l’information est plus souvent fournie par des Irakiens, qui préviennent ensuite des centres d’opération, lesquels entrent en contact avec le centre de commandement des opérations aériennes basé à Al Udeid au Qatar. Là, des officiers français ayant accès à tous les drones américains s’assurent que les mouvements détectés sont bien hostiles et qu’ils se situent dans un rayon où les dommages collatéraux peuvent être évités ».

Le risque de dommages collatéraux explique en grande partie les raisons pour lesquelles les avions français – comme d’ailleurs ceux des autres pays de la coalition dont le mandat ne concerne que l’Irak – effectuent peu de frappes. Et cela d’autant plus que les mouvements de l’EI ont souvent lieu dans des zones périurbaines.

Cela étant, frapper pour frapper, c’est à dire détruire les positions jihadistes coûte que coûte, n’est pas la mission fixée aux avions français. Ainsi, lors du débat sur l’intervention militaire française en Irak, le Premier ministre, Manuel Valls, avait affirmé : « Nous répondons à la demande irakienne pour affaiblir Daesh car il faut aider les combattants kurdes et les soldats irakiens à restaurer la souveraineté irakienne ».

Aussi, selon le général Mercier, « c’est parce que nous exerçons ces missions (reconnaissance et appui au sol) que les forces de Daech sont privées d’initiative : elles n’ont plus la possibilité de sortir de ces zones où elles se retrouvent coincées ». Et d’ajouter : « Certes, il y a toujours une satisfaction à tirer sur des pick-up ou des chars, mais notre mission la plus importante est d’assurer jour et nuit cette permanence afin d’empêcher ces forces de se déplacer et de permettre aux Irakiens la liberté d’action sur leur territoire. C’est un effet militaire qui se mesure peut-être moins facilement que d’autres, mais il est réel et nécessite de déployer le nombre d’avions que la coalition a mobilisé ».

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