L’armée ukrainienne a repris le contrôle de l’aéroport de Donetsk

Drôle de parcours que celui suivi par Petro Porochenko, élu dès le premier tour de l’élection présidentielle ukrainienne, le 25 mai, alors que les électeurs de l’est du pays n’ont pas pu se rendre dans les bureaux de vote, leur accès ayant été interdit par les séparatistes pro-russes.

D’abord loyal, dans les années 1990, à Leonid Koutchma, le parrain de l’indépendance ukrainienne lors de l’implosion de l’Union soviétique, Petro Porochenko qui a gagné son premier million de dollars dans le négoce du poivre et du cacao a eu par la suite des convictions évoluant au gré de ses affaires…

Membre du parti qui amena le pro-russe Viktor Ianoukovitch au pouvoir en 2001, Petro Porochenko changea de camp quatre ans plus tard pour rejoindre celui de la Révolution orange. Il est alors nommé secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense d’Ukraine par le président Iouchtchenko. Congédié quelques mois plus tard et, après avoir présidé la Commission des Finances et des Banques du Parlement ainsi que le conseil de la Banque nationale d’Ukraine, il devient ministre des Affaires étrangères. Il soutient alors le rapprochement de Kiev avec l’Otan et l’Union européenne.

Le retour de Viktor Ianoukovitch au pouvoir, en 2010, aurait pu sonner le glas de la carrière ministérielle de Petro Porochenko. Il n’en sera rien car, nouveau retournement de veste, il sera nommé ministre de l’Economie en 2012, avant de quitter le gouvernement et de s’investir dans le mouvement pro-européen. Voilà pour le personnage, qui, pour être complet, dispose d’une fortune de 1,3 millards de dollars et possède un groupe agro-alimentaire (confiserie), une chaîne de télévision influente (Kanal 5) et un fabricant de composants pour l’automobile.

Quoi qu’il en soit, qu’il ait membre d’un gouvernement du président déchu Ianoukovitch ou pas, Petro Porochenko se veut très ferme à l’égard des séparatistes pro-russes à actifs dans l’est du pays, plus précisément dans la région du Donbass. Ayant affiché l’intention de renforcer les forces armées ukrainiennes, il se dit hostile à tout idée de fédéralisation de l’Ukraine afin d’éviter d’avoir à créer « cinq Crimée ».

Quant aux séparatistes, le ton qu’il emploie pour les qualifier n’est guère différent de celui des autorités de transition : ce sont des terroristes. Et d’affirmer qu’il continuera les opérations militaires menées contre eux mais de « manière plus efficace ».

« Ceux qui refusent de déposer les armes sont des terroristes et on ne négocie pas avec les terroristes. Leur objectif est de transformer le Donbass en Somalie. Je ne laisserai personne faire ceci sur le territoire de notre Etat. J’espère que la Russie soutiendra mon approche », a-t-il lancé.

Justement, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a déclaré que le Kremlin est « prêt à un dialogue pragmatique, sur un pied d’égalité, basé sur le respect de tous les accords, en particulier dans le domaine commercial, économique et gazier et en ayant en vue la recherche de solutions aux problèmes existant actuellement entre la Russie et l’Ukraine », sans toutefois préciser si Moscou reconnaissait la légitimité du nouveau président ukrainien.

Seulement, le discours musclé de M. Porochenko et surtout l’annonce de ce dernier qu’il se rendrait dans le Donbass ont motivé les séparatistes pro-russes à s’emparer de l’aéroport de Donetsk dans la nuit du 25 au 26 mai. Et cela a donné lieu à de violents combats avec l’armée ukranienne, laquelle a déployé des parachutistes et engagé des des hélicoptères Mi-8 ainsi que des avions de combat de type MiG-29 et Su-25 pour des frappes aériennes.

Au deuxième jour de cette opération « contre-terroriste », les forces urkrainiennes ont fini par reprendre le contrôle de cet aéroport. De leur côté, les rebelles, via Alexander Borodaï, le Premier ministre de la « République populaire de Donetsk » autoproclamée, ont annoncé avoir perdu plus de 50 hommes tandis que l’agence russe Itar-Tass a avancé plus de 100 morts, dans de « nombreux civils ». Aucune perte n’a été signalée par Kiev. En outre, l’OSCE, qui dispose depuis mars d’une mission spéciale d’observation, a dit avoir perdu contact avec l’une de ses équipes alors basée à Donetsk.

À Moscou, le président Poutine a appelé à l’arrêt immédiat des opérations militaires ukrainiennes, qu’il a qualifiées de « punitive ». Jusqu’à présent, les forces ukrainiennes n’avaient pas usé d’une telle violence à l’égard des séparatistes, sans doute par crainte de voir arriver les unités russes massées de l’autre côté de la frontière. Qu’en sera-t-il si cette situation demeure toujours aussi tendue?

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]