Deux députés s’inquiètent de l’avenir des Forces françaises à Djibouti

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Le rapport des députés Gwendal Rouillard et Yves Fromion sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique et aux Émirats arabes unis promet d’être copieux et riche en informations de qualité. Dans l’attente qu’il soit disponible, les deux parlementaires l’ont présenté, ce 9 juillet, à leurs homologues de la commission de la Défense et des Forces armées.

Tout d’abord, les deux rapporteurs ont fait le point sur les opération Serval (Mali) et Sangaris (Centrafrique). Dans les deux cas, ils ont estimé que la sortie d' »opex » (d’opération) sera compliqué.

Dans le cas du Mali, si la première phase de l’opération est un succès indéniable (reconquête du nord du pays, alors contrôlé par les groupes jihadistes), la situation est loin d’être stabilisée. Et la sortie de crise sera difficile dans la mesure où il n’y a personne à qui passer le relai : les Forces armées maliennes (FAMa), après leur cuisante déconvenue à Kidal, en mai dernier, ne sont de toute évidence pas prêtes et la Mission des Nations unies (MINUSMA), dont la mise en route est lente, n’est pas apte à mener des opérations dans le « haut du spectre », c’est à dire à faire du contre-terorrisme.

S’agissant de la Centrarique, Yves Fromion a fait valoir que « la combativité et la résilience » des groupes armés a été sous-estimée. L’ex-coalition rebelle de la Séléka (à dominante musulmane) est en train de se scinder et, apparemment, ce serait l’aile la plus radicale qui est en train de prendre le dessus. Quant aux miliciens anti-balaka, à dominante chrétienne, ils sont noyautés, voire instrumentalisés par François Bozizé, l’ex-président chassé du pouvoir en 2013.

« Sangaris a fait au mieux avec ce qu’elle avait », a affirmé le député. En outre, les difficultés de la logistique, notamment en période des pluies, avec l’étendue des distance à parcourir, compliquent évidemment la mission. Quant au soutien européen, Yves Fromion a estimé que l’on avait « touché le fond » avec les débats précédants la mise en place de l’opération EUFOR RCA. Au passage (mais on en saura plus quand le rapport sera publié), le parlementaire s’interroge sur le fait que les Français paient le prix de leurs engagements militaires en Afrique pour défendre des intérêts collectifs (terrorisme, trafics de drogues et d’humains) pendant que les Allemands « tirent les marrons du feu » en matière de retombées économiques…

Après avoir rappelé les grandes lignes de la réorganisation du dispositif militaire français en Afrique (régionalisation dans la bande sahélo-saharienne avec barycentre à N’Djamena, base opérationnelle avancée à Abijdan, établissement de POC – pour Pôle opérationnel de coopération à vocation régionale – à Dakar et à Libreville) , les deux rapporteurs ont consacré la plus grande partie de leur présentation à l’avenir des forces françaises affectées à Djibouti.

Car, la réorganisation de ce dispositif militaire vise aussi à faire des économies de personnels, avec un maximum de 3.300 hommes pour les forces prépositionnées. Or, dans ce contexte, les rapporteurs estiment que Djibouti servira de « variable d’ajustement » et que les effectifs des forces françaises y passeront de 1.950 à seulement 950 personnels. Pour rappel, ils avaient déjà été réduits lors de l’exécution de la précédente Loi de programmation militaire, notamment avec le départ de la 13e Demi-Brigade de la Légion étrangère (DBLE) vers Abu Dhabi.

Or, cette nouvelle baisse des effectifs va poser une « équation insoluble » car il s’agira de faire les mêmes missions mais avec deux fois moins de personnels. Or, Djibouti est le dernier État africain avec lequel la France a une clause d’assistance militaire, laquelle a été confirmé lors de la révision récente de l’accord de défense qui lie les deux pays.

« En termes clairs, a expliqué Yves Fromion, nous assurons, parce que nous l’avons accepté, une large partie de la défense de Djibouti, en contrepartie des avantages que nous procure notre installation en ce lieu particulièrement stratégique. Et ce serait une illusion de penser que tout peut se faire depuis Abu  Dhabi grâce à l’A400M ». Et d’ajouter : Abu Dhabi est à près de 3 heures de vol pour un chasseur et nous n’avons pas pléthore d’avions ravitailleurs. Quant à l’A400M, la LPM est ainsi faite que nous aurons une flotte suffisante qu’en 2025″.

Qui plus est, a surenchéri Gwendal Rouillard, Djibouti occupe une position stratégique telle que tout le monde envie la France. « Il suffit pour s’en convaincre de voir les Américains y renforcer leur base, les Chinois négocier l’implantaton d’une base au nord de la ville de Djibouti, près de Tadjoura et les Russes chercher également à le faire. En outre, les Japonais sont déjà présents », a-t-il détaillé.

« En outre, a-t-il poursuivi, l’attentat du 24 mai dernier (qui n’a eu que peu d’écho en France, ndlr) a bien montré que Djibouti et sa région sont clairement menacés. Et avec eux nos intérêts dans ce couloir stratégique ».

Si le plan de porter les effectifs des FFDJ à 950 hommes se confirment, alors il faudra faire des choix. Or, ils seront compliqués à faire. Conformément aux accords de défense, il n’est pas possible de retirer la composante aérienne (Escadron de chasse 3/11 Corse, doté de Mirage 2000C et de Mirage 2000D) puisque c’est à la France que revient la charge de protéger l’espace aérien djiboutien. À moins de retirer la composante « appui-sol » du détachement de l’armée de l’Air. Mais cela ne suffira pas, sauf à toucher aux effectifs du 5e Régiment interarmes d’outre-Mer (RIAOM), lequel, au passage, est impliqué en Centrafrique. Ce serait « désarmer nos forces à Djibouti », a conclu Yves Fromion, pour qui il s’agit « d’un dilemne intenable ».

Selon l’état-major des FFDJ, la limite en-dessous de laquelle il ne faudrait pas descendre pour continuer à remplir le contrat opérationnel qui leur a été fixé et rester crédible est de 1.300 hommes. Aussi, les deux rapporteurs ont plaidé pour « procéder autrement », en accord avec le général de Villiers, le chef d’État-major des armées (CEMA).

« Plutôt que de partir du principe du non remplacement d’un militaire sur deux à Djibouti, il faudrait partir de l’analyse des besoins et des ressources nécessaires », a expliqué M. Rouillard, soit 1.300 personnels, contre 1.950 actuellement (et 950 selon les plans en discussion). « Le gain d’effectifs serait déjà substantiel. Et 350 hommes, c’est 1% du nombre de déflations prévues d’ici 2019; autant dire qu’on est dans l’épaisseur du trait », a-t-il conclu.

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