Le constructeur informatique chinois Lenovo bientôt fournisseur des serveurs de l’armée française?

Comme il l’avait fait en 2005 pour sa gamme d’ordinateurs, le groupe américain IBM (ou Big Blue) a décidé, en janvier dernier, de revendre son activité « serveurs » au constructeur chinois Lenovo, qui compte parmi ses principaux actionnaires l’Académie chinoise des sciences (donc, l’Etat). L’opération est de taille puisqu’il est question d’une transaction s’élevant à plus de deux milliards de dollars.

Cette transaction de plus de 2 milliards de dollars ne concerne pas, à première vue, le ministère de la Défense… Sauf que, selon des informations publiées la semaine dernière par le Canard Enchaîné, la Direction Interarmées des Réseaux d’Infrastructure et des Systèmes d’Information (DIRISI) – opérateur unique des systèmes d’information et de communication placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées – aurait attribué, le 19 mai, au tandem Computacenter et IBM un marché de 160 millions d’euros sur 4 ans pour la fourniture de serveurs X-86, destinés à équiper des « sites critiques ». Pourquoi ce choix? Tout simplement parce qu’en ces temps de disette budgétaire, l’offre la moins chère a été retenue.

En clair, étant donné l’opération en cours, ces serveurs acquis par la Dirisi ne serait plus estampillés « IBM » mais « Lenovo ». Toutefois, le groupe américain conserverait  son portefeuille d’applications Windows et Linux développées pour les serverus x86. Cependant, le constructeur chinois est soupçonné de piéger les ordinateurs à des fins d’espionnage en installant des « backdoors » sur leurs composants. Une vue de l’esprit? Pourquoi l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) délivre-t-elle alors des certifications pour les micro-circuits?

En juillet 2013, l’Australian Financial Review affirmait que les services de renseignement américains, anglais, canadiens, australiens et néo-zélandais avaient banni les ordinateurs produits par Lenovo pour éviter le cyberespionnage. En 2005, suite au rachat de la branche « ordinateurs » d’IBM, le département d’Etat américain n’hésita pas à annuler une commande de 30.000 machines commandés à Big Blue mais qui devait être livrées par le constructeur chinois.

« C’est de la folie. Lenovo est connu pour installer des logiciels espions indétectables dans ses équipements. Certes les Américains font la même chose, mais au moins, ce sont nos alliés », commentait un officier sollicité par le Canard Enchaîné au sujet du marché qui aurait été notifié par la Dirisi. Selon l’hebdomadaire, le ministère de la Défense relativise. « L’accord (entre IBM et l’industriel chinois) n’est pas finalisé ».

Cela étant, en parcourant le Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), l’on ne trouve pas – du moins pas encore – l’avis d’attribution de la DIRISI à Computacenter-IBM en date du 19 mai. Cependant, une procédure (avis n°13-43893) a été lancée en mars 2013 pour l' »acquisition de configurations standardisées en matière de serveurs, de stockage et de sauvegarde pour le ministère de la Défense ». Il était alors question d’un contrat de 4 ans pour un montant de 160 millions d’euros, comme celui évoqué par l’hebdomadaire satirique.

Dans cet avis, il est écrit que la priorité sera donnée à « l’offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères énoncés dans le cahier des charges, dans l’invitation à soumissionner ou à négocier ou encore dans le document descriptif ». Et il est précisé que « le présent accord-cadre est à clause de sécurité et nécessites les habilitations  » confidentiel défense  » du candidat et de ses personnels désignés (ainsi que de ses éventuels sous-traitants) à accéder aux informations, supports protégés et sites concernés pour l’exécution des marchés subséquents ».

L’avis n°13-43893 sera ensuite modifié à trois reprises : deux fois en mai de la même année (avis n°13-85455 et n°13-81245), puis, en octobre (avis n°13-180418), pour faire savoir que « la procédure de passation a été interrompue » et que « le marché est susceptible de faire l’objet d’une nouvelle publication ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]