Comment l’EI aurait-il pu faire voler des avions de combat?

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L’information a de quoi surprendre : selon des témoignages rapportés par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), l’État islamique (EI ou Daesh) disposerait de « trois avions, vraisemblablement de type MiG-21 et MiG-23, capables de voler ».

Plusieurs personnes ont ainsi assuré avoir vu ces appareils voler à basse altitude, après avoir décollé de l’aéroport al-Jarrah, dans la province d’Alep, dans le nord de la Syrie. Et l’OSDH explique que ces avions avaient été précédemment capturés sur des aéroports militaires syriens par les jihadistes.

Et, pour les faire voler, ces derniers bénéficieraient des compétences d’anciens pilotes de combat des forces irakiennes, lesquels superviseraient des « sessions d’entrainement »… « Ils ont des formateurs, des officiers irakiens qui étaient pilotes pour Saddam Hussein », a ainsi affirmé Rami Abdel Rahmane, le directeur de l’OSDH. « Des gens les ont vus voler, ils ont décollé à de nombreuses reprises de cet aérodrome (d’al-Jarrah) », a-t-il ajouté.

Que d’ex-officiers irakiens aient rejoint l’EI n’est pas impossible étant donné que de nombreux cadres sunnites ayant servi le régime de Saddam Hussein ont rejoint l’EI.

Cela étant, que les jihadistes soient en mesure de faire voler des avions de combat laissés par les forces syriennes et d’entraîner des pilotes a de quoi faire douter. Il est acquis que les jihadistes ont mis la main sur des appareils : lors de la prise de la base de Tabqa, l’on sait qu’ils ont saisi au moins deux MiG-21.

Étaient-ils en état de voler? Probablement non car, dans le cas contraire, les aviateurs syriens ne les auraient pas laissés. En effet, tous les appareils (avions et hélicoptères) opérationnels présents sur la base Tabqa avaient été évacués avant sa chute. Si les informations rapportés par l’OSDH sont exactes, les jihadistes ont dû s’employer à les remettre en état.

Comment? Avec quelles pièces détachées? Les aviateurs syriens ont-ils laissé derrière eux un stock et des moteurs en état de marche? Et puis réparer un avion de combat demande des compétences particulières : on ne s’improvise pas mécanicien « avion » du jour au lendemain. L’EI en compte-t-il dans ses rangs? Des techniciens irakiens ont-ils mis la main à la pâte? En reste-t-il d’ailleurs, qui connaissent assez le MiG-21? (Cet appareil, en service dans les forces aériennes de Saddam Hussein, n’est plus mis en oeuvre, même si, en 2008, le gouvernement irakien attendait le retour de quelques exemplaires partis en ex-Yougoslavie pour maintenance 20 ans plus tôt).

Admettons que les MiG-21 et MiG-23 (dont on ignore s’ils sont tous biplace) aient été remis en état de vol. Encore faut-il les faire décoller. Et, là-encore, c’est plus facile à dire qu’à faire. L’OSDH affirme que ces pilotes irakiens « supervisent » les sessions d’entraînement. Pourquoi ne prennent-ils pas directement les commandes? Forment-il de nouveaux pilotes? Disons-le tout de suite, cette hypothèse est irréaliste. Tout simplement parce qu’il faut un certain niveau de pratique avant d’être « lâché » sur un jet. Sans oublier que des connaissances théoriques sont aussi nécessaires et que tout le monde ne peut pas prétendre à piloter un avion de combat, ne serait-ce déjà sur le plan médical. Qui plus est, le MiG-21, instable et difficile, n’est pas un appareil à mettre entre les mains d’un débutant.

Enfin, se pose encore la question de la maintenance des appareils. Bien sûr, si l’on admet que les jihadistes ont pu les remettre en état de marche, ils sont théoriquement capables de les entretenir. Les forces aériennes indiennes disposent d’une importante flotte de MiG-21… qui connaît un fort taux d’attrition. Et cela, malgré la qualité de ses mécaniciens, formés comme il se doit. La raison tient surtout à l’approvisionnement en pièces détachées.

Quoi qu’il en soit, l’US Centcom, le commandement militaire américain pour le Moyen Orient et l’Asie centrale, n’a pas confirmé cette information. Et l’on peut compter sur le fait qu’il dispose des moyens nécessaires pour valider les renseignements de cette nature. « Nous ignorons si (l’Etat islamique) procède à des

opérations de vol en Syrie ou ailleurs », a ainsi affirmé  le colonel Patrick Ryder, son porte-parole. « Nous continuons à surveiller attentivement (ses) activités en Syrie et en Irak et à effectuer des raids contre son matériel, ses installations, ses combattants et ses centres de gravité, où qu’ils se trouvent », a-t-il simplement ajouté.

Photo : MiG-21 capturé par Daesh sur la base de Tabqa

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