La France assignée en justice pour son intervention en Libye en 2011

L’avocat Marcel Ceccaldi a de la suite dans les idées. Conseil de Laurent Gbago, l’ancien président ivoirien qui ne voulait pas reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouatarra, il vient d’assigner l’État français devant le tribunal de grande instance de Paris pour l’aide apportée aux rebelles libyens qui renversèrent le régime du colonel Kadhafi, dont il défendait les intêrets jusqu’en 2011.

Ce n’est pas la première fois que Me Ceccaldi tente – ou affirme qu’il le fera – de traduire en justice ceux qui ont une responsabilité directe ou indirecte dans la chute du désormais ex-maître de Tripoli. En juillet 2011, déjà, il avait fait part de son intention de saisir la Cour pénale internationale (CPI) pour ouvrir une enquête sur les bombardements effectués par l’Otan en Libye. Bombardements qu’il avait qualifiés de « crime de guerre » à l’époque, en estimant que la résolution 1973 des Nations unies avait été « détournée de son objet ».

En octobre de la même année, Me Ceccaldi avait envisagé le dépôt d’une plainte devant la CPI, là encore contre l’Otan, pour la mort du colonel Kadhafi. « L’homicide de Kadhafi montre que les Etats membres n’avaient pas pour but de protéger la population mais de renverser le régime », avait-il expliqué.

Cette fois, l’avocat, qui est également actif dans l’affaire du financement libyen présumé de la campagne électorale qui porta Nicolas Sarkozy à l’Élysée, a donc assigné l’État français en justice, à la demande des habitants de la ville libyenne de Touarga, bastion des pro-Kadhafi en 2011.

Quand cette localité de 40.000 habitants – dont certains, semble-t-il, ont combattu aux côtés des forces loyalistes – est tombée aux mains des milices révolutionnaires, en particulier celles de Misrata, des représailles sanglantes furent commises. Ces dernières ont même été évoquées dans un rapport de l’ONG Human Rights Watch.

« Cette ville a soutenu Kadhafi, certains ont même combattu pour lui… Et maintenant, les 30 000 habitants de la ville ont fui et ne peuvent plus y revenir. C’est inacceptable. Si certains ont commis des crimes, ils doivent être punis, mais on ne peut pas punir tous les habitants d’une ville à cause des crimes commis par certains. Ce déplacement forcé de population pourrait bien être qualifié de crime contre l’humanité, parce que c’est organisé, et systématique », écrivait, en avril 2012, Fred Abrahams, le coordonnateur de Human Rights Watch en Libye.

Les milices de Misrata font encore parler d’elles actuellement : proches des milieux islamistes, elles affrontent, depuis la mi-juillet, les brigades de Zenten (soutenues par les libéraux) pour le contrôle de l’aéroport de Tripoli.

Dans son assignation, Me Ceccaldi explique que la prise de Touarga par les milicens de Misrata avait été rendue possible par les frappes aériennes de la coalition placée sous le commandement de l’Otan. D’où sa demande, à l’État français, de 600 millions d’euros pour dédommager les « 40.000 habitants déplacés » de Touarga et les familles des disparus.

La résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU « prévoyait la protection des civils mais n’autorisait pas les États membres de la coalition à intervenir dans le conflit », fait valoir Me Ceccaldi dans son assignation. Aussi, le principe de non-recours à la force posé par la charte des Nations unies a été violé, selon lui… Et l’État français peut en être tenu pour responsable, selon lui.

La procédure promet d’être longue. Mais, toute proportion gardée, c’est un peu comme si vous portiez plainte contre l’examinateur qui a donné le permis de conduire au chauffard qui vient de vous emboutir une portière…

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