L’armée américaine ouvre un nouveau front contre le virus Ebola
Découvert en 1976 à Yambuku (République démocratique du Congo), le virus Ebola est à l’origine d’une nouvelle épidémie qui affecte, depuis le printemps dernier, pricipalement trois pays d’Afrique de l’Ouest; à savoir le Libéria, la Guinée, et la Sierra Leone.
Ce virus se transmet à l’homme après un contact avec du sang et des sécrétions d’animaux infectés (notamment les chimpanzés, les gorilles, les porcs-épics, les antilopes des bois ou encore les chauves-souris frugivores). Sa propagation entre humains se fait de la même manière, plus précisement via des contacts directs (peau lésée ou muqueuses) avec des « liquides biologiques » de personnes déjà infectées. Le taux de mortalité est de 90%. Le personnel soignant, étant donné le mode de transmission, est par conséquent très exposé, ce qui pose obstacle supplémentaire pour enrayer toute épidémie.
La situation des trois pays principaux affectés par la propagation du virus Ebola est délicate. La progression de l’épidémie s’explique par le fait que ces États ont du mal à se remettre de crises passées et qu’ils connaissent d’importants mouvements de population. Et, comme l’on peut s’en douter, les mesures prises pour tenter de freiner la contamination de cette fièvre hémorragique ne sont pas sans conséquences sur leur activité économique (il est attendu une contraction de 2,5% de leur PIB), ce qui, bien évidemment, n’arrange rien.
En outre, et en dépit de ces mesures sanitaires, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint que l’épidémie ne soit déjà hors de contrôle. Selon son dernier bilan, 2.288 personnes infectées par Ebola sont mortes et 4.269 cas ont été constatés. Près de la moitié des décès signalés se sont produits au cours des 21 derniers jours, c’est à dire que la progression du virus continue de s’accélérer.
« Personne ne peut estimer l’ampleur finale de l’épidémie. Chaque semaine, le nombre de nouveaux cas est plus important. Le pire scénario pour les semaines à venir serait que ce nombre s’accroisse, passant de quelques centaines à plusieurs milliers par semaine. Nous surveillons de très près les données pour déceler toute modification de la tendance actuelle », expliquait dans les colonnes du Monde, le 10 septembre, Chris Dye, le directeur de la stratégie à l’OMS.
L’ONU estime que 20.000 personnes pourraient être infectées par le virus d’ici la fin de l’année. Et pour endiguer l’épidémie, il lui faudrait encore 1 milliard de dollars (soit le double de la somme demandée il y a moins d’un mois). Il s’agit de financer des traitements prometteurs (à base du sang de personnes contaminées ayant survécu) ainsi qu’un vaccin, attendu en novembre. Déjà, l’Union européenne a débloqué 150 millions d’euros depuis mars afin de financer les sytèmes de soins des pays concernés ainsi que des laboratoires mobiles. La France vient, quant à elle, d’apporter 9 millions d’euros à la Guinée, afin de créer un nouveau centre de traitement et une antenne de l’Institut Pasteur.
En août, le ministère de la Défense a précisé que le Service de Santé des Armées (SSA) était pleinement mobilisé depuis la fin juillet contre l’épidémie d’Ebola en participant activement « à la mise en oeuvre du dispositif sanitaire national ». L’Hôpital d’instruction des armées (HIA) Bégin a été désigné par le ministère de la Santé pour faire partie des 9 établissements de référence appelés à accueillir, le cas échéant, des patients affectés par le virus. Il est « en effet le centre de référence militaire pour la prise en charge des maladies émergentes » et « possède les structures adéquates dans son service de maladies infectueuses et tropicales ».
Parmi les pays touchés par cette épidémie, le cas du Libéria est le plus préoccupant. Affaibli par 14 ans de guerre civile, il ne dispose pas des structures médicales suffisantes qui permettrait de mieux lutter contre le virus. Ainsi, ses hôpitaux et dispensaires sont débordés, ce qui, par ailleurs, rend plus compliquée la prise en charge d’autres maladies qui, si elles ne sont pas traitées, peuvent être tout aussi mortelles (paludisme, dysenterie, etc..).
« L’existence du Libéria est menacée », a même affirmé le ministre de la Défense de la plus ancienne République africaine (indépendante depuis 1847), pour qui Ebola « se propage comme un feu de forêt, dévorant tout sur son passage ».
D’où l’annonce du président américain, Barack Obama, d’un vaste plan de lutte contre l’épidémie, qui va concerner plus particulièrement le Libéria. Les relations entre Washington et Monrovia sont anciennes : ce pays africain fut fondé en 1822 par la Société américaine de colonisation, avec des esclaves affranchis venus des États-Unis et des Caraïbes.
« C’est une épidémie qui n’est pas seulement une menace pour la sécurité régionale, c’est une menace potentielle pour la sécurité mondiale si ces pays s’effondrent, si leurs économies implosent, si les gens paniquent », a estimé M. Obama, depuis les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) d’Atlanta, le 16 septembre.
Ainsi, le plan annoncé par locataire de la Maison Blanche consiste à mettre en place, à Monrovia, un centre de commandement appelé à coordonner les efforts contre l’épidémie. Ce qui passera par le déploiement de 3.000 militaires américains.
« L’US Africa Command installera un commandement de forces interarmées dont le siège sera à Monrovia, au Libéria, afin d’assurer le contrôle régional de soutien aux activités militaires des États-Unis et de faciliter la coordination avec le gouvernement des États-Unis et les efforts internationaux. Un général de l’US Army « Africa » (ndlr, composante de l’US Africom) dirigera cette initiative, qui impliquera environ 3000 personnels des forces américaines », a ainsi précisé la Maison Blanche.
Il est aussi question d’un « pont aérien » pour « acheminer le personnel sanitaire et le matériel plus rapidement vers l’Afrique de l’Ouest » et d’une « une base intermédiaire au Sénégal » destinée à « à distribuer l’aide sur le terrain plus rapidement ». En outre, des unités du génie de l’US Army seront mobilisées pour construire des unités de traitement dans les zones touchées. Et il est également prévu de former 500 personnels médicaux locaux par semaine pendant environ 6 mois. Enfin 65 médecins de l’US Public Health Service Commissioned Corps, qui est l’équivalent, grosso modo, du Service de santé des armées en France, seront envoyés au Libéria pour soigner les professionnels de santé tombés malades.
Jusqu’à présent, les États-Unis ont dépensé 100 millions de dollars pour lutter contre l’épidémie, avec déjà une centaine de spécialistes sur place. Et l’administration Obama va faire une demande de 88 millions supplémentaires auprès du Congrès, dont 58 millions seront investis dans le développement d’un vaccin.