Le gouvernement irakien perd le contrôle de Mossoul et celui de la province de Ninive

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Le début de l’année avait mal commencé pour les forces de sécurité irakienne, qui perdirent le contrôle de la ville de Falloujah, tombée aux mains des jihadistes de l’Etat islamique en Iral et au Levant (EIIL), une organisation dirigée par Abou Bakr al-Baghdad et également très active en Syrie, où elle a recruté de nombreux combattants étrangers, pour une bonne part venus de pays occidentaux..

Depuis, les forces irakiennes ont été dans l’incapacité de reprendre Falloujah, comme elles sont également à la peine à Ramadi, chef-lieu de la province d’al-Anbar situé à 110 kilomètres à l’ouest de Bagdad. Certes, elles ont pu mettre en échec, le 7 juin, un commando terroriste qui venait de prendre en otage des étudiants de l’université de la ville, comme elles ont pu repousser une offensive fulgurante d’EIIL sur la ville de Samarra, où, pendant quelques heures, des drapeaux noirs ont été hissé sur quelques monuments.

Mais quarante-huit heures plus tard, elles ont été submergées par des centaines d’insurgés qui ont investi Mossoul, la seconde ville la plus peuplée d’Irak, situé à 350 km au nord de la capitale irakienne. Pour l’heure, l’identité des assaillants n’a pas été confirmée officiellement mais selon un officier de haut rang, il s’agirait de combattants de l’EIIL. Ces derniers ne sont pas arrêtés là puisque, dans la foulée, ils ont pris le contrôle du siège du gouverneur de la province pétrolière de Ninive, à l’issue de combats contre l’armée et la police.

« La cité de Mossoul, chef-lieu de la province de Ninive, échappe désormais au contrôle de l’État et elle est aux mains des insurgés », a affirmé un responsable du ministère irakien de l’Intérieur. Ce qu’a confirmé le président du Parlement de cette région, Oussama al-Noujaïfi, lequel a estimé nécessaire de « de mobiliser toutes les forces et d’alerter les dirigeants dans le monde pour faire face à cette offensive terroriste ». Et d’ajouter : « Si on n’arrête pas cette offensive sur les frontières de Ninive, elle va s’étendre à tout l’Irak ».

Les combattants de l’EIIL sont relativement bien entraînés et armés tandis que les forces irakiennes paraissent désemparées, alors qu’elles sont dotées de véhicules blindés et peuvent bénéficier d’appuis aériens.

Un article de CTC Sentinel [.pdf], une publication de l’académie militaire de West Point, raconte ainsi que, le 20 avril, un peloton blindé irakien composé d’une douzaine de MT-LB et d’un char T-55 a été défait à Al-Humayrah, dans la banlieue de Ramadi. Et pour cause : les insurgés disposaient de missiles anti-char filoguidés. Sur le plan tactique, par exemple, les jihadistes immobilisent les véhicules des forces irakiennes (en général, des Hummers cédés par les Etats-Unis) en tirant sur les moteurs avec des fusils de précision de type Dragunov.

Parallèlement à cela, l’EIIL continue sa campagne de terreur contre les civils et en particulier la communauté chiite. Le 7 juin, 60 personnes – principalement des chiites – ont perdu la vie dans une vague d’attentats à la voiture piégée. Des attaques de ce type sont quotidiennes en Irak, au point qu’elles sont déjà fait 4.300 morts cette année, dont 900 sur le seul mois de mai.

Dans le fond, que les forces irakiennes aient des difficultés n’est guère étonnant : l’armée américaine, qui disposait de moyens conséquents dans les années 2005-2006, avait dû batailler ferme contre les groupes insurgés, dont est issu l’EIIL. En outre, elles manquent de moyens aériens (drones, appui) et elles restent figées dans les mêmes schémas tactiques face à adversaire qui évolue. En outre, le commandement n’est pas stable : 5 commandants se sont succédés dans la province d’al-Anbar en moins de 2 ans…

La partie s’annonce très délicate pour les autorités irakiennes, d’autant plus que l’EIIL peut bénéficier du soutien des milieux sunnites, dont certains s’estiment marginalisés par le pouvoir chiite en place à Bagdad. Suite à la perte du contrôle de la province de Ninive, le gouvernement a appelé le Parlement à décréter l’état d’urgence et annoncé la création d’une cellule de crise destinées à superviser « le (…) volontariat et (…) l’armement des citoyens volontaires » désireux d’aller combattre les insurgés et « vaincre le terrorisme ».

Quoi qu’il en soit, ce qui se joue peut-être en Irak est le leadership de la mouvance jihadiste, assuré actuellement par Ayman al-Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’al-Qaïda. D’ailleurs, l’émanation syrienne de cette dernière, le Front al-Nosra, est en rivalité avec EIIL.

« Depuis au moins 10 ans, il (Ayman al-Zawahiri) se cache dans la région frontalière Afghanistan-Pakistan sans faire grand-chose en réalité à part publier quelques communiqués et vidéos », soulignait récemment Richard Barrett, ancien chef du contre-terrorisme du service du MI6, le service de renseignement britannique. « qui aime l’action ira rejoindre Baghdadi », avait-il ajouté.

Dans un message diffusé au début du mois de mai, Zawahiri donnait l’impression de chercher à se raccrocher aux branches, en demandant au Front al-Nosra de cesser immédiatement la lutte fratricide, en Syrie, contre l’EIIL et en raffirmant l’appartenance de ce dernier à al-Qaïda tout en lui demandant de se concentrer sur l’Irak.

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