Irak : Les jihadistes d’EIIL s’emparent d’une ancienne usine d’armes chimiques
Jusqu’en 1991, au moins, le complexe d’Al Muthanna, situé à quelque 70 km au nord-ouest de Bagdad, était une pièce importante du projet 922, lequel visait à développer et à produire des armes chimiques en Irak, comme le gaz moutarde (ypérite), dérivé du sarin, tabun, etc…
Après la première guerre du Golfe, et dans le cadre des sanctions infligées à Bagdad, les inspecteurs de la Commission spéciale des Nations unie commencèrent à procéder au démantèlement de ces munitions, avec plus ou moins d’obstruction de la part du régime de Saddam Hussein.
L’affaire ne se fit en effet pas sans mal : devant le manque de coopération de Bagdad, qui accusait les inspecteurs de l’ONU d’être des espions de la CIA, l’opération Desert Fox, menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, fut lancée en 1998 afin de frapper les installations irakiennes servant – ou ayant servi – à produire des « armes de destruction massive ». Un an plus tard, la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection des Nations unies (COCOVINU) fut chargée de l’inspection des armes en Irak.
Quant à l’usine d’Al Muthanna, après avoir produit des armes chimiques,elle fut utilisée pour les entreposer et les démanteler. « En 1998, les inspecteurs avaient trouvé une certaine quantité d’obus. Ils les avaient transportés sur ce complexe (d’Al-Muthanna). Ces obus ne fuient pas et nous procéderons à leur destruction », expliquait, Dimitris Perricos, chef de mission de la COCOVINU, en décembre 2002. « C’est sur ce site que la plus grande majorité des munitions chimiques et bactériologiques ont été détruites entre 1991 et 1998 », avait-il rappelé.
Avec l’offensive lancée par les jihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), la crainte était de voir ce complexe tomber entre leurs mains. Et cette dernière est devenue réalité.
« Nous savons que l’EIIL a occupé le complexe d’Al Muthanna », a ainsi affirmé Jen Psaki, la porte-parole du Département d’Etat américain, le 19 juin. Toutefois, l’on estime à Washington que les jihadistes ne sont pas en mesure « des armes chimiques opérationnelles, en raison de la vétusté et de l’ancienneté des produits pouvant encore s’y trouver ».
Cependant, a précisé Mme Paski, les Etats-Unis restent « préoccupés par la prise de n’importe quel site militaire par l’EIIL ». Et d’ajouter : « Nous ne pensons pas que le complexe contienne du matériel (pour des armes chimiques) à utilisation militaire et il serait très difficile, sinon impossible, de le déplacer en sécurité ».
Cela étant, comme l’a souligné, dans les colonnes du Telegraph, Hamish de Bretton-Gordon, un responsable de la société SecureBio Ltd et ex-officier du Joint Chemical, Biological, Radiological and Nuclear Regiment des forces britanniques, s’il est peu probable que l’EIIL ait « l’expertise nécessaire pour mettre en oeuvre une munition chimique pleinement fonctionnelle », il peut utiliser des matériaux encore présents sur le site pour fabriquer des engins explosifs improvisés ».
« Nous avons vu qu’EIIL a utilisé des produits chimiques pour des explosions en Irak et a effectué des expériences en Syrie », a encore affirmé Hamish de Bretton-Gordon. Le complexe d’Al Muthanna recèlerait, dans au moins deux bunkers, de grandes quantités de munitions destinées à recevoir une charge chimique, de vieux équipements et des produits industriels toxiques et dangereux.