Renault Trucks Defense abandonne l’idée d’un rapprochement avec Nexter

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a de nouveau affirmé être sur le point de lancer le programme Scorpion, très attendu à la fois par l’armée de Terre, car il lui permettra de renouveler ses véhicules qui n’en peuvent plus, et par les industriels de l’armement terrestre. Or, la perspective de nouvelles coupes dans le budget de la Défense faisait craindre à une nouveau report (et les 350 millions d’euros d’efforts supplémentaires demandés aux armées dans le projet de Loi de finances rectificative, compensés on ne sait trop encore comment, sont loin de rassurer…).

« Fort des engagements du président de la République en faveur du budget de la Défense, je m’apprête à lancer le programme Scorpion », a ainsi déclaré M. Le Drian, lors de son alloction prononcée lors de l’ouverture de l’édition 2014 du salon Eurosatory, à Villepinte. « Il pourrait être tentant, dans ces heures difficiles, de sacrifier les intérêts futurs pour préserver nos intérêts de court et moyen terme », a-t-il poursuivi.  « Mais ce n’est pas ma vision des choses », a-t-il ajouté car, selon lui, « le maintien de notre souveraineté, (…) passe également par des investissements qui visent à préparer l’avenir ».

Pour autant, même si le programme Scorpion est lancé, les cinq prochaines années seront difficiles pour les industriels de l’armement terrestre. La Loi de programmation militaire 2014-2019 ne prévoit que l’acquisition, d’ici 2018, de seulement 292 Véhicules blindés multirôles (VBMR, successeur du VAB) sur une cible totale de 2.080 exemplaires.

Et entre la fin des livraisons du Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) et celles des premiers VBMR, il faudra aux acteurs du secteur tenir pendant 5 ans. « Une traversée du désert », avait lancé Gérard Amiel, alors patron de Renault Trucks Defense (RTD), lors d’une audition devant les députés de la Commission « Défense », en septembre 2013.

Aussi, il avait défendu l’idée d’un rapprochement de RTD (qui venait alors d’absorber Panhard) avec le groupe public Nexter. « Si le paysage industriel est inchangé pendant les 5 années de traversée du désert que nous impose la Loi de programmation militaire, nous pouvons nous attendre à des conséquences graves sur la pérennité des sites, sur l’emploi et sur le maintien des compétences industrielles », avait-il plaidé.

Estimant « prématuré et risqué » d’envisager une alliance entre l’ex-Giat avec l’allemand Krauss-Maffei Wegman, M. Amiel avait expliqué qu’il fallait d’abord « nos forces au niveau français » afin d’être mieux placé ensuite pour « mener des opérations de rapprochement avec des acteurs européens ». Et d’ajouter : « Renault Trucks Defense et Nexter ne sont pas concurrents mais au contraire très complémentaires » (ndlr, les deux entreprises collaborent notamment sur le VBCI).

Seulement, Nexter étant une entreprise 100% publique, il aurait fallu faire évoluer son statut pour rendre possible un tel rapprochement. En outre, pour son Pdg, Philippe Burtin, il était hors de question de dissocier les activités liées aux véhicules blindés de celles concernant les munitions. Aussi, il avait opposé une fin de non recevoir à la proposition de RTD.

Finalement, ce qui passait pour une solution de bon sens il y a quelques mois n’est désormais plus la priorité de RTD. Et depuis, Gérard Amiel a été remercié, puis remplacé par Stefano Chmielewski, son supérieur hiérarchique, en raison de « divergences de management », selon Les Echos.

Et, dans un entretien accordé à L’Usine nouvelle, M. Chmielewski a fait savoir qu’il n’est désormais plus question d’un rapprochement entre l’entreprise qu’il dirige et le fabricant du char Leclerc. « Nous avons essayé par le passé de nous rapprocher de Nexter plusieurs fois. Sans succès de toute évidence », a-t-il dit. « Sincèrement je ne suis plus intéressé pour une telle opération. Nous n’avons pas l’expertise dans les armes et les munitions qui serait nécessaire pour faire un partage industriel équilibré avec Nexter », a-t-il ajouté.

« Nous avions vu dans la consolidation de l’industrie de l’armement terrestre une bonne opportunité pour être l’acteur de la première étape d’une consolidation européenne. Mais les obstacles sont nombreux, comme la privatisation au préalable de Nexter », a encore déploré M. Chmielewski. Aussi, la priorité de RTD est de se développer « au-delà de la chaine cinématique et notamment dans les protections, le blindage et les véhicules légers non chenillés ».

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